Genre

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Non, je ne vais pas te parler du genre masculin/féminin.

D’abord parce que Godard ne m’a jamais trop causée, rapport à ma passion pour les intellectuels de la culture – surtout quand ils ont les mêmes lunettes que mon père – (sauf A bout de souffle mais ça c’est parce que Jean Serberg, Romain Gary, les Black Panthers, toussa toussa), et aussi parce que la Chantal, je ne la connaissais qu’en quadricolore et affublée d’un certain lapin.

Ok, ma blague est nulle, mais comme ça je place hyper discretos que j’ai DÉJÀ regardé des films de Jean-Luc, tavu…

Mais surtout parce que j’ai certainement des tas de choses à dire sur ce sujet fort important (pour de vrai), mais qu’il faut d’abord que je fasse le tri dans ma tête. Je pensais être très au clair, et il y a peu, je me suis surprise à regarder quelqu’un dans la rue et à me poser LA question en étant un peu dérangée que la réponse ne soit pas si évidente. Flagrant délit de conformisme, c’est un peu la hchouma… Il est temps d’affiner ma réflexion et mes arguments.

Bref, je ne te parle pas des zizis-et-des-zézettes-qui-ne-sont-pas-si-binaires-qu’ils-en-ont-l’air, mais du genre comme dans « t’es pas trop mon genre ».

Et je sens que j’ai déjà perdu les deux tiers des lecteurs, va pas rester bézèf à la fin si je continue à faire des introductions à circonvolutions et double-pirouettes.

Je me souviens de B., rencontré en licence de mathématiques pures.

Je rajoute « pures » parce que ça claque vachement plus, SURTOUT quand on a balancé juste avant ses accointances culturelles nouvelle-vaguistes. 

B., donc, rebeu en carton pour reprendre ses termes, affublé d’une adorable petite cicatrice sur la lèvre supérieure qui ne me laissait absolument pas indifférente, d’autant qu’à l’époque, j’étais très vaguement axée Afrique du Nord.

J’avais un « genre ».

B. était ultra courtois, super galant, du jamais-vu pour moi : et que je t’offre des chaussures chères alors qu’on se connaît depuis deux mois, et que je ne te laisse jamais payer le restal, et que je passe te récupérer en bagnole où qu’on aille même à 300 m, et que je t’invite au cinoche, et que je te raccompagne jusqu’à la porte de ton appart’ vers 4 du, etc etc etc.

Moi, bêtement, vu la somme de signaux envoyés, je me suis dit qu’yavait moyen de moyenner.

J’ai tâté le terrain gentiment et je me suis pris un premier râteau. Sur le thème : « je ne peux pas sortir avec une fille qui fume des joints ».

Comme le mec continuait à être irréprochable et charmant, acceptant mon invitation à boire un petit thé à l’amante at home malgré l’heure tardive et riant à toutes mes blagues même les plus pourries, j’ai retenté l’affaire, façon sioux.

Deuxième bâchage.

J’ai alors chuchoté à mon B. que je ne croyais pas une seconde à son argument, et qu’il était aussi simple de me donner la vraie vérité vu mon tempérament masochiste. Il s’est d’un coup mis à touiller son bol de soupe pho en louchant vers le fond comme s’il pouvait y reluquer Arlette Laguiller à oilpé (l’homme militait à gauuuuuuuuche toute).

– « Tu peux me le dire, mon loulou, si je ne te plais pas…
– Mais non, c’est pas ça, je t’adore.
– Tu sais bien ce que je veux dire…
– …
– T’inquiète pas, je m’en remettrai, tu sais…
– Ben disons que…
– hum hum…?
– J’ai pas eu le déclic, quoi. Je suis désolé, R. »

J’ai eu un peu mal à mon ego, mais ça me semblait être le meilleur des arguments. Vraiment. Auquel rien n’est opposable.

Le mec l’a eu totalement sur l’oreille pendant plus de 10 piges, mais on est toujours potes comme cochons 15 ans plus tard, et j’ai pas arrêté de le chambrer sur sa façon curieuse de NE PAS draguer et aussi sur son abstinence forcée.

Pourquoi je te raconte ça déjà…?

Ah oui ! Pour parler du genre.
Ce mec, je n’étais donc pas son genre. Trop libérée, trop indépendante, pas assez rebeu, trop punk, trop aventurière, pas assez sage.
Il aimait ma compagnie, mais ne se projetait pas vraiment avec moi : l’étincelle n’y était pas.
Avec du recul, je pense qu’il a vu avant moi à quel point nous étions amoureusement et sexuellement incompatibles, et je l’en remercie, ça m’a permis de garder un super ami qui ne me laisse toujours pas raquer le restal.

Mais peut-on réellement restreindre cela au genre ?

N’est-ce pas plutôt pure chimie et connexions intellectuelles lubriques ?

Alors c’est vrai, j’ai une émotion toute particulière quand je croise un homme un peu bucheronnesque (Harvey Keitel I love you) mais pas trop quand même, crâne rasé, barbe de trois jours, tête burinée, un chouï apprêté mais passe-partout, et muet. Je le concède, ça me chatouille le ventre. Mais au final, ça ne suffit pas. Et ça peut être contourné.

Et le fait que le père de mes enfants ressemble presque à ça n’invalide PAS DU TOUT ma dernière phrase.

Quand je repense à l’autre homme courtois – celui avec lequel je n’ai pas parlé topologie, intégrales et autres cercles trigonométriques -, je vois bien que le genre n’est pas tout. Rien ne nous destinait à éventuellement nous séduire l’un l’autre, il était même mon anti-genre, et pourtant… le désir est né.

Tu te demandes bien où je veux en venir avec mon histoire à tiroirs, hein ?

Eh bien voilà.
Il y a peu, suite à mon micro-passage télévisuel, un homme m’a contactée. Je suis sur les pages jaunes, c’est donc pas bien compliqué.
Plutôt culotté, assez sympa, on a un peu échangé.

J’aime bien les correspondances… et l’audace.

Je lui ai dit à maintes reprises que je ne cherchais pas une rencontre, pas même sexuelle, que ma vie était compliquée surtout en ce moment, que je manquais de temps et d’envie, que j’étais dans un immense flou, et surtout que je ne savais pas draguer par écrit des hommes que je ne connaissais pas. Que donc il y avait peu de chance qu’on horizontalise un jour, qu’en tous les cas je ne pouvais rien promettre.

Un mois de correspondance par mail, le mec était tenace et gentil, me lançait quelques perches orientées que je ne saisissais jamais, me parlait de son obsession pour mon grain de beauté, me disait qu’il avait besoin de me rencontrer.

Je n’ai pas eu le coeur de le faire patienter démesurément, quand bien même ma vie et ma tête étaient en putain de chantier.

Nous avons dîné au restaurant, soirée sympa, beau garçon, mais je me suis encore attachée à lui répéter de ne pas espérer quoi que ce soit. Que je ne disais pas « jamais », parce que je sais d’expérience que rien n’est coulé dans le marbre quand on parle de désir, mais que j’en étais loin, très loin, et qu’il me fallait de toutes les façons d’abord créer une connexion amicale avant d’envisager de me laisser renifler.

Aucun principe là-dedans. Juste ma légendaire incapacité à baiser avec des inconnus.

Nous avons échangé encore, l’homme maintenait le contact très poliment, essayant de ne pas me pressuriser, n’y arrivant pas trop mais je lui dois d’affirmer qu’il faisait des efforts de ce côté-là. Son attente dégoulinait de chacun de ses messages, sa frustration quant à ma distance aussi. Il essayait de me tendre à nouveau des perches coquines, et je ne réagissais pas. Parce que ces perches ne me réchauffaient pas.

Qu’y puis-je ?

Son envie ne réveillait pas mon envie, je ne sais pas pourquoi, mais c’est ainsi. Il n’avait pas trouvé le truc pour me ferrer.

Alors que faire ? Couper court directement ou laisser la place à l’éventuelle naissance d’un espoir, d’un désir, un jour, plus tard, quand ma vie serait plus claire ?

De toutes les façons, dans tous les cas, tu es perdant : si tu n’essayes pas, on te dit que tu aurais pu au moins essayer ; si tu essayes et que ça foire on te dit que de toutes les façons, tu n’y croyais pas.

Et bordel, ça me rappelle gravement une autre situation…

Suite à une énième esquive, il a commencé à s’agacer et à me faire les reproches du casse-tête chinois cité plus haut : tu pourrais te laisser approcher/tu pourrais ne pas me faire espérer.

Insoluble…

Je lui ai redis ce que je lui avais déjà dit, m’excusant de ne pas avoir ressenti de frémissement à son contact, que je comprendrais qu’il capitule vu le manque de clarté de mes indications, mais que voilà, je n’avais pas la tête à ça et que ressentir du désir n’était pas de l’ordre de la volonté.

La réponse m’a laissée sans voix.

En fait, si je ne veux pas essayer, c’est parce qu’il joue au golf alors que moi je fume des pétards. Et la conclusion : je sombre dans l’ethnodifférencialisme.

Clouée.

Bon enfin, j’ai eu de la chance, il ne m’a pas dit que c’est parce que je n’aime pas les noirs.

Merci aux deux lecteurs qui sont allé au bout de ce texte.
By ze way, mister golf, si tu en fais partie, sache que je ne t’en veux pas. Mais ça m’a un peu contrariée sur le coup.

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14 commentaires pour Genre

  1. jo dit :

    Même pas un petit parcours en 9 trous madame R. ?
    Zoubis

    • R. dit :

      Je vois pas lesquelles de mes copines pourraient assurer les trous 4 à 6 et 7 à 9… Mais quand bien même, non, même pas. C’est pas monté. Life is life ! 😀

  2. zoumpapa dit :

    toi t’es la reine des circonvolutions…mais j’ai tenu le coup, suis arrivé au bout! :-))
    …pour le reste, t’façons, tant que t’as pas accusé la réception provisoire de ton chantier, y en a un paquet qui vont se pêter le dentier 🙂

  3. MINNER dit :

    Eh bien moi je suis allé jusqu’au bout de tes circonvolutions parce que c’est pour ce genre de chemins de traverse que je te lis, que je m’amuse, que je me marre, que je me fais plaisir…Quel supense ! En résumé, si ya pas de plaisir, pourquoi se forcer ? Franchement Mister Golf, c’est quoi cette histoire ? La Dame t’a dit depuis le début qu’elle se sentait pas de commencer quoi que ce soit…Bon quand même chapeau pour la pérsévérance…A méditer quand même…

  4. zut dit :

    Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.
    Le monsieur connaît visiblement ses classiques.

  5. Marie dit :

    @zut: sauf que justement, ça n’a pas marché! En résumé ma chère R, où y’a d’la gêne, y’a pas d’plaisir… La preuve: je suis allé jusqu’au bout…

  6. Judie K dit :

    Tu m’as coupé l’herbe sous le pied, j’étais en train d’écrire un truc sur mon genre de mec, la conclusion n’est pas tu du tout la même (tu t’en doutes), mais t’écris tellement mieux ! Avec les chemins de travers plein de charmes.

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