Et surtout bonne année !

« Mon ex R. m’a dit que vous étiez dans une relation libre. »

Jeudi 11 janvier 2024, 23h16. Pépouze sur mon canap’, last clope au bec, je viens d’envoyer des mots amoureux de bonne nuit à l’homme de ma vie censé revenir chez moi demain après sa semaine d’absence sur deux. Téléphone en mains, je vois une notification Instagram, une inconnue.

A.

Et je lis ce message…

« Mon ex R. m’a dit que vous étiez dans une relation libre. »

Haussement de sourcils. Doublé d’un petit sourire étonné. Tiens tiens tiens… Un message pour le moins abrupte, mais qui semble potentiellement instructif. Alors je réponds.

« Bonsoir, mais encore ? Que vous a t-il dit d’autre ? »

Mon cerveau cogite un peu, et si une part de moi conclut assez vite que mon mec a probablement baisé ailleurs, je décide de prendre mes suppositions avec humour et décontraction. D’une, de fait, il avait le droit, et même le gauche – mais en s’assurant que je ne l’apprenne pas – ; de deux, si c’est avéré, ça m’ouvrirait, quelque part, un crédit. Dont je n’avais pas besoin, puisque moi aussi, j’ai le droit. Mais que je ne m’autorisais pas, restant à l’orée du vague fantasme, décidant sans peine que le petit cœur de mon grand amour palpitant entre mes mains valait plus que tous les émois.

Car, oui, il m’a toujours dit que j’étais la première femme dont il était vraiment tombé follement amoureux, ce qui m’a toujours beaucoup émue… et aussi qu’il pensait à 95% que je le trompais, ce qui m’a toujours semblé injuste et démesuré, puisqu’en plus d’être faux, je n’ai jamais rien fait ni dit quoi que ce soit qui puisse corroborer cette hypothèse-quasi-certitude. J’ai toujours eu à cœur d’être transparente avec lui, et je n’ai eu de cesse de crier haut et fort, à quiconque, ici et ailleurs, à quel point j’aimais mon homme et le couple atypique que nous formons, à quel point j’avais trouvé mon oasis au creux de ses bras. Précisant qu’en ce qui me concernait, je ne céderai qu’aux désirs impérieux, ceux qui assassinent l’âme si on cherche trop à les enterrer.

Et la bonne nouvelle c’est que je n’en ressentais pas, de désirs impérieux, absolument comblée par mon histoire d’amour et la sexualité qui en découlait. Même les quelques élans que j’avais pu ressentir, parfois, rarement, j’avais aisément réussi à les contenir et à éviter toute situation qui aurait pu faire lâcher les digues.

Sans réponse de A., je pars me coucher parvenant sans trop de mal à soumettre mon cerveau à mon exigence de nuit paisible : je verrouille les portes que je ne veux pas emprunter et attends de voir….

Vendredi, 6h27, va savoir pourquoi, je me réveille avant la sonnerie du téléphone… Que j’allume direct, sait-on jamais.

« Désolée pour la réponse tardive, je me suis endormie. Je voulais juste savoir si c’était vrai. Je suis sorti avec lui au lycée, ça date. Mais vu l’information que j’ai eu, j’étais obligée de vous poser la question. Bonne journée. »

Cool, une réponse…

Je lui demande dans quel contexte elle a reçu cette information, dont je précise qu’elle est en partie vraie mais assortie de conditions qui ne sont peut-être plus respectées à partir du moment où je reçois ce message. Elle me parle d’une soirée dans un bar où son mari a discuté avec mon mec, ajoutant que quand elle était avec mister R., trente ans plus tôt, il avait dit à tout le monde qu’ils étaient dans une relation libre – ce qui était faux – et l’avait trompée, ce qu’elle n’avait jamais digéré. D’où son message. Constatant que cette fois c’était vrai, elle me souhaite une bonne journée.

Plutôt rassurée, je lui détaille un peu plus notre contrat, pour qu’elle sache que mon mec n’a pas menti, cette fois, et lui glisse que son message pour le moins frontal m’a évidemment laissé croire qu’elle était sa maîtresse. Ce à quoi elle répond tout en « mdr », précisant qu’au contraire, R. a littéralement passé la soirée à m’encenser, me présentant comme sa star, son héroïne.

Bien rassurée.

Je conclus l’échange en riant à mon tour sur le fait que je me réjouis de ne finalement pas devoir me coltiner une discussion relou avec lui dès son retour chez moi, ce soir.

Et la journée se passe plutôt sans encombre, même si j’y repense parfois, m’interrogeant sur les raisons qui ont poussé cette fille à envoyer ce message… La solidarité féminine ? L’envie de m’alerter ? Mais de quoi ? Ou un désir de vengeance ? En prenant le risque de foutre le bordel dans un couple et une famille qui fonctionnent…?

19 heures, je retrouve avec joie mon amoureux après sept jours sans se voir.

La petite vie familiale se déroule comme une veille de week-end et, après avoir couché la petite, je lui balance, hilare : « Tu sais qu’on a failli passer une mauvaise soirée, toi et moi…? »

Il me regarde, interrogatif.

« Je te raconte… Hier soir j’ai reçu un message et… »

Il ne me laisse pas terminer, rigole et enchaîne : « Je te coupe, je sais de quoi tu vas me parler. Figure-toi que moi aussi, j’ai reçu des captures d’écran. »

À mon tour de le regarder perplexe.

« Je t’explique ! Cette nana, c’est pas du tout une ex, elle a quinze ans de moins que moi. C’est ma voisine du 3e étage, une meuf qui picole. »

Dingue…!

Il poursuit : « Il y a quelques semaines elle a réceptionné un de mes colis, ou l’inverse je ne sais plus, et puis après elle est venu me demander du sel, on s’est rendu quelques services. Elle m’a relancé donc on a bu un café une fois ou deux, en mode bon voisinage. Il se trouve qu’il y a des années elle a perdu son frère le jour de son anniversaire, en janvier, et comme moi, tu le sais, j’ai perdu mon meilleur ami aussi, mais en décembre, on a pas mal discuté de ça… C’était la période souvenir un peu difficile pour nous deux. Et puis un soir de novembre ou de décembre, elle a toqué à ma porte. Je suis sorti sur le palier, et elle a essayé de me pécho. Je l’ai repoussée, enfin peut-être que nos lèvres se sont touchées mais je ne suis même pas sûr. Mes fils ont dû regarder par l’œil de Judas parce que quand je suis revenu chez moi, les deux étaient en larmes, surtout J., le grand. J’ai été le voir et, en sanglots, il m’a demandé ce que je faisais, ce qu’il se passait, et dit qu’il adorait sa sœur, qu’il t’adorait, qu’il ne voulait pas qu’elle ou toi vous disparaissiez de sa vie… Il était tout chamboulé. Alors je lui ai expliqué qu’il n’y avait rien, je l’ai rassuré. Il pourra te le confirmer ! »

Je le regarde, très touchée par la réaction de mes beaux-fils, 17 ans et 14 ans. Et aussi hallucinée. Pourquoi cette meuf tricote une telle histoire…?

R., lui, est tout sourire, bien d’aplomb : « Ah je suis content, heureusement que mes fils ont assisté à cette scène, du coup. Y’a pas d’histoire, voilà l’histoire. »

Je ris à mon tour, soulagée. Étonnée, interloquée.

Mais convaincue.

Et je précise : « Tu sais que je vais être obligée de renvoyer un message à A ? C’est trop fou ce truc, pourquoi inventer tout ça ?! »

Petit silence.

« Ah ouais ? Euuh… si tu veux », me répond-il, un petit malaise dans la voix…

À suivre…

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