The Truman Show

… ou les bombes atomik.

Previously…

Je marche sur des œufs…

« Merci pour ta réponse… J’aimerais que nous discutions de façon bienveillante , sans attaque. À bien des égards, il me semble que R. n’a pas été correct avec toi comme il ne l’a pas été avec moi. »

En tous les cas c’est ce que j’ai compris de ce qu’il m’a dit.

« Je ne suis pas d’accord avec toi. Il a été correct vu que tu m’as confirmé qu’il avait le droit. Et tu m’as dit l’autre fois que si je te disais les choses, ça allait tout arranger entre vous. Donc pourquoi vouloir parler de ça ? Ça va juste te faire du mal… Jure-moi que si je te parle de vive voix tu ne le quitteras pas et tu continueras à vivre votre belle histoire d’amour.
– Il a largement outrepassé le contrat que nous avions, et pas en couchant avec toi : effectivement, sur ce point précis, il avait le droit. Je veux en parler avec toi car ta version me manque. J’aime ce mec profondément et je suis bouleversée par la situation qu’il me fait vivre. Nous discutons depuis deux semaines, beaucoup, et je n’ai toujours aucune envie de le quitter. Mais j’ai besoin d’avoir ta version des faits. Pour justement repartir sur des bases saines. Il reste des zones floues et elles me rendent littéralement folle, parfois. Elles me font souffrir. Je voudrais les dissiper. Je préfère tout savoir qu’imaginer. Et je te jure que ça augmente considérablement nos chances que la plaie se referme, et donc que nous vivions heureux ensemble. Une part de moi te remercie d’ailleurs chaleureusement : même si ces quinze jours ont été hardcore, je te dois d’avoir forcé R. à se montrer tel qu’il est.
– Il est avec toi, là ?
– Non, justement…
– OK, j’accepte de parler mais uniquement tous les trois. Comme ça personne ne pourra mentir, et ça me permettra de voir son vrai visage, aussi. Vous m’appelez en haut-parleur et on classera l’affaire une bonne fois pour toute.
– J’ai aussi pensé à cette option. Je t’en propose une autre, qui ne l’exclût pas : on se parle d’abord toi et moi, on compare les versions, et si elles diffèrent, on fait l’appel à trois.
– Nos versions seront différentes, je le sais déjà. Après si tu es prête à tout savoir, je te dirai tout, preuves à l’appui – photos, messages, vidéos…
– Il m’a dit pas mal de trucs, potentiellement les deux versions concordent… ou pas. Mais je suis prête et je te le demande humblement : s’il te plait, dis-moi tout.
– OK, appelez-moi quand vous êtes ensemble. »

Je lui explique qu’il ne revient pas avant jeudi soir, et que j’aimerais qu’on parle elle et moi avant.

Elle refuse, elle n’a pas envie qu’il pense qu’elle « essaie de foutre la merde ». Promet qu’elle sera transparente et dira tout lors de la confrontation.

« Arf, je vais passer cinq jours hardcore… C’est bien sûr ton droit de refuser, mais sache que mon idée n’est pas du tout de te mettre dans la sauce. C’est lui qui a foutu la merde à tous les niveaux. Et moi, depuis ton message, je meurs de l’intérieur à me triturer le cerveau pour savoir si sa dernière version est la vraie. C’est le gros mytho, qui me tue. Plus que votre histoire. Et pour espérer repartir du bon pied, je dois être convaincue. Alors je te le redemande. S’il te plait. »

Elle finit par accepter qu’on se téléphone. Je dois déposer ma fille au cirque à 14h15, rendez-vous pris à 14h20.

Je grelotte autant que j’ai l’impression de flotter, comme si je n’avais plus de consistance.

Deux heures plus tard, je compose son numéro, fébrile.

Et alors que nous discutons pendant pas moins de 78 minutes, le sol se dérobe sous mes pieds…

Je suis comme pétrifiée sous une pluie de minuscules éclats de verre qui viennent se loger un à un dans ma peau. Qui, à chaque impact, m’enfoncent un peu plus dans le désespoir.

Je suis littéralement choquée.

Quand je raccroche, je ne peux plus parler, je ne peux même plus réfléchir.

Le cerveau BLANC.

Il m’a encore menti…

On arrive maintenant à la partie la plus douloureuse à écrire. J’en tremble à nouveau.

Voilà la version de A. Elle me plonge dans un abîme de tristesse et de confusion, mais elle est limpide. Et donc crédible.

Elle éclaire tellement de choses de ces huit derniers mois…

En vrac :

– C’est lui qui l’a draguée dans l’escalier, à base de gros sourires et de petits clins d’œil.
– Il y a eu services entre voisins, échange de 06, puis un premier café.
– Qui a basculé en première baise.
– Sans capote.

Premier café, première baise, sans capote !

Une phrase qui résonne depuis quotidiennement dans ma tête.

– « T’inquiète, j’ai eu une vasectomie, je ne peux plus faire d’enfants », lui a-t-il dit.
– Du coup six mois de baises sans capote, sauf deux fois. Une fois car elle avait ses règles, il est donc passé par ailleurs. Une autre fois après le mariage où nous sommes allés tous les deux en septembre car « il lui a dit que nous avions couché ensemble dans le week-end ».

… … … … !!!

– Il lui a dit que nous étions dans une relation ouverte et que je passais ma vie à baiser avec mon fameux ex. Et que donc ils ne faisaient rien de mal, j’étais pire. Une grosse folle du cul. Sauf avec lui. Un jour où elle était tombée sur des photos de moi en train de faire des postures d’équilibre et de souplesse, elle lui avait dit que ça devait être génial, le sexe, avec moi. Il avait répondu que non, c’était plutôt… fade.

Fade.

FADE.

Ça me pulvérise.

– A. est très croyante et donc n’arrêtait pas de parler de ses peurs de finir en enfer. Il la rassurait en disant que je ne me privais pas, qu’en ce moment même, peut-être, j’étais en train de me faire déglinguer par un autre.
– Il descendait la voir, enfin t’as compris, chez elle quand ses fils étaient couchés, contrairement à ce qu’il m’a prétendu. Il faisait même régulièrement garder ses gosses – y compris ma fille quand elle y passait le week-end – par sa mère pour dormir avec elle, deux fois par semaine minimum.

Et moi qui culpabilisais de le laisser quelques jours seul pour aller surfer ou randonner avec des amis. Week-end où, bien qu’à chaque fois convié, il préférait ne pas venir, peu intéressé.

Tu m’étonnes…

– Il y a évidemment eu des grasses mat’, il lui a même promis un week-end… qui n’est jamais arrivé. Il lui laissait ses T-shirts sales en doudou…

Ça a l’air tellement quotidien…

– Et puis cette scène dans l’escalier, où ils se font griller par mes beaux-fils. C’était en juillet, pas en décembre. Elle était sur le point de le sucer.
– Après coup, R. lui a raconté avoir expliqué à ses enfants que lui et moi étions dans une relation libre, que moi-même je couchais avec plein d’autres hommes, qu’il n’y avait aucun problème et qu’il leur souhaitait de vivre ce qu’il était en train de vivre avec A.

J’ai carrément le souffle coupé.

Comment a-t-il pu dire ça à ses enfants !!!

Mon monde s’effondre.

En parlant d’enfants, ça faisait quelques mois que je lui exprimais régulièrement mon impression que les miens le saoulaient. À chaque fois il me répondait que pas du tout, enfin pas plus que ses propres mômes, ce sont juste tous des ados aussi pénibles que peuvent l’être des ados, mais j’aime tes fils et il n’y a aucun doute là-dessus.

Sauf que…

– Un week-end de novembre où j’étais partie seule faire du surf, pour me reposer – si j’avais su ! –, et où il devait me rejoindre avec nos quatre garçons et des potes à nous, elle me raconte qu’il s’était fortement agacé de devoir sacrifier une nuit avec elle à cause de ses beaux-fils qui avaient oublié leurs clés.

Coup de poignard…

– Il lui a donc offert une soirée massage à l’huile nus, pour se faire pardonner.

Comme les massages qu’il me prodigue régulièrement… qui prennent une toute autre teinte, d’un coup.

– C’était juste après qu’elle l’a quitté une première fois. Après nos vacances en Corse, elle s’était plaint d’avoir reçu trop peu de nouvelles, avait dit qu’elle ne croyait pas à cette histoire de couple libre. Elle avait trouvé un autre mec, mais R. était venu la rechercher : œillades de balcon, petits messages. Du coup elle était revenue vers lui, ils avaient pleuré ensemble, il lui avait même écrit une lettre d’amour.

Chaud…

Je comprends mieux pourquoi on n’a baisé que trois fois en trois semaines de vacances, l’été dernier, ce qui était absolument inédit. Il avait brandi l’argument des enfants-qui-pourraient-nous-griller…

La blague.

– Après ça, il a accepté d’être plus présent : les semaines qu’il partageait avec moi, il lui envoyait des messages de bonjour, bisous, bonne nuit, je t’aime, j’ai envie de te dévorer, atomik A.

Tout pareil qu’à moi…

Jusqu’à « Atomik R. »

Je reçois des dizaines de captures d’écran des messages de R. Les petits surnoms – qu’il me donne aussi – , les photos de lui, d’eux, tellement filtrées que je ne reconnais pas mon mec (son visage à elle est flouté). Même une de lui dans mon lit, mon chat dans les bras, assortie d’un message promettant qu’hormis ce petit tigre il ne fait de câlin à personne en l’absence de A.

Une photo que j’avais aussi reçue de mon côté.

Avec un message différent, of course.

Une vidéo de lui, sexy, sous la douche.

Jamais eu droit à ça…

– Ils ont été à deux concerts ensemble : un début septembre, juste après notre retour, où était aussi le frère de R. – « c’est la meuf d’un pote », avait-il dit… j’imagine un petit sourire en coin aux lèvres – ; un autre début décembre, à un moment où je bossais comme un chien, sans aucun jour off pendant des semaines… Avec un pote de R. Devant lequel il ne s’est pas caché. Au point que le pote l’a taquiné en prononçant mon prénom devant eux. R. a rigolé puis a tiré A. un peu plus loin pour aller danser collé-serré.
– Ils se sont promis de rester ensemble jusqu’à leurs 153 ans, qu’ils iraient au bout du monde si elle devenait millionnaire… Elle a carrément écrit un petit livre, sur lui. Tellement elle pensait que c’était, je cite, « sa flamme jumelle ». Vu qu’ils avaient tous les deux perdu leur frère dans un accident de voiture…

Je bugge…

« Euuuuh… désolée, A. Mais… C’est pas son frère qui est mort… Ça reste le drame de sa vie, mais… c’est pas son frère. C’est son meilleur ami. »

Elle crie.

Et moi je n’en reviens pas.

Il a menti sur la plus grosse blessure de son existence. Alors que ça n’était pas nécessaire : perdre son meilleur ami est tout aussi poignant…

Le mec est totalement FISSURÉ.

Bêtement, une part de moi s’agrippe à cette idée que s’il a été capable de lui mentir là-dessus, alors les mots d’amour qu’il lui a envoyés sont peut-être effectivement du gros mytho…

Ça reste nazissime, mais la blessure narcissique pourrait en être un tout petit peu atténuée…

Même si c’est complètement débile.

En vrai, je n’arrive même plus à faire le tri dans toutes les informations que je reçois…

Je n’arrive pas à savoir si je viens de passer dix ans avec un mec aussi fou amoureux de moi qu’il l’a toujours prétendu mais complètement perdu et qui a vrillé les dernières années… ou si cette décennie n’était qu’une vaste fumisterie, une mascarade faisant de moi la grosse bouffonne d’un petit malin.

– Il n’a jamais débandé avec elle – il m’avait assuré le contraire, mais on n’en est plus là ! –, bien au contraire. Full sex, elle savait tout de son histoire, les mecs, les trans, les massages avec finitions manuelles en compagnie des collègues.

Ah… j’ignorais ce dernier point. Lui qui me disait, en sanglots, que j’étais son « unique confidente ».

Quel con.

– Il lui a dit que nous fréquentions les clubs échangistes… ce que nous n’avons jamais fait ensemble et ce que je n’ai moi-même fait qu’une seule fois, sans vouloir jamais y retourner. Que j’avais réclamé nos plans à trois et qu’il avait fini par céder…

C’est tellement faux…

– Il lui a dit que je fumais des oinj du matin au soir, grosse foncedé H24, et que lui… ne fumait pas du tout ! Elle me prenait donc pour une toxico qui baisait avec la terre entière… pensait que j’étais vraiment une sale meuf qui faisait du mal à une âme si pure…

C’est presque drôle tellement c’est sordide.

D’ailleurs, parfois, on rigole, elle et moi.

On se dit beaucoup de choses gentilles. On hallucine ensemble, on se serre les coudes.

Quelque part, ça me rassure un peu, encore, sur l’humanité.

Même si ça m’assassine, même si ça complique très fortement les chances de réparation de mon couple avec R.

Comment on se remet de ça, sérieux…?

– C’est le 8 décembre qu’elle l’a finalement quitté pour de bon. Alors qu’elle l’avait griffé quelques jours auparavant, à sa demande, il s’était vanté auprès d’elle de m’avoir fait croire que c’était l’un de mes chats.

Je me souviens très bien de cette scène…

Quel putain d’enculé.

Il se fout de ma crédulité, devant elle.

J’ai la haine.

Moi qui n’ai jamais dit que tout l’immense bien que je pensais de lui, à tout le monde : mon entourage, son entourage, et même l’ex-dont-on-a-rien-à-foutre. Moi qui racontais notre rencontre et notre histoire comme un truc extraordinaire…

– Entendant cela, elle lui avait demandé pourquoi il n’avait pas simplement dit la vérité, puisque lui et moi étions dans une relation libre. Il avait répondu : « Il y a des choses qu’il vaut mieux ne pas dire. » Ayant trouvé peu de temps auparavant ma trace sur internet – des articles que j’avais écrits (sous mon vrai nom), mes vidéos de pole dance, de yoga… –, elle lui avait dit qu’elle ne comprenait pas comment il pouvait me tromper. Que j’avais l’air d’être « une meuf incroyable », alors pourquoi ?

« C’est le contrat que j’ai avec la mère de ma fille ».

Oui, c’est comme ça qu’il m’appelait.

Alors elle l’a quitté pour de bon.

Et il lui a demandé si « ils pouvaient recraquer parfois »…

Le mec est lamentable…

Et je ne cesse de remercier A. d’accepter de m’envoyer tout ça, de ne pas me laisser dans l’obscurité, en proie à l’imagination morbide.

Elle me redit, plusieurs fois, qu’il a cependant toujours affirmé qu’il m’aimait et qu’il ne me quitterait jamais…

Je me raccroche difficilement à cette phrase.

Mais j’ai l’ignoble impression de vivre dans The Truman Show.

À suivre…

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15 commentaires pour The Truman Show

  1. G. dit :

    Aïe.

    Tellement hardcore putain…

  2. Angèle dit :

    Hello, je te lis depuis plusieurs années avec beaucoup de plaisir, j’avais dû laisser un petit commentaire ici ou là. Je suis revenue en recevant la première notification de tes articles et depuis je suis ton histoire avec le cœur serré. Je suis vraiment désolée de ce qui t’arrive… C’est tellement difficile quand on se questionne sur qui est cette personne que l’on pensait connaître et qu’a signifié tout ce passé dont on n’avait qu’une vision sinon fausse, du moins très incomplète. Courage, R…

    • R. dit :

      Merci Angèle, et je me souviens bien évidemment de toi : vous n’êtes pas si nombreux à me lire et à commenter ! 😂
      Oui, sacrée chute… merci pour tes mots. Mille fois. 💕💕💕

  3. Gawel dit :

    je n’arrive pas à laisser un commentaire… si celui-ci passe : un tzs de câlins virtuels

    • R. dit :

      Celui-là est passé, chère Gawel. Bien contente de revoir ton prénom. J’espère que tu vas bien et merci pour les câlins. 😊💕

  4. Zut dit :

    Tu sais bien que les mauvais garçons font les meilleurs amants. Et c’est pour ça qu’ils emballent facilement.

    Jusqu’à aujourd’hui je croyais que la vie était comme un long fleuve tranquille. Je m’aperçois qu’il y a des rapides et des cascades.

    Allez, une tisane « nuit tranquille » et au lit. Demain est un autre jour.

    • R. dit :

      Pas sûre que l’argument me convainque, d’ailleurs il n’est pas « mon meilleur amant ». Il est un très bon amant, mais surtout l’homme avec lequel j’aime le plus faire l’amour. Ça n’est pas exactement la même chose… 😉 Et puis pour classer réellement les amants il faudrait faire fi du contexte, or ça participe beaucoup à la qualité d’une baise, me semble-t-il…
      Des rapides, des cascades, des gouffres… 🤪
      Je vais tenter la tisane mais peu d’espoir ! 😂

  5. Alabama dit :

    ouch pas les mots aussi haletant que difficile à lire , on tombe avec toi

  6. anaka dit :

    moi aussi je te lis depuis bien longtemps et je suis effarée par ce qui t’arrive… force à toi !

  7. Alex dit :

    terrible. Moi aussi j’ai envie de dire  » quel putain d’enculé » !!!

    courage 💞

    • R. dit :

      Merci. Oui je l’ai détesté. Fort.
      Il reste encore des épisodes… qui donnent une teinte légèrement différente à l’histoire. Légèrement… 💕

  8. Hum… oui…

    Sur cet épisode, mon cerveau aussi fait 🤯Toxique.

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