Le poison & l’antidote

Previously…

T’inquiète, on arrive au bout du bordel… Enfin normalement. L’histoire a montré qu’il se passe parfois des choses souterraines explosives qu’on n’a pas vu venir.

Je crains d’avoir perdu à tout jamais ma full sérénité.

Et ça me fout bien les boules.

Et puis je me suis fait avoir par whatsapp et ses messages éphémères : je n’ai plus la réponse de A., qui a disparu en même temps que mon message initial et mes propres réponses.

Heureusement que ma trop bonne mémoire me sert parfois – enfin je dis ça, la vérité c’est que j’ai plus de cerveau et parfois j’oublie des trucs que je sais depuis toujours, ça fait flipper, d’autant plus en étant la fille de ma mère.

Elle me répond en gros qu’elle s’en bat les couilles de mon mec, qui n’est pas au centre du monde, que le sien est mille fois mieux et que de toutes les façons qui voudrait d’un mec qui se « prend des bites dans le cul » ? Que je parle trop mal, qu’elle ne m’a jamais menti, que je suis une sale vicieuse, qu’elle y peut rien si je suis amoureuse d’un gros tocard qui aime se faire enculer (encore) et qui ne me mérite pas. Qu’elle n’a absolument pas peur de lui, donc si je lui renvoie son numéro elle lui répondra directement. Qu’elle ne veut plus jamais avoir de message de ma part ou de la sienne, qu’on peut aller se faire foutre, bonne continuation je vous souhaite le meilleur.

Elle ne répond à aucune des contradictions que j’ai soulevées dans mon attaque.

Aucune.

Elle mord.

Alors je mets un petit cœur à son message et lui envoie le numéro de mon mec.

Et elle lui écrit. En substance : « Ta meuf pense que j’ai peur de toi alors je te réponds, je m’en bats les couilles de ta gueule, et si tu as un minimum de couilles assume et dit la vérité au lieu de me faire passer pour une meuf folle de toi alors que c’est toi qui a pleuré trois fois pour moi. Je t’ai toujours expliqué que je disais ‘je t’aime’, ‘bébé’, ‘ma vie’ à tout le monde, me fais pas passer pour la meuf grave amoureuse. Ta meuf se ment à elle-même en pensant que je te voulais pour moi, et surtout en se rendant malade pour un mec comme toi, c’est d’une tristesse qu’elle se dise qu’elle a besoin de ta gueule. Personne veut d’un mec comme toi alors m’écris plus ! »

Nan mais sérieux j’ai l’impression de découvrir une nouvelle version de l’histoire à chaque fois qu’elle dit un truc.

Finalement elle ne l’aimait pas…?!?

Et même si je dois régulièrement lutter contre moi-même pour ne pas me laisser à nouveau perturber par ses mots, je martèle dans ma tête – cette fois c’est une image – ses incohérences, ses contradictions, l’absence de réponses à mes questions précises, ses phases cruelles et perverses.

Ça n’est pas pour ça que ça absout mon mec.

Non, vraiment pas.

Malheureusement.

Et moi je suis complètement décontenancée face à ce type de personnes.

Je parle d’elle mais aussi de lui.

Comment ? Pourquoi ?

Évidemment que le monde ne peut que partir en couille vu qu’il est farci de gens qui sombrent dans la facilité intellectuelle, qui mentent et manipulent même quand les conséquences peuvent être lourdes, qui créent du chaos plutôt que de s’élever spirituellement en admettant leurs failles, leurs erreurs, leurs faiblesses, leurs méfaits.

Je me sens inapte à ce monde. De merde.

La seule avancée, c’est qu’en provoquant ces derniers échanges, j’ai le sentiment d’avoir remis les choses à leur juste place (sans l’adhésion de A., ce que je trouve dommage mais probablement normal), d’avoir presque entièrement sorti la pièce rapportée de l’équation (enfin ! et vivement le 100%)… et d’avoir réduit à peau de chagrin les risques qu’il glisse à nouveau sa bite de débile dans quelque orifice qui lui appartienne.

Depuis, pas de nouvelle… Et même si j’ai encore beaucoup de questions qui s’entrechoquent contre mon crâne, je me sens un peu allégée.

Vais-je réussir à ne pas poser les questions potentiellement inutiles ?

Pas sûr du tout.

Par exemple dimanche j’en avais une : combien d’appels en facetime alors qu’elle était à côté de lui, hors champ ?

C’est tellement humiliant.

De l’avoir subi et de poser la question.

Peu, apparemment, mais du coup, peut-il admettre qu’il vivait ça comme des petites victoires, ha ha ha bien joué elle n’y a vu que du feu.

Qu’au bout d’un moment, quand on ment, re-ment, sur-ment à sa moitié pendant six mois, on ne peut pas ignorer qu’on la prend pour un con, qu’on joue avec son intelligence.

Il réfute.

Comprend que je le vive ainsi mais nie fermement avoir jamais voulu me prendre pour une conne.

S’il a pensé au tout début être dans le cadre de notre contrat, malgré l’absence de capote (qui continue de me laisser sans voix), il me dit qu’il s’est senti dans la merde très vite et qu’il n’a pas su s’en extirper.

Je lui mets dans la gueule qu’il n’a effectivement absolument rien fait pour mettre un terme à l’histoire.

Malgré des épisodes qui auraient pu sonner ses cloches : ses fils qui le grillent dans l’escalier, ces fois où il a dû se planquer dans sa cuisine pour répondre à mes appels, les exigences croissantes de A, nos discussions et mes messages d’amour quand, par exemple, il ne bandait plus pour moi…

Qu’il s’est laissé dominer et embarquer dans la merde comme un connard doublé d’un soumis. Et qu’il m’y a entrainée sans vergogne.

Je lui rappelle qu’il ne m’a pas fait un seul aveu spontané.

Zéro, que dalle, makash, wallou.

Alors que tout ce qu’il a appris sur mon jardin secret, je lui ai dit de moi-même, sans y être obligée mais poussée par mon besoin tenace de remettre de la lumière dans les ténèbres où il m’avait plongée.

Que je ne sais que ce que j’ai découvert. Que son amnésie l’arrange bien.

Je sais que d’autres questions vont éclore dans ma petite tête de tarée traumatisée à la logique implacable.

Je sais que je pourrai résister à les poser un temps… jusqu’au moment où elles vont sortir dans un grand fracas.

Je suis moi-même un grand fracas, une femme triste et déçue qui a vu un grand voile gris jeté sur sa vie.

Par l’homme qu’elle aime, avec qui elle vivait le merveilleux.

L’illusion, en vrai.

Un homme qui est devenu mon poison, et qui est néanmoins mon antidote.

J’aime trop être tout contre sa peau, serrée par ses bras, faire l’amour avec lui, vanille ou naughty, danser bassins aimantés, rire, faire des battle de musique qui ne font que confirmer notre immense connexion, partir à la montagne, en Corse, élever nos enfants…

Je continue de ne pas imaginer ma vie sans lui.

Même si j’ai peur, parfois, que l’antidote ne soit pas aussi puissant que ne l’a été le venin.

Je vais conclure enfin ce récit pénible mais que j’avais besoin de pondre pour espérer reprendre une vie un peu plus légère – même si je reste pessimiste pour les mois à venir (vivement 2025 !).

Je pense que A. est timbrée, et pas dans le sens charmant du terme. Elle est suffisamment intelligente pour créer un chaos phénoménale, mais pas assez pour tenir la distance dans ses nombreux mythos. Je pense qu’elle ne fait même pas l’effort de se rendre compte de ses incohérences. Comme la majorité des gens, malheureusement, elle tombe à pieds joints dans la facilité intellectuelle.

Je pense qu’elle a grave kiffé mon mec, qu’elle a vu en lui un pygmalion sexuel et que le challenge de détrôner l’officielle a pimenté l’aventure.

Elle est persuadée d’avoir été surconnectée à lui grâce à leurs drames similaires – même s’il lui a menti fort sur le sujet, et elle le sait –, et donc de le connaître bien mieux que moi, oubliant que six mois en pointillés n’étaient pas comparables à dix ans plutôt heureux avec famille recomposée.

Dans le seum, elle a probablement ressenti cette empathie à mon endroit, mais n’a pas résisté à l’appel du sang : il fallait à un moment m’enterrer… mais sans l’assumer.

Ma façon singulière de me positionner (de son côté à elle) l’a probablement touchée et flattée au départ… pour finalement l’encombrer. Je sais que je sors des clous, et ça demande parfois trop d’efforts de réinitialiser son logiciel interne pour voir la vie différemment – plus joliment, plus intelligemment, ai-je envie de dire… pour agir de façon à faire tourner le monde dans le bon sens.

Un objectif qui anime quasiment toutes mes décisions.

Concernant mon mec, c’est à moi de reconfigurer mon cerveau pour me repositionner face à lui. Pour comprendre ce qu’en dix ans je n’ai pas perçu.

D’abord la capacité au mensonge. Avec un aplomb très déroutant. Ça me casse la tête et me coûte cher en tourments. Et ça me déçoit cruellement.

La posture, et donc l’imposture. Du mec qui gère, du mec qui assume, du mec qui ne tortille pas, du mec qui est suffisamment à l’aise pour parler de tout – ses désirs, ses angoisses, ses saloperies… et qui en fait ne saisit aucune des perches que la vie ou sa compagne lui tendent, même quand il y a gros péril en la demeure.

Étonnamment, il se trouve que courant 2023, donc pendant l’histoire avec A. mais avant que ça ne remonte à la surface, j’avais verbalisé pour la première fois une idée floue qui germait en moi : celle que mon mec était un mec bien s’il était entouré de gens réfléchis et soucieux de faire tourner le monde dans le bon sens. Mais que je craignais qu’au contact de personnes moins fiables il devienne… friable.

J’avais vu juste.

Un truc un peu genre « foutu pour foutu, autant brûler la vie par les deux bouts, peu importent les conséquences. »

Il n’a même pas choisi la meuf avec qui il me trahissait. Un truc absolument incompréhensible pour moi. À quel point se déconsidère-t-on soi-même pour baiser avec la première venue ???? À mimer avec cette non-élue le love et le sexe merveilleux ??

Et puis il n’a pas été que friable : dans l’histoire avec A. il semble avoir été très souvent moteur, sans jamais avoir cherché à freiner quoi que ce soit. Comme un petit malin qui gruge un tour de manège supplémentaire.

Où était sa considération pour moi ?

Et puis cette façon de passer dix ans à me tartiner de love, affirmant qu’il m’aimait plus que je ne l’aimais sans doute aucun, évoquant si souvent son immense crainte de me perdre au prétexte que je ne peux qu’être sur-sollicitée et donc que je ne peux que finir par céder.

Ça a quand même une belle odeur de manipulation…

Inconsciente, probablement.

Le fruit de son désamour de lui-même. Doublé de sa grille de lecture personnelle : puisque lui n’a pas refusé un seul coup de bite à donner ou à prendre pendant ces dernières années (en tous les cas ceux qui le motivaient), je ne pouvais qu’être pareil. Et donc il pouvait se laisser aller à ses penchants naturels.

Facile.

Psychanalytique.

Si seulement il voulait se soigner, se décortiquer, se comprendre.

Mais lui me dit qu’il est guéri.

Ça y est.

Il ne recommencera jamais, il en est convaincu.

Il a trop mal de me voir avoir si mal, et c’est un événement suffisamment traumatique pour réellement renverser sa vapeur personnelle.

Mon analyse, qui vaut ce qu’elle vaut puisqu’elle est en grande partie faite à l’aveugle, c’est que plusieurs choses ont joué dans cette histoire, hormis tout ce que je viens de dire :
– Une crise de la quarante-sixaine, et une certaine peur de se voir vieillir.
– Un sentiment illégitime mais existant d’infériorité à mon égard (une arme apparemment redoutable pour faire tomber les gens du piédestal sur lequel ils ne veulent même pas trôner).
– Une tendance à vouloir bouffer tout ce que la vie donne, au moins niveau cul. Quitte à bouffer de la merde. Et à en tartiner l’officielle.
– La conviction que j’étais suffisamment crédule pour gober tant de conneries… ce qui est quand même une belle marque d’irrespect.

Et il faut que je me convainque, vu que je ne veux pas du tout le quitter – même si bien évidemment il m’est arrivée plusieurs fois de me dire que face à ce mur d’issues toutes plus nazes et sombres les unes que les autres, celle-ci aurait le mérite de résoudre radicalement ma situation (même si j’en serais très triste) –, qu’il a pu se comporter ainsi tout en m’aimant réellement.

Oui, je me sens souvent dans une impasse, sans issue acceptable.

J’ai hâte du jour où je pourrais reparler avec des étoiles dans les yeux de lui, de notre couple. De ce qu’on a traversé, maintenant, du coup.

J’ai peur que ça n’arrive pas avant très longtemps.

Je lui dis parfois que pour contrer toute cette merde il faudra remettre du merveilleux.

D’une façon ou d’une autre.

Avec des actes forts, et surtout de la clarté.

Que je veux qu’il me fasse danser.

Et plus jamais de flou.

D’ailleurs, je lui ai dit il y a quelques jours que finalement, je suspendais le contrat entre nous.

Je ne suis pas en mesure d’y nager sereinement.

« On est désormais un couple au contrat par défaut, c’est à dire d’exclusivité sexuelle. Et si on doit faire des trucs qui sortent des clous, on les aborde ensemble, quitte à finalement décider de les expérimenter séparément. Mais plus aucune ouverture vers l’extérieur, puisque tu n’as pas été foutu de savourer cette liberté sans être inconséquent. Et j’ai un crédit ! Que je n’ai aucune envie d’utiliser, crois-moi ! Si un jour ça arrive, ça sera hors contrat. Mais tu ne pourras rien me dire. »

Il me répond qu’il se sent coupable de me priver du contrat à cause de ses conneries. Que donc on peut le conserver, lui n’ayant plus du tout envie de se frotter à quiconque d’autre que moi. Que je l’ai fait rêver en lui racontant la puissance de l’amour ressenti quand on peut aller baiser ailleurs, qu’on le désire… mais qu’on y renonce parce que les sentiments qu’on éprouve pour sa moitié sont plus forts que ça. Qu’il a presque hâte de se faire draguer pour pouvoir refuser. Qu’en ce qui le concerne, il considère que renoncer au contrat c’est comme s’il prenait une assurance tout risque mais qu’il avait déjà emballé sa bagnole de 8 tonnes de papier bulle.

Il se sent désormais plus fiable que jamais, hyper volontaire sur le sujet.

Je maintiens : plus de contrat. Comme ça c’est clair.

Car oui, il s’agit aussi de m’analyser moi, dans cette histoire.

J’ai réellement cru que j’avais trouvé le mec parfait avec qui j’avais un couple en or massif. Je me suis laissée duper par mes convictions sans voir que mon homme était plus poreux – plus humain – que je ne l’imaginais.

Et aujourd’hui je ne sais plus rien sur rien. J’ai peur de tout.

Et j’espère ardemment qu’on rira de tout ça un jour, main dans la main, cœurs cousus.

J’ai surtout vraiment pensé que tout ce que j’avais bâti comme garde-fou me prémunirait de ce genre de désastre. Que la bonne volonté, l’amour fou et une communication fluide suffiraient.

J’ai été une putain de prétentieuse.


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Poing final ?

© Delphine Lebourgeois

Previously…

Je repousse depuis des jours ce billet, celui de mes conclusions.

Tout simplement parce que je peine à me fixer. À n’avoir qu’une et unique conviction sur toute cette histoire qui a littéralement mis à terre mon petit monde.

Les jours ont passé après ce pétage de plombs, plus ou moins bien. Continuer de discuter, décortiquer, essayer de comprendre ce qui nous est arrivé, baiser quotidiennement et se tartiner d’amour quand on est ensemble. Tâcher de garder la tête froide et le cœur solide, supporter la distance et l’absence quand on ne l’est pas.

Ce qui est compliqué, c’est qu’en plus d’être noyée dans la confusion face à deux mythos, au moins ponctuels, je suis aussi une obsessionnelle amoureuse d’un poisson rouge.

Alors que je voudrais tout savoir, tout comprendre, dans les moindres recoins, il ne se souvient plus de rien. Tout est flou.

Et je ne peux pas nier que dans la vraie vie, il a vraiment une mémoire de poisson rouge. Nous en rions régulièrement.

Mais il me dit qu’il n’a jamais cherché à se souvenir de rien tant cette histoire n’avait pas d’importance pour lui. Qu’il ne comprend pas lui-même comment il a pu tout niquer pour un truc si merdique.

Et moi qui imprime tout, tout le temps, je ne peux pas imaginer qu’on oublie à ce point.

Je pense même parfois, souvent, ça dépend, que ça tombe plutôt bien, de ne se souvenir de rien.

Un jour je lui demande s’il a peur d’elle, si elle le tient par les couilles sur un sujet : une nouvelle bombe à me balancer, la menace de révéler sa bisexualité à ses fils…?

Il accuse le coup et me dit aussi blessé que vénère qu’il n’a peur de personne et encore moins d’elle. Qu’elle n’a rien contre lui et qu’elle peut poucave ce qu’elle veut à qui elle veut, il s’en contrefout.

On nage dans une atmosphère de chaos sinusoïdale, bascule d’une face vers l’autre sans préavis, parfois à partir d’un minuscule détail.

Il faut dire que tout est touché : mes chats, une certaine parure de draps, nos baises qui ne sont presque plus que de sordides plans à trois sous mon crâne et dont j’arrive quand même à jouir, faisant tout pour chasser de mon esprit l’intruse, les petits surnoms, nos jeudis, nos vendredis, ma Corse, son téléphone, notre planning, ses potes, nos facetime quand il est chez lui, les culottes que je choisis de porter, le chiffre 153 et donc les chiffres 150 et 3 qui font trembler tout autant mes tympans, nos enfants, les siens comme les miens, sa banlieue, nos vacances à venir, mes futures absences pour week-ends entre potes, ses promesses, certains mots comme « escalier », « flamme », « concert », « jumelle », « mariage »…

Quand il me propose d’aller célébrer le premier anniversaire de mariage de ses potes lors d’un week-end en septembre prochain, le sourire que j’amorce les premières secondes est vite balayé par la sensation de me désagréger : le jour J, en septembre dernier, je n’ai eu de cesse de clamer à quel point mon couple et mon homme étaient merveilleux, racontant les détails de notre rencontre et tout le tralala. Au même moment, j’étais cocue jusqu’à l’os, j’étais surtout en train de subir sans le savoir la plus grande trahison de ma vie.

Je me souviens de lui, l’après-midi, souriant devant les festivités et disant : « La prochaine fois, c’est le nôtre. »

À n’y rien comprendre…

Il me dit d’ailleurs un jour en rigolant qu’il avait toujours estimé que c’était à moi de lui demander sa main, puisque lui a déjà été marié, mais que la situation dans laquelle il nous avait mis annulait toute possibilité que ça arrive, et que donc s’il voulait qu’on se marie, c’était lui qui devrait le faire.

Je le regarde hallucinée : j’ai toujours été très claire sur le fait qu’il était hors de question que je le demande en mariage. Justement parce qu’il a déjà été marié, contrairement à moi. Aussi parce que je porte beaucoup de choses dans cette famille et notre couple et que je ne vois pas pourquoi je m’assiérais sur une demande en bonne et due forme.

Je m’en fous de ne pas me marier.

Je trouvais ça chouette d’imaginer une union pour célébrer la merveille de notre amour et aussi notre grande famille recomposée.

Mais ça n’était pas un besoin.

Plus une envie pour la beauté du geste. Des gestes. Être demandée en mariage. L’annoncer. Surtout à nos enfants qui en seraient ravis, la petite encore plus. Dire oui. La photo de nous sept le jour J. Notre première danse.

Dont je sais depuis au moins huit ans sur quelle musique elle serait.

Note le conditionnel.

My boy lollipop de Millie Small.

C’en est presque ironique, après tout ça.

Aujourd’hui… je ne sais plus ce que j’en pense. Serait-ce le plus joli des retours vers le merveilleux ou le plus triste des simulacres d’un bonheur retrouvé ? Aucune idée… Il est trop tôt… Mais je maintiens que je ne lui demanderai pas sa main.

Et encore moins après le cataclysme.

On est tellement à terre avec toute cette histoire, tellement perturbés l’un et l’autre, que mon mec s’est fait tirer plus de 4000 euros par des escrocs. Deux mois de salaire. Ce qui m’a évidemment repositionnée en meuf là pour lui plus qu’en meuf essayant de se réparer, pour quelques jours au moins… ça m’a fait tellement de peine de le voir un peu plus dans la merde qu’il ne l’était déjà.

Heureusement que je ne crois pas au karma…

L’affaire est en cours, la banque essaye de ne pas prendre ses responsabilités, mais on ne va pas les lâcher. Même si on n’a plus aucune ressource mentale pour affronter ce nouveau problème.

De son côté, mon mec a parlé de l’histoire à ses fils et à sa mère. Expliquant qu’il avait merdé dans les grandes largeurs, menti et re-menti, prenant le risque de casser ce qui lui était si précieux. Avec quelques détails supplémentaires pour sa mère.

Ça m’a rassurée un peu. Non pas qu’il affiche publiquement sa honte, mais qu’il cherche à mettre enfin plus de clarté dans sa vie.

De mon côté, je me suis creusé parfois les méninges : j’imaginais envoyer un nouveau message à A. mais je cherchais désespérément quelle serait la phrase idéale pour enfin avoir la vérité. Comme dans l’énigme avec les gardiens de l’enfer et du paradis : une question qui résout tout.

J’ai pensé à lui envoyer de mon téléphone un « finalement je l’ai quitté » pour analyser sa réaction.

J’ai pensé aussi envoyer du téléphone de mon mec un « elle m’a quitté, viens on se voit » pour guetter une réponse…

Ouais… ça en fait des tours de roue de hamster.

Mais j’ai beau être logique et pas trop con, j’ai pas trouvé le message magique.

Je suis retournée en banlieue. Deux fois.

La première, j’étais malade, mais je pensais que ça n’était que le DTP injecté quelques jours plus tôt qui me tabassait. En fait c’était une angine bien vénère.

J’ai vu A. deux fois de loin, et ça m’a cassé la tête. Faut dire que je ne me sentais vraiment pas bien, fiévreuse, tremblante de froid, crevant parfois de chaud, incapable d’avaler quoi que ce soit et crachant mes poumons à la moindre bouffée.

Tellement diminuée et vraiment pas sereine, au point qu’au moment où mon mec m’a dit qu’il partait courir, et alors que j’ai accès à ses parcours sur Strava, j’ai imaginé qu’il allait en fait la baiser, juste en dessous de moi qui gardait son cadet et notre fille.

J’ai vérifié par la fenêtre qu’il avait bien quitté le bâtiment et n’ai senti mon cœur s’apaiser que quand j’ai vu son k-way rouge s’éloigner.

Ridicule.

Surtout… je ne vais pas pouvoir vivre ainsi.

Il va bien falloir que je renonce à un moment à mon hypervigilance. Avec tous les risques que ça comporte.

La deuxième fois, c’était le week-end dernier.

Je n’étais plus malade. Et j’avais prévu d’aller discuter avec la mère de R. : ça m’avait beaucoup chatouillé au pire moment des découvertes mais par loyauté envers lui je ne m’y étais pas autorisée. Elle avait depuis été mise au courant, je lui avais envoyé un message sur le sujet, lui racontant mes élans et mes freins concernant le fait d’en parler avec elle, et elle m’avait répondu adorablement, comme elle sait être, que sa porte m’était grande ouverte.

Mon mec ne s’y opposant pas, j’y suis allée un samedi, en fin d’après-midi.

Nous avons échangé sur le sujet, de femme à femme, de mère à compagne. Et elle m’a dit certaines choses qui m’ont éclairée.

D’abord, que mon mec avait une piètre opinion de lui-même depuis toujours, son père étant en partie responsable de cette énorme faille. Le grand frère était tellement brillant-et-conforme que le petit ne pouvait être qu’un paumé sans ambition aucune.
Ça fait évidement écho à ma situation, aussi similaire qu’opposée : je suis, moi, la petite sœur d’une handicapée qui n’a été diagnostiquée qu’à 43 ans, et mon père, entre autres, m’a chèrement fait payer tous mes succès et mes talents depuis que je suis née, comme tétanisé à l’idée de trahir sa première fille.

Ensuite, qu’il m’aimait profondément, qu’il m’avait toujours énormément admirée, placée au-dessus de lui.

Ce que je sais, sans en comprendre vraiment les raisons car je l’admirais tout autant.

Un peu moins aujourd’hui, j’en conviens.

Mais ça a dû jouer un petit rôle dans le bordel.

Enfin qu’il avait toujours été un carpe diem de nature, et que son accident dramatique n’avait fait qu’empirer ce trait de caractère : chaque jour étant du bonus, il faut brûler la vie par les deux bouts, quitte à faire de la merde.

J’aime cette femme considérablement. Alors qu’elle me dise qu’il m’aime énormément a du poids.

Elle m’a demandé si une pause dans notre couple ne pourrait pas aider.

Je suis convaincue que non. Mon mec me dit la même.

On veut batailler à deux, main dans la main et parfois front contre front, c’est vrai. Mais soudés.

Et moi je dois urgemment me convaincre à 100% que je peux lui faire confiance.

Mais j’y échoue régulièrement.

Après cette discussion, je suis allée chez lui – puisque j’ai maintenant les clés – où j’ai retrouvé ses fils, R. ne pouvant nous retrouver que vers 23 heures, à la fin de son service.

Et j’ai commencé à avoir de plus en plus envie de cette putain de discussion à trois, pour tirer au clair l’affaire de la « dernière discussion dans l’escalier ».

J’ai pré-rédigé un sms à A., et j’ai attendu que mon mec revienne en essayant de ne pas trop réfléchir.

À son arrivée, je n’ai pas attendu très longtemps pour lui dire ce que j’imaginais. Même si ça me mettait hyper mal à l’aise.

Il a répondu ok mais avec un millier de bémols, tant dans ses mots que dans son langage corporel. Jamais méchant, évidemment, mais plein de « on y va si tu le souhaites mais vu la meuf j’ai peur que ça n’apporte rien de bon ».

Et comme moi-même j’appréhendais la merde que ça pourrait créer alors que je n’espérais que plus de clarté, j’ai capitulé très vite.

J’avais autant besoin de le faire que pas envie du tout.

Mais au petit matin, tout s’est compliqué dans ma tête.

Je me suis encore une fois réveillée beaucoup trop tôt, incapable de retrouver les bras de Morphée et totalement aspirée par la boue du doute éternel.

J’ai commencé à vriller sur le thème « il dit oui mais en faisant tout pour que ça soit non, sans assumer de refuser, ça pue l’arnaque ».

Vu sa situation, je comprends qu’il ne se sente pas de me balancer un non frontal, mais je suis de plus en plus irritée et suspicieuse face à ce refus non assumé.

Et c’est partie pour la folie…

En fait, ils couchent toujours ensemble. Et ils se rient de moi.

Carrément.

Son téléphone est à portée de main puisque nous dormons dans son salon.

Et je craque à nouveau…

Toujours aussi honteuse.

Mais convaincue d’être encore une fois en train de me faire enculer.

Je ne cherche pas bien longtemps, d’autant que je suis dans le lit avec lui, planquée sous la couette, accablée par ma propre honte d’en être là. Et je ne trouve absolument rien. Sauf un message qu’il envoie à un de ses amis lui disant qu’il a « un peu déconné », avec le smiley « interdit aux moins de 18 ans », qu’il a fait « le coyote dans la prairie ». « Coyote » étant son surnom de jeunesse.

Ça me pète le cerveau.

Dit comme ça, c’est presque mignon ! J’ai l’impression qu’il minimise beaucoup trop, limite qu’il s’en vante, viril et sans considération pour ce que ça a brisé en moi.

Je repose ce téléphone de merde et je rumine, infoutue de ne pas emprunter les pistes les plus douloureuses.

Il finit par se réveiller lui aussi, constate mon état, essaye de me faire revenir dans un espace moins douloureux pour moi, me rassure…

Mais moi je suis partie, trop tard, j’ai déjà vrillé.

Je ferme mes poings et je joue à mettre des coups dans mon front. Deux ou trois lents et doux. Et mon envie de cogner, présente depuis le début, explose.

En moins d’une seconde je bascule et tambourine mon front et mes yeux, me couvrant de coups de poing.

État second.

R. crie – le moins fort possible – mon nom, m’attrape les poignets, me bloque, les yeux grands ouverts.

Il me tient fermement, le visage tordu par la peine.

Après quelques secondes de flottement, il lâche lentement mes mains, prêt à les saisir à nouveau si besoin.

Moi ça m’a sortie de l’impression de chute libre. Ça m’a ramenée au monde.

Et ça ne m’a pas fait mal.

En tous les cas beaucoup moins que tout ce que je prends dans la gueule depuis trois mois.

Il est sous le choc ; je me sens moins oppressée.

Le lendemain, à genoux, il me suppliera en larmes de ne jamais recommencer.

Car aussi étonnant cela puisse paraître – je n’ai pas eu le sentiment de taper très fort et, surtout, je ne savais pas que les yeux marquaient –, je me suis fait de petits coquards, aux deux yeux. L’un d’entre eux semblant presque joliment maquillé, l’autre me trahissant malheureusement si on regarde de près.

Je ne recommence pas. Pas avec les poings.

Je me cantonne à quelques rares salves de baffes dans la gueule quand je sens mon esprit voguer vers de sombres contrées et que je n’arrive pas à ramener mon petit bateau sur une mer plus calme.

Parfois je sens vraiment que me sonner est la seule solution pour retrouver un semblant de raison.

Alors que nous sommes sans enfants, nous sommes incapables d’en profiter pleinement, noyés dans les discussions, la fume et le sexe quotidien.

Et des choses s’éclairent dans ma tête.

Parmi mille autres, j’ai un problème : A. n’a que des sms élogieux et « amoureux » de mon mec dans son téléphone. Elle ne peut que se sentir légitime à m’expliquer la vie, les hommes… et notamment qui est précisément le mien.

Y’a comme une couille dans le potage et il conviendrait peut-être de rectifier le tir.

Il me jure ne pas avoir échangé avec elle depuis la rose qu’elle a déposé sur son palier fin décembre. Parce qu’il voulait cette histoire derrière lui. Il veut se concentrer sur notre guérison, et il pensait bien faire en coupant totalement le contact.

Et c’est vrai, il a bien fait. À ce détail près…

Il comprend mon point de vue et me propose de lui envoyer un dernier message… ce que j’espérais, bien évidemment.

Lundi soir, alors qu’il est sur le chemin du retour après un cours de sport, je reçois un sms de A.

Qui commence bien vénère. Mais je choisis d’attendre le retour de mon mec pour le lire entièrement… après avoir lu celui qu’il lui a vraisemblablement envoyé.

En substance, il lui dit qu’il est temps de clôturer cette histoire, qu’il lui présente ses excuses de lui avoir menti et fait miroiter l’impossible. Qu’il est le seul responsable de toute cette merde. Qu’il a par contre toujours été clair sur le fait que c’est moi qu’il aime et avec qui il souhaite partager sa vie. Qu’il n’est donc pas envisageable qu’elle me fasse subir de nouveaux mensonges ou des méchancetés. Que le sujet est clôt et qu’il n’attend aucune réponse.

J’ouvre le message de A. « Dis à ton mec d’aller se faire foutre avec son message plein de mensonges pour te rassurer, et je ne t’ai fait subir aucune méchanceté, je t’ai juste foutu la réalité en pleine gueule, désolée d’avoir voulu être solidaire, allez bonne soirée la nana la plus cocue de Barbès. »

Je souris… ça fait plus mal, meuf. Tu m’as perdue avec tes délires pervers…

Je lui mets dans la gueule.

Elle jure ne m’avoir jamais menti.

Oui, c’est vrai, il a toujours dit qu’il m’aimait.

(Ouf !)

Mais ce qu’elle pense, elle, c’est qu’il ne m’aime pas.

Meuf… je me fous de ton avis sur ce point… Il t’a menti autant qu’à moi, et sur des choses plus fondamentales… arrête de penser que tu es celle qui connaît le vrai lui.

Elle me redit qu’elle ne m’a jamais voulu de mal.

Mouais…

J’y crois plus.

Et il était temps.

Le fait qu’elle réponde au message de mon mec en m’attaquant moi achève de me convaincre.

Peut-être qu’il reste des points sur lesquels je crois à tort mon mec.

Je sais malheureusement que ça n’est pas exclu.

Mais alors qu’il bataille dur depuis trois mois pour réparer ce qu’il a brisé, elle a à plusieurs reprise ajouté du chaos au chaos.

Quand il en a dit le moins possible au début pour finalement être contraint au fil des jours à ouvrir un peu, à admettre de plus en plus, remettant petit à petit un peu de lumière sur l’obscurité… elle s’est souvent contredite elle-même, sur des faits mineurs comme sur des points aussi cruciaux que cruels.

Je n’oublie pas ce que je lui dois : sans elle je vivrai encore dans une putain d’illusion morbide.

Je n’oublie pas tout ce qu’elle m’a dit de vrai, toutes les preuves…

Je ne peux malheureusement pas les oublier…

Cette étape me fait néanmoins un peu de bien.

Mais mon cerveau continue sa quête de guérison.

J’ai besoin, moi aussi, de remettre l’église au centre du village.

Alors 48 heures plus tard, j’envoie à mon tour un long message à A.

Comme je sais les faire : complet, incisif et juste.

Dans mon référentiel en tous les cas.

J’y réaffirme que mon mec est l’unique responsable de toute la merde, et que je la remercie pour certaines de ses actions. Mais que je ne peux pas la laisser réécrire l’histoire dans une version où elle se donne uniquement le beau rôle.

Je lui rappelle que ce qui a animé les premiers messages qu’elle m’a envoyés n’était nullement un élan de solidarité féminine mais bien l’expression de son seum et son désir de vengeance puisqu’il n’avait pas manifesté son soutien pour l’anniversaire de la mort de son frère. Puis un second désir de vengeance quand elle a vu qu’il ne suivait pas le mytho qu’elle avait (pourtant bien) troussé pour les sortir d’affaire.

Je suppute ensuite qu’en voyant que je ne l’attaquais pas et que je me rangeais de son côté, elle a certainement ressenti à ce moment-là de la bienveillance et de l’empathie à mon égard. Mais cela s’emmêlait avec son immense loyauté envers R.

Ce qui l’honore mais rend son empathie bien plus poreuse…

Je la mets en face de ses contradictions :
– elle était folle amoureuse de lui, le tartinant de « je t’aime », « ma vie »… menaçant même d’aller s’encastrer dans un platane quand elle a dû faire une croix sur lui (une arme redoutable face à un homme qui a perdu son meilleur ami dans un accident de voiture, et elle est bien placée pour le savoir) VS elle s’en foutait et l’a quitté avant de ressentir des sentiments ;
– elle est hyper croyante hyper timide, était tétanisée de finir en enfer et n’a fait qu’accepter les avances de mon mec VS elle a drôlement insisté pour me pécho – dans l’escalier, tant qu’à faire –, timidité mon cul, au point que je me suis demandé à un moment si ça n’était pas un piège pour vérifier ma moralité, pour confirmer les mensonges que mon mec a dit sur mes prétendues baises récurrentes avec l’ex.
– il a toujours dit qu’il m’aimait alors je devais me battre et tout faire pour sauver mon couple, ma famille, malgré l’affront, la déception, les humiliations, la colère, la tristesse VS c’est un tocard qui ne m’a jamais aimée, qui reste avec moi pour sa fille, que je devrais lourder.

Je lui dis que je ne la crois pas sur l’histoire de la dernière discussion. Quitte à me tromper.

Et que c’est à cause, ou grâce à son petit jeu cruel juste avant. Je lui conte par le menu détail chaque fois où elle a cédé au tout nouveau pouvoir qu’elle avait sur moi, toute acquise et en plus celle dont elle avait compris qu’elle avait malgré tout la première place. Chaque fois où le goût du sang a été plus fort que sa quête d’une place au paradis, où elle m’a fait miroiter sa bienveillance alors que ça n’était que pour sous-entendre qu’elle avait encore des choses bien pires à m’envoyer.

Je lui demande si elle est perverse ou teubé ?

Lui balance qu’elle a tellement peur de lui qu’elle répond à son message en s’adressant à moi.

Lui rappelle que moi, la seule à avoir toujours dit la vérité, j’ai bêtement essayé de sortir de cette histoire la tête la plus haute possible malgré toute la merde qui se déversait sur ma gueule, que je pensais qu’être main dans la main avec la maîtresse était la plus jolie des issues. Mais qu’elle m’a démontré le contraire.

Tout en se faisant passer pour un ange.

Mais ça ne marche pas comme ça, A.

Pour être un ange il faut agir comme tel.

J’informe mon mec de mon message et de sa teneur.

Et une demi-heure plus tard, elle me répond.

Mais ce billet est déjà beaucoup trop long, on dirait bien que je dois encore repousser mes conclusions.

Ça devrait normalement être, avec sa réponse, le prochain billet.

J’espère… j’en ai marre d’écrire, on commence à se faire chier !
Je veux conclure, me faire hypnotiser, et consacrer mon énergie à l’avenir. Quel qu’il soit.

Petit smiley doigts croisés.

À suivre…

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Safe&wild

Previously…

Quand il arrive, sans se douter de rien après plusieurs jours loin l’un de l’autre, il comprend vite à ma mine qu’il y a un truc qui déconne.

Il me regarde, inquiet : « Ça va ??? »

« Bof », que je lui dis, vénère et ironique.

« Qu’est-ce qui se passe…??? »

Je lui demande s’il a reparlé à A. depuis nos vacances au ski.

Il me répond tout de suite que non. Je lui demande s’il est sûr. Il confirme, ajoute qu’il l’a aperçue de loin sur le parking, sans être sûr de la date antérieure ou postérieure aux vacances, mais il est presque sûr de ne même pas l’avoir croisée dans son bâtiment.

J’en peux plus de ces « presque »…

« Pourquoi ??? »

Il a l’air préoccupé mais différemment des autres fois.

Je lui raconte. Mes échanges du lundi d’avant avec A., dont je ne lui avais pas parlé, considérant que je lui dirai plus tard, ou pas. Puis la relance, la veille, le bullshit de flamme jumelle qu’on dirait tout droit sorti d’une série pour ado de mauvaise qualité, les tartines de mots mielleux.

Il m’observe, perplexe.

J’arrive à la question du jeu cruel comment-je-réagirais-si…

Il écarquille les yeux.

Je le sens bouillir de colère, en panique mais pas comme les fois d’avant. Je le vois presque commencer à gonfler, comme un Hulk.

Quand je dis qu’elle a finalement raconté n’avoir pas couché avec lui, il expire d’un coup, mais garde des yeux de fou, grands ouverts.

Suspendu à mes lèvres.

Je raconte ensuite qu’elle a répondu négativement à la question des avances qu’il lui aurait faites.

Il redescend encore d’un étage, mais semble dans une colère noire.

Je poursuis l’histoire avec la discussion qui aurait eu lieu dans l’escalier. Lui raconte tout ce qu’elle a prétendu qu’il lui a dit. Et à quel point je suis outrée. Désespérée. Épuisée.

« Écoute-moi, vraiment : je n’ai pas échangé un seul mot avec cette meuf depuis fin décembre, et encore moins depuis que tout a explosé. Et si je lui avais dit tout ça, ça serait complètement fou. »

Je lui rappelle qu’il y a plein de choses ahurissantes qu’il a faites, que je n’aurais jamais pu imaginer de lui.

Il le sait, le concède, penaud.

« J’ai fait de la merde comme jamais, et je te demande encore pardon mille fois, mais là je suis impuissant à te prouver que ça n’est pas vrai, alors que c’est archi faux : nous ne nous sommes pas reparlé, et pourquoi irais-je dire tout ça ??! Alors que je n’en pense absolument rien ?? Regarde, j’ai même commencé à raconter ce que j’avais fait à mes amis proches, pour la première fois de ma vie. Je t’ai dit que je voulais en parler à ma mère et à mes fils, c’est prévu : je fais tout ce que je peux pour remettre de la transparence dans notre vie, et assumer tout ça. Je comprends que tu n’aies plus aucune confiance en moi, et je le mérite, mais je le jure sur la tête de la terre entière : je n’ai pas échangé un seul mot avec A. depuis fin décembre. Je te le promets. »

Il fulmine. Sa rage et ses yeux paniqués me le rendent crédible.

Je sais que j’ai déjà dit ça au tout début de cette histoire alors que j’étais en train de me faire laaaaaaargement rouler dans la farine comme un bleu-bite – et je suis tétanisée, le mot est faible, à l’idée d’être à ce point reprise pour une conne un jour –, mais là ça sonne vraiment plus viscéral.

Et c’est vrai, le fait qu’il s’ouvre enfin sur une partie de sa face cachée à ses plus proches me rassure beaucoup. C’est une première et il était temps qu’il s’y autorise. Qu’il se montre tel qu’il est, avec ses forces mais aussi ses failles. Qu’il cherche à se colmater, à ne faire plus qu’un.

« Mais alors explique-moi pourquoi elle me dit ça, cette fois-ci ??!
– Je ne sais pas, R. Je ne sais pas et ça me fout les boules.
– Et moi donc…
– Je ne suis pas dans sa tête de tarée, mais ce que j’en pense, c’est qu’elle n’a pas réussi à m’avoir autant qu’elle le voulait, elle n’a pas réussi à te pécho… alors le seul truc qui lui reste, c’est de détruire notre couple.
– Mais ça serait dingue ! Horrible !! Contraire à tout ce qu’elle m’a dit ! Je n’en reviens pas…
– Crois-moi, cette meuf est siphonnée, et très forte pour créer du malaise. C’est ce qu’elle est en train de faire…
– Je vais finir par demander cette confrontation à trois…
– Si tu le souhaites, on le fera. Même si je pense personnellement que ça n’apportera pas forcément du bon vu de qui on parle. Mais quoi que tu décides, je te suis. »

Je lui réponds que je suis tiraillée sur ce point. Je sais que ça ne m’apportera pas toutes les réponses à mes millions de points d’interrogation. On peut toujours mythonner, même devant deux personnes. Surtout quand il y a un tel enjeu.

Par contre ça empêche le mytho – les mythos, devrais-je dire – de donner deux versions différentes sur un même fait. Et ça permet d’observer des réactions physiques, aussi.

Et puis ça me donnerait une idée de la façon dont ils échangent, suite à tout ce merdier, puisqu’après tout, à part quelques photos où la meuf est floutée et collée love-to-love à mon mec qui semble avoir 22 ans tant il est filtré (par elle), je ne les ai jamais vus ensemble.

C’est pas tant que ça manque au petit musée des horreurs qui s’est créé dans ma tête mi-janvier, non. Vraiment pas. Il est déjà bien trop chargé.

Mais là ça serait une scène où ils ne sont pas en train de faire ce qu’ils font dans les autres images qui me hantent. Là ça serait probablement plus une explication musclée.

Et puis j’aurais peut-être moins l’impression d’être une mouche qui se noie, abandonnée dans du vinaigre. J’aurais moins l’impression d’être seule face à des forces occultes.

Bref… je ne suis toujours pas très au clair sur mon besoin de confrontation finale.

Par contre je lui annonce que je le crois plutôt sur l’histoire de la – fausse – discussion dans l’escalier.

En espérant ne pas être une fois de plus une grosse bouffonne.

Il me jure que non.

Nous nous serrons dans les bras l’un de l’autre…

Je le répète, c’est le plan qu’elle m’a fait avant de me parler de l’escalier qui lui a fait perdre toute crédibilité.

Je ne dis pas que tout ce qu’elle m’a dit est faux.

J’ai bien trop de preuves pour l’imaginer ne serait-ce qu’une seconde, malheureusement.

Mais ça ouvre l’hypothèse d’un récit dont on aurait plus ou moins, et peut-être plus que moins, façonné les contours.

Enfin je te dis que je le crois sur ce coup-là, mais la vérité c’est que cet ultime épisode – au moment où je t’écris en tous les cas, puisque je n’ai pas reparlé à A. – a pulvérisé mon début de guérison.

Nous avions bien avancé, mon mec et moi, et à nouveau, le serpent venimeux…

Le. Putain. De. Doute.

Parce que si ce plan là est encore un mytho, il n’y a plus rien à sauver dans mon couple.

Absolument plus rien, makash, wallou.

Alors je m’accroche à la falaise et je crois mon mec.

Les jours, les semaines qui suivent, même si j’arrive à gérer mes journées et mes nuits pas si pire au regard de la merde que je me prends dans la gueule depuis trois mois, je dégoupille régulièrement.

Sous diverses formes.

Larmes froides, sanglots orgasmés, sombre ironie, paranoïa aiguë, grosse vénère, sur les uns et les autres, colère qui ronge, dégoût terrifié, envie de cogner.

Oui. Envie de cogner. Souvent.

Alors parfois c’est moi que je cogne, pour secouer mon ciboulot et en virer les idées trop noires.

Encore régulièrement je suis saisie d’effroi et les imagine comme deux diaboliques qui continueraient à rire de ma crédulité tout en s’envoyant en l’air de l’autre côté du périph’…

Je lutte contre moi-même, et ça me coûte beaucoup d’énergie.

Et puis il y a cette histoire de routine…

Bordel de merde, à bien y réfléchir, elle ne vient pas particulièrement de moi.

Certes c’est lui qui me tartine de mots de désir H24 – même quand il me trompe éhontément, ce qui leur donne soudainement beaucoup moins de crédit –, d’ailleurs je l’en remercie – les mots crus, pas la trahison ni le bullshit – ; certes je ne le suçais plus assez total mea culpa tout ça tout ça ; certes je me contentais parfaitement de mes jolies culottes noires et de notre sexualité simple et funky, mais…

Moi aussi je lui exprime mon désir très souvent. Et il est arrivé plusieurs fois que j’amorce un mouvement vers lui pour du sexe un peu décalé, et qu’il le réoriente, lui, vers du sexe routinier.

Je n’ai pas souvenir que l’inverse soit beaucoup arrivé…

Les derniers mois, d’ailleurs, quand la demi-molle s’est invitée dans notre lit, j’avais constamment l’impression d’être celle, une fois dedans, qui allait vers lui. Je le trouvais attentiste.

Pareil pour la pipe. C’est vrai je suis une sale feignasse, une sale toxico du soir, mais, déjà, il ne me lèche pas plus que je ne le suce (et ça ne me pose aucun problème, d’autant moins qu’il ne le fait pas vraiment comme moi j’aime, et que je n’ai pas ressenti le besoin de lui délivrer une masterclass pour qu’il sache me faire monter ainsi) et, en plus, il est arrivé plusieurs fois que je commence une fellation et qu’il m’en détourne assez vite.

Pour me faire l’amour !

Donc je me disais simplement qu’il préférait le coït, comme moi.

Idéal.

Bref… désormais je ne suis pas sereine sur le sujet.

On baise beaucoup, forcément.

Pas du tout en mode routinier. Tu t’en doutes.

Je déploie tout. Les photos, les dessous, les pratiques…

J’offre ma peau la plus sensible.

Et je ne parle pas (que) de mon cul. Mais bien de mon cou, cet espace hyper intime et secret que je n’ouvre presque jamais.

Je me fais tatouer. Gentle reminder bien placé. Une phrase gravée sur la bague que je lui avais offerte lors de notre première année. En ajoutant une parenthèse.

Une parenthèse capitale.

Car moi aussi je veux être sauvage. Sauvage mais protégée. Protégée mais sauvage.

Car bizarrement, j’ai presque encore plus peur de la routine quand elle est à son initiative.

Je sais pourtant que c’est une très bonne chose. Que nous ne pourrons pas tenir un tel rythme ad vitam aeternam. Je lui dis, d’ailleurs. « Profitons-en tant que mon cerveau est en mode panique. Quand il va guérir ça va se calmer un peu… »

Je panique tellement qu’un mardi après-midi, après avoir fait l’amour avec lui – une baise parfaitement chouette mais… normale –, je lui rappelle violemment que ça n’est pas moi qui ai installé la routine entre nous, mais bien lui autant que moi. Et qu’il serait bien avisé de ne pas réitérer sauf à être capable, cette fois, de ne pas aller chercher le piment ailleurs.

Et même de ne pas l’accepter aussi facilement, aussi largement, aussi irrespectueusement en me laissant sur le bas-côté de la route.

Je lui liste, vénère, tout ce que j’ai fait depuis le début du merdier, tout ce que j’ai changé. Et lui demande ce qu’il a fait, lui, de son côté, pour ne pas retomber dans le quotidien sexuel qui a semblé lui déplaire.

Pas grand chose.

À part rebander.

Ce qui n’est pas rien, surtout dans mon référentiel.

Mais ça n’est pas un effort.

Je crie, je pleure, je fous un coup de pied dans une porte, je marche erratiquement comme une folle furieuse.

Je me sens totalement impuissante et forcément condamnée.

Condamnée à revivre ça un jour. Condamnée à ne pas savoir comment l’éviter.

En larme, en furie, je le frappe, martèle son torse – enfin ! –, je shoote dans un tabouret, faisant voler dans la foulée un vase posé sur mon piano.

Il cherche à me calmer, à m’enserrer, à me contenir…

Et moi je finis par lâcher… Je m’arrête, essoufflée.

Rompue.

Je crois que j’avais besoin d’exploser.

Physiquement.

Jusqu’à présent je n’avais qu’implosé.

À suivre…

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Deuxième couche

Previously…

Mon cœur se fige.

J’ai littéralement l’impression qu’il cesse de battre pendant quelques secondes, et qu’il reprend sa danse en mode très accéléré.

« Tu veux dire… depuis que je sais ? »

La question débile, probablement l’effet du choc.

« Oui, après vos vacances au ski. Tu m’en veux ou pas ? »

Je note l’emploi du présent, et non du conditionnel.

En même temps la meuf écrit avec ses pieds, et si je t’ai épargné jusqu’à présent ses innombrables fautes d’orthographes et tournures foireuses, c’est d’une part parce que je ne considère pas qu’un talent d’écriture donne une valeur quelconque à la personnalité de quelqu’un, mais surtout car je n’avais que des sentiments positifs à son égard, malgré la situation, et que je trouvais trop facile de l’humilier sur ça.

D’ailleurs, sur le coup, je n’ai pas le temps ni le cerveau disponible pour élaborer une telle pensée. Je constate juste qu’elle utilise le présent.

Et réponds, fébrile.

Oui, en passant, désolée d’employer mille fois par billets les mots tremblements, cœur, fébrile, cerveau, déception, baiser, colère, choc, dire, putain, répondre… Je fais au mieux pour enrichir mon récit de mots divers, mais parfois je ne peux que répéter encore et encore ce par quoi je passe. Et je suis tellement dans le jus de tout ça que j’ai considérablement perdu en verve et en clarté d’esprit.

« Ça me paraîtrait fou… du coup, c’est arrivé ??
– Je veux savoir si tu m’en voudrais ou pas. »

Ah, on repasse au conditionnel…

« J’en voudrais surtout à quelqu’un d’autre. Et toi, ça me perturberait beaucoup, je dois dire… »

Elle répond d’un « Ok ».

Je lui repose la question.

« Du coup, dis-moi…
– C’était juste pour savoir mais je le déteste trop pour y retourner. »

Quatre jours avant, la meuf m’avait dit qu’elle s’en foutait, qu’elle ne ressentait plus rien pour lui, ni de positif ni de négatif.

Quatre semaines avant elle m’avait dit qu’elle l’avait téj avant d’avoir des sentiments amoureux pour lui.

Deux mois avant j’avais trouvé des messages où elle lui disait à quel point elle pleurait de devoir renoncer à l’homme qu’elle aimait, où elle le menaçait d’aller s’encastrer dans un platane.

Elle poursuit.

« Finalement, tu l’aimes. De fou. »

Ce que je lui dis depuis le début…

« Oui, je l’aime profondément. Sérieusement A., vous avez recouché ensemble ou pas ? J’ai le cœur qui bat à 12 000.
– Sache que jamais je ne te ferais du mal. C’était juste une question.
– S’il a recouché avec toi, c’est fou.
– On n’a pas recouché ensemble.
– Tu me le promets ? J’ai tellement honte de te demander ça…
– Je te le promets. Même si je le déteste et aimerais que tu le détestes autant que moi pour t’avoir fait tout ça, on n’a pas recouché ensemble. Jamais je ne te ferais de mal. »

Je mets un cœur à sa dernière phrase.

Oui, tu as bien lu : JE METS UN PUTAIN DE CŒUR À SA DERNIÈRE PHRASE.

Je suis rien qu’une pauvre masochiste de merde, c’est ma croix merci papa et les autres. Je pensais en être sortie grâce à ma magnifique histoire d’amour avec cet homme formidable.

Eh non.

J’en chiale rien qu’en l’écrivant.

De toutes les façons je chiale depuis ce matin.

C’est nul de devenir fou. D’être sans cesse ballotée intérieurement entre le désespoir, la colère, la déception, la peur, l’amour intense, l’espoir, l’envie de prendre soin de lui, l’impression de l’avoir pardonné, la stupéfaction de voir qu’en fait non, la terreur de n’en être jamais capable.

Je ne suis que confusion.

Pour te montrer à quel point je déteste être dans ce genre de confusion, je peux te dire par exemple que j’exècre le jeu du loup-garou, ou n’importe quel jeu où il faut mentir. Ça me perturbe trop. Même le poker, auquel j’ai joué vite fait quand ça a été très à la mode, j’en suis vite revenue à cause de ça. Et de son aspect hyper capitaliste qui consiste à s’acharner sur ceux qui ont le moins de thunes puisqu’ils sont d’avance affaiblis par le fait d’avoir, paradoxalement, plus à perdre. J’ai toujours affirmé que je ne pourrais pas avoir d’histoire d’amour avec un comédien, de peur d’être trompée par ses talents d’acteur. Et j’ai toujours su que je ne pourrais jamais participer à KohLanta, la principale raison étant que j’ai trop besoin d’avoir des gens en qui je peux avoir confiance.

Je nage dans le brouillard depuis ce putain de 11 janvier.

Je lui dis que je la crois. puis ajoute : « C’est un jeu dangereux, A… Tu imaginais que je te répondrais quoi ? Enfin, pourquoi tu me poses cette question ? »

Pas de réponse…

« S’il t’a fait des avances, dis-moi… Je tremble sa mère. Mais je veux savoir. »

Avec un smiley qui rigole et qui sue du front.

Rire pour survivre.

Pour garder la face.

Pour montrer à quel point on sait que la vie est une mauvaise blague.

« Non il ne m’a pas fait d’avance. »

Petit cœur sur sa phrase.

Je me fais pitié.

« Mais tu te rappelles quand je t’ai parlé de mes copines qui pensaient que tu me manipulais ?
– Oui, très bien…
– Bref… je vais dodo. »

Puis elle m’envoie une ligne de cœur.

« J’espère savoir ce qu’elle t’ont dit un jour… Bisous A. »

Avec des cœurs moi aussi.

Sérieux les gens : mettez-moi à l’asile.

Toutes mes failles sont rouvertes. Presque 46 ans la meuf.

En fait, quand on part dans la vie avec une estime de soi détruite, on reste une proie à jamais.

Malgré tous mes efforts, malgré mon immense pulsion de vie.

« C’était pas mes copines… »

J’hallucine.

« C’était lui ??? Il t’a dit que je te manipulais ??? Sérieux ? Mais quand, du coup ?
– Oublie ce que j’ai dit.
– Non s’il te plait, A. Je peux t’appeler ?
– Non.
– Me laisse pas comme ça.
– Arrête.
– C’est hard, laisse moi t’appeler.
– Non. Bref, laisse tomber.
– Je ne peux pas, A. Je suis en train de tout faire pour y recroire. Je dois savoir.
– Non, tu mens. Tu me fais croire ça mais tu mens.
– ????????? »

Putain de merde, s’il y en a bien une qui ne ment pas dans toute cette histoire, c’est moi. Je suis face à deux énormes mythos et ils vont me rendre zinzin.

Je l’appelle.

Elle ne décroche pas.

« Je vais dodo. »

Je la rappelle. Toujours sans succès.

« Je ne te comprends pas, A.
– C’est pas A. qui parle, je me dédouane de tout.
– C’est qui alors ? Tu me tues, là.
– On s’en fout de ton mec.
– Explique moi ce que tu es en train de faire, là…
– Bref.
– Stp.
– Jamais de ma vie je ne te fais de peine. Retiens juste que tu es extraordinaire.
– Tu me laisses avec un énorme point d’interrogation.
– Il n’y a aucun point d’interrogation.
– Si ! Est-ce qu’il t’a parlé, contrairement à ce qu’il m’a dit, en t’affirmant que je te manipulais ? Si oui, c’est dingue. Si non, pourquoi tu me dis ça ?
– Je ne sais plus à qui va ma loyauté.
– Pourquoi tu ne veux pas simplement me répondre ?
– Vous m’avez brisée complet.
– Qu’est-ce qui s’est passé ?? Laisse-moi t’appeler.
– Autant toi je sais qui tu es dans le multiverse, autant je sais que R. est juste un homme qui ne sait pas et plus. Je ne veux plus parler.
– Je vais finir par demander à ce qu’on se voit tous les trois. Là tu me tues.
– Oui, c’est bien, ça. Et non, je ne te tue pas, arrête de dire des trucs aussi forts.
– Laisse-moi t’appeler, je t’en supplie.
– Ok. »

Je compose son numéro en tremblant. Et avant que je poursuive, sache que j’avais demandé à mon mec de me dire si elle et lui se reparlaient, par exemple s’il s’excusait auprès d’elle comme je l’avais incité à le faire, ou quoi que ce soit. Et il m’avait répondu qu’évidemment il me le dirait illico, et que ça n’était pas arrivé.

Elle me raconte. Que depuis notre retour au ski, donc, ils se sont croisés une fois dans l’escalier.

Qu’il était super vénère contre elle, qu’il lui a dit que contrairement à ce que j’avais prétendu, il avait tout à fait le droit de faire ce qu’il avait fait avec elle.

Qu’il n’avait absolument pas trahi notre contrat, que je l’avais bien mythonnée là-dessus.

Que de toutes les façons j’avais pris A. pour une grosse bouffonne et que je l’avais manipulée uniquement pour avoir des informations dans le but de le tromper encore plus et de le quitter.

Qu’il s’était assuré qu’A. ne m’avait pas tout envoyé. Qu’elle l’avait rassuré en lui disant de ne pas s’inquiéter, elle avait gardé les preuves hardcore pour elle et ne m’avait envoyé « que les trucs de merde ».

Qu’il lui avait rappelé ses promesses de sacrifier son désir et son amour à son égard pour ne pas faire souffrir notre famille et notre fille. Qu’elle les avait trahies et qu’au final elle allait briser sa famille, sa fille.

Qu’elle m’avait dit tout ce qu’elle m’a dit parce qu’elle savait ce que c’était d’être une femme trompée, mais que sa véritable loyauté allait vers lui.

Je suis sur le cul. J’ai envie de hurler.

Je fais tout ce que je peux depuis deux mois pour retrouver foi en moi, en mon homme, en son désir de réparer les choses, pour remettre du beau sur la merde, pour recroire en l’amour, pour vanter la sororité, pour affirmer qu’on peut ne pas sombrer dans le minable même dans de telles situations, et lui, d’une discussion dans les escaliers, il anéantit tout.

Il remet une deuxième couche de merde.

Je tourne en boucle et elle se moque de moi : « Allez, viens on arrête de parler de ton vieux mec, là. On s’en bat les couilles. Putain, tu as quinze ans de plus que moi et t’as toujours rien compris, meuf. Les mecs c’est du bonus et sinon ça dégage. Reste avec lui si tu y trouves un intérêt, sinon tèj-le. Tu es une femme forte, tu n’as pas besoin de lui. Il n’est pas à ton niveau, et tu le sais. Pourquoi tu t’accroches ?? »

Je lui réponds que je ne peux pas parler « d’autre chose que de mon mec », là, présentement. Que je n’arrive même plus à penser. Que je m’accroche parce que je l’aime, pour notre famille, et parce qu’elle m’a dit depuis le début de nos échanges qu’il avait toujours affirmé qu’il m’aimait.

Elle ricane.

Je lui demande si elle m’a menti sur ce point.

« Non non non, je ne réponds plus, ah la la, qu’est ce que je suis en train de faire, mon Dieu…
– Sérieusement A., si c’est faux, il est urgent que tu me le dises. »

Silence. Je l’entends rire. Je pense qu’elle est bourrée.

« Je vais te dire mon point de vue. Moi je pense qu’il ne t’aime pas. Sinon il n’aurait pas fait tout ce qu’il a fait.
– OK mais est-ce qu’il t’a dit qu’il m’aimait ou c’est du bullshit ?
– Il m’a parlé de toi comme sa responsabilité, son obligation.
– …
– T’es mignonne, tu dis que tu ne consommes pas le sexe, que tu communies, tout ça, mais lui ce qui lui faut c’est une grosse nympho. Il m’a toujours dit que si son ex de la grande époque, avant son accident, avec qui il faisait la tournée des clubs échangistes et des partouzes, revenait, il quittait tout pour elle. »

A-che-vée.

Je lui dis que je vais raccrocher, qu’il est tard et que je suis perdue, que je n’en peux plus.

Je coupe mon téléphone, le cerveau en feu, le cœur brisée en morceaux encore plus minuscules qu’avant.

Et je ne dors pas de la nuit si ce n’est deux petites heures de répit.

Je n’en peux plus de ces révélations du jeudi soir tard, toujours la veille du retour de R. chez moi. À se demander s’il n’y a pas une volonté tenace de pourrir toutes les semaines-sur-deux que je passe avec lui.

En ouvrant mon téléphone à 6 heures du mat, je vois le message qu’elle m’a laissé à 1h36 : « Bonne nuit, fais de beaux rêves. Garde tout ce que je t’ai dit pour toi stp, ne crée pas un plus mauvais mood que celui que j’ai créé il y a deux mois. »

Je réponds « C’est au-dessus de mes forces, pas beaucoup dormi. »

C’est notre dernière échange.

Je reçois les messages amoureux-érotiques de mon mec, qui me dit à quel point il a hâte d’être le soir pour me retrouver.

Je ne réponds pas. J’en suis parfaitement incapable.

Il me relance deux heures après.

« Ça va ?
– Fatiguée. Petite nuit. et toi ?
– Je partage, même fatigue, même petite nuit.
– Courage, à tout à l’heure. On sera dans le même état du coup.
– Je crois bien, oui. Courage aussi mon amour. Hâte de te voir cet après-midi. »

Je reste floue. Je ne peux pas affronter ça par écran interposé.

Je n’ai jamais plus désiré que ces deux derniers mois que la cité de banlieue profonde de mon mec soit accessible rapidement en transport en commun.

Et pourtant je l’avais désiré aussi avant, pour que notre logistique soit plus simple.

Là ça devient un besoin vital.

Dont je vais devoir me priver, n’ayant pas le pouvoir de réduire les distances à la simple force de mon désespoir.

J’annule tous mes rendez-vous annulables de la journée, j’honore les autres comme je peux.

Je voudrais plonger sous terre, hiberner cent ans et me réveiller en ayant tout oublié… Ou en ayant la clarté d’esprit me permettant de me fixer sur une sensation, un sentiment, une conviction, une décision.

Mais là je suis écartelée entre mon pessimisme et mon optimisme.

Je me suis toujours présentée comme une meuf pessimiste sur le monde, mais optimiste dans son pessimisme, genre « foutu pour foutu, reste plus qu’à tâcher d’être heureux le temps qu’on passe ici ». J’élève un peu mes enfants comme ça, en me disant souvent que c’est nul. Peut-être même dévastateur.

Nous sommes tous des mauvaises mères.

Le savoir en fait de nous de meilleures.

J’espère.

Et donc je suis tiraillée entre ma pulsion vers le beau, la vie, l’amour qui gagne, et ma pulsion hyper morbide, qui me chuchote régulièrement à l’oreille qu’en fait mon mec n’est pas l’homme que je m’acharne à croire qu’il est.

J’ai quand même la présence d’esprit de changer de regard sur A. Que ce qu’elle a dit sur l’escalier soit vrai ou faux, le jeu cruel qu’elle m’a imposé juste avant suffit à m’ouvrir ENFIN les yeux : cette meuf est une grosse perverse. Peut-être aussi une victime de mon mec qui lui reste néanmoins loyale, je ne sais pas. Mais ce plan-là la fait dégringoler dans mon estime.

Et donne un nouvel éclairage à l’histoire.

Même s’il va encore une fois falloir encaisser. Essayer de démêler le vrai du faux.

Même si je ne sais plus qui est mon mec.

Alors j’attends son retour.

Fébrile.

Oui, encore.
Désolée pour les répétitions.

À suivre…

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Écrire

Previously…

Les jours passent et ce fameux film en slow motion défile sans cesse dans ma tête. Je sens que j’ai besoin d’écrire.

Écrire pour poser les faits, les ordonner, être enfin en mesure de les analyser avec un peu de distance.

Reprendre la main sur le récit, transformer un drame intime en un feuilleton farci de rebondissements.

En rire.

En repleurer.

Et aussi être honnête.

Je le redis : j’ai une forme de honte d’avoir tant vanté mon homme en or et mon couple idyllique. Je me dois, je te dois, de rectifier le tir.

Et j’en suis bien triste. Et déçue.

Alors je me lance, et les mots et les phrases jaillissent de mon cerveau.

J’ai tant à dire…

J’ai peur. J’ai hâte.

D’avoir terminé.

Écrire me force à me replonger dans la chronologie, à relire beaucoup beaucoup beaucoup de messages douloureux.

Notamment toute ma correspondance avec A.

Je relis ses gentillesses à mon endroit.

Je revois ces putain de captures d’écran.

Mes dents se serrent et ma babine se soulève.

Mais je ponds mon premier billet que je poste ici le lundi 4 mars.

Alors en fin d’après-midi, j’envoie un message à A.

« Hello… Je suis en train d’écrire sur… tout ça, et du coup, une pensée pour toi. J’espère que tu vas bien. »

Avec un cœur.

Ça fait presque un mois que nous ne nous sommes pas reparlé, elle et moi.

Elle me répond tout de suite.

« Coucou, tu écris un livre ?
– Non, sur mon blog d’il y a longtemps. Il faut que j’écrive tout sinon ça se tricote tout seul dans ma tête. »

Au même moment, je m’aperçois que je ne retrouve plus nos premiers échanges sur instagram. En conclus qu’elle m’a bloquée.

Je lui dis, rieuse, ajoutant que je comprends.

Elle confirme, me dit que c’est mieux ainsi.

M’envoie une nouvelle capture d’écran d’un message de mon mec que je situe en décembre, où il lui dit qu’il est désolé de ne « pas pouvoir être son mec », qu’il « ne lui a jamais menti sur sa situation », qu’il « ne veut surtout pas lui faire du mal », qu’il « avait tellement envie de partager ce deuxième concert avec elle », que lui aussi il a « envie de lui dire je t’aime », qu’il « le pense ». Avec toujours les petits surnoms mignons qu’il me donne aussi.

Pas de nouvelles infos, mais ça pique toujours autant…

On a le même point de vue : ce qui est le plus blessant dans cette histoire à tiroirs, c’est l’accumulation de mensonges, de part et d’autre.

Elle m’encourage à me libérer en écrivant : c’est ce qu’elle a fait elle aussi en racontant son histoire avec R. dans un récit… qu’elle renonce finalement à sortir en livre numérique auto-édité, vu la montagne de mythos.

Je lui dis sur le ton de l’humour, mais un peu sérieuse quand même, que si elle veut me l’envoyer, je suis preneuse.

Elle refuse évidemment, disant que c’est « trop personnel ».

Là encore, je comprends.

Elle m’envoie quand même le sommaire :
« – La première fois que je t’ai vu
– Une approche comme du sucre glace
– Notre première rencontre
– Notre premier baiser
– Notre première fois
– La déception
– L’incompréhension
– La séparation
– Passer à autre chose
– La réconciliation
– L’acceptation de la situation
– Je t’aime mais je pars…
Épilogue : rien à rajouter »

C’est ouf…

Puis me propose de m’envoyer un passage « qui prouve qu’il m’aime ».

J’accepte, bien évidemment.

Elle y raconte que quand elle a trouvé mon compte instagram, elle y a vu nos photos de famille, nos vacances ensemble, tous les mots d’amour et d’admiration que j’y écris sur mon homme. Qu’elle a alors compris à quel point j’étais amoureuse de R., qu’elle n’était qu’un plaisir éphémère, un dessert, et que la femme aimée, c’était moi.

Je vois pas trop ce que ça prouve, à part que je clame mon amour pour R… Elle en convient, en disant qu’en fait c’est plutôt un passage sur « la meuf bien qu’elle est ».

Elle ajoute que certaines de ses copines ont cherché à lui « matrixer le cerveau en lui disant que je l’avais manipulée juste pour avoir des infos ou pour flatter mon ego », qu’elle avait « commencé à me détester »…

J’ai du mal à comprendre. Je lui réaffirme que je ne l’ai jamais manipulée, que je lui ai au contraire parlé très honnêtement de ce que je traversais, que je lui ai, c’est vrai, demandé toutes les infos possibles, mais que c’était pour espérer guérir, moi, et réparer mon couple. Qu’au contraire, mon ego a pris cher, et que je la remercierais toute ma vie de ne pas m’avoir repoussée.

Elle conclut avec un « laisse tomber, je suis assez grande pour savoir que la bonne personne ici, c’est toi, et pas lui. »

Quelques échanges de gentillesses, encore, puis au moment où nous allons mettre fin à la discussion écrite, elle me demande l’adresse du blog et ajoute qu’elle espère que je n’ai dit que « des bonnes choses » sur elle.

Je lui réponds avec toute la délicatesse possible que c’est aussi personnel que son livre, finalement, et que donc je me vois mal lui donner le lien alors qu’elle refuse, à raison, de me faire lire son récit. Mais que je n’y raconte que ce que je pense, et donc un immense bien d’elle.

Elle le prend très mal.

« Tu me dois bien ça après tout ce que je t’ai envoyé pour que tu guérisses. Je dois aller que dans ton sens si je comprends bien. Allez bonne continuation, supprime mon numéro, je te bloque. »

Je suis un peu sonnée, finis par lui dire que je lui enverrai, si vraiment elle le souhaite, mais quand j’aurai tout écrit, pas avant.

« Non merci, tu es aussi vicieuse que lui. Vous allez bien ensemble. Ciao ! »

Ça me remet en panique. Je m’accroche comme je peux à cette impression que j’avais réussi à ce que ça se termine bien, au moins avec elle, que j’avais bien niqué sa mère au destin, et là ça flanche…

Je lui renvoie un dernier message en lui disant que si elle souhaite me reparler, ce que j’espère, je suis là.

Elle me répond que si elle ne m’envoie pas son livre c’est pour éviter de « blesser encore plus la femme que je suis ». Qu’à la minute où elle m’a vue quand on a fumé ensemble elle s’est sentie hyper merdique et tellement mal pour « cette femme extraordinaire ». Que quand elle a trouvé mon instagram, elle a parlé de moi pendant une heure à mon mec, avouant son admiration à mon endroit, ne comprenant pas comment il pouvait « me tromper ni même désirer une autre que moi ». Que mon mec n’en avait rien à foutre de ce qu’elle lui disait, cherchant uniquement à la calmer pour pouvoir la baiser sans qu’elle culpabilise… Et qu’elle trouve malsain ma façon de « me faire désirer » pour lâcher le nom de mon blog. Qu’elle n’aime que les gens entiers et bienveillants.

Je lui réponds que je suis justement entière et bienveillante, que je souhaite la garder quelque part dans ma vie, près de mon cœur, que j’ai énormément de respect pour elle et ce qu’elle a fait pour moi.

Elle conclut en m’invitant à « ne jamais douter de ma valeur », que je suis « une femme parfaite, la plus incroyable, intelligente et belle que Dieu lui ait permis de rencontrer ». Qu’elle pense qu’il vaut mieux que « nos chemins se séparent pour le bien de tous », et pas parce qu’elle m’en veut. Mais que c’est mieux ainsi.

Je suis un peu bouleversée par cette alternance très rapide de chaud et de froid, mais je dois me rendre à l’évidence : elle a certainement raison, il est préférable de couper le contact.

Ça me chiffonne, parce que je suis une meuf chelou, mais tout le monde me conseillerait de faire strictement l’opposé de ce que j’essaye de faire avec A.

Créer un lien aimant à jamais en déjouant tous les pronostics.

J’accepte sa demande et lui souhaite le meilleur.

Et je continue à écrire écrire écrire tout ce qui encombre mon cortex.

Je publie les épisodes 2 et 3 de mon feuilleton… sans savoir qu’il y en aura plus que je ne l’imagine à ce moment-là.

En racontant la scène du chaud-froid à ma meilleure amie, elle tique : « Hmmmm… je te trouve bien indulgente avec cette meuf. Tu es sûre qu’elle n’est que bienveillance à ton égard ? Je suis sceptique… »

Je lui réponds que je pense que A. est un peu barrée, mais que c’est une vraie gentille qui aurait pu se délecter de ma situation douloureuse, mais qui a choisi d’accepter de m’aider à guérir, à réparer mon couple avec R. Qu’elle me tartine de gentillesses, certes entre deux douches parfois un peu froides, mais qu’elle est vraiment élogieuse.

Je lui envoie même une copie du dernier message pour preuve.

Elle ne réagit pas.

C’est une semaine sans mon mec, qui doit revenir, comme toujours, le vendredi suivant.

Le jeudi soir, veille de nos retrouvailles, il m’envoie un sms de bonne nuit plein d’amour et de désir.

J’y réponds tout de suite.

Et quelques secondes plus tard, je reçois un message d’A. sur instagram.

Je note évidemment la troublante concomitance des deux messages, mais décide de ne pas, pour une fois, tout surinterpréter.

« Je ne sais pas si tu dors ou pas mais j’avais besoin de te dire que je pense à toi. Je ne comprends pas pourquoi je t’ai autant dans ma tête. Tu hantes chacune de mes pensées. »

Je suis heureuse qu’elle revienne vers moi, mais un peu gênée à l’idée de l’obséder, comme elle me le dit. Je précise que je ne souhaite vraiment pas la bouleverser « en mal ».

Elle me dit qu’elle a « envie de m’aimer ».

Je lui réponds que moi je l’aime déjà. Pas en mode amoureuse, ni même « grandes amies », mais en mode « liées à jamais ».

Elle me dit que chaque mot que j’ai prononcé lui a montré à quel point j’étais « pure, parfaite ». Qu’elle a envie de m’entendre encore et encore, que c’est plus fort qu’elle.

« Alors restons dans la vie l’une de l’autre, non ? De loin mais connectées.
– Non, je te veux, moi.
– On ne couchera pas ensemble, A., et tu connais les raisons. Mais ça n’empêche pas de s’aimer, de se respecter, de s’estimer profondément.
– Je refuse de te partager, tu es une putain de reine. Tu ne te rends pas compte de la puissance de tes ondes. »

Je lui dis que ses mots me touchent beaucoup.

« Tu ne devrais parler qu’avec des gens qui ont ton niveau de vibration, pas les vieux gars comme R. Je veux être ta flamme jumelle. »

Je réponds : « Ha ha ok, et ça implique quoi, du coup ? »

« Je veux être à tes côtés dans le multiverse. Toute ma vie j’ai cherché ma flamme jumelle. J’ai cru que c’était R. En fait c’est toi et je t’ai enfin trouvée. Je ne te parle même pas de cul. »

J’imagine qu’elle a un peu bu pour me dire tout ça, et lui demande ce que je peux faire pour honorer son sentiment que « je suis sa flamme jumelle » ?

« Reste juste toi. Si je pouvais te prendre dans mes bras et te dire tout ce qui te rend spéciale. Tu es la plus belle création de Dieu. Et tu mérites tout l’amour du monde…
– Toi aussi, A., tu mérites tout l’amour du monde… J’espère que c’est cool avec ton mec, d’ailleurs.
– Mon mec me saoûle car je n’ai que toi dans la tête. Je ne veux que l’amour de mon âme sœur, et c’est toi. »

Il est minuit passé, je lui laisse entendre que je suis crevée et donc que je vais aller me coucher mais que je lui refais signe au plus tard quand je débarque dans la banlieue de mister.

« Attends, j’ai une question.
– Dis-moi… »

Elle tarde à répondre.

Puis : « Si je te dis que j’ai recouché avec R. entre-temps, tu m’en veux ou pas ? »

À suivre…

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Oasis perdue

Previously…

Au réveil, je reçois le dernier message qu’A. m’a envoyé la veille, quand j’avais déjà éteint mon téléphone puisque c’était la seule solution pour qu’elle comprenne mon « non ».

« OK. Monsieur R. = 1 / Madame R. = 0. »

J’en déduis qu’elle considère que mon mec, lui, serait descendu.

Réjouissant.

Et lui réponds : « Ou le contraire, selon le point de vue… »

Avec un smiley clin d’œil. Oui. Je suis une smiliste assumée.

J’ajoute que j’ai été heureuse de la voir en vrai et que j’espère qu’elle n’est pas fâchée.

Elle me rassure en me disant qu’elle sait être archi relou quand elle veut quelque chose, mais qu’elle ne se fâche jamais, et me souhaite de bonnes vacances.

« T’es une chouette meuf, A., tu sais ? »

Avec un cœur.

La veille, elle m’avait raconté effectivement que quand elle dormait avec mon mec, elle l’embêtait toute la nuit, l’empêchant de se reposer car elle voulait « profiter de lui ».

Alors qu’il se lève à 4h45 du matin pour aller bosser.

Ça aussi, ça a peut-être joué sur ses soudaines demi-molles…

La meuf qui se raccroche aux branches…

Par exemple là je mettrais bien un smiley mort de rire mais je me suis juré de ne jamais le faire ici.

Un peu de littérature, bordel !

Pourquoi tous ces smileys ?

Ma façon de me foutre de ma propre gueule.

De grosse cocue, dans ce cas-là.

Les gosses dans la bagnole, coffre de toit blindé, on part enfin en vacances.

Je suis toujours interloquée par la scène de la veille. Qui me fait marrer et qui, aussi, éclaire un peu différemment l’histoire.

A. est semble-il légèrement moins timide qu’elle ne le croit…

Quand je raconte le truc à R., il fait une moue teintée de mépris et me répond que « vu la personne dont on parle, ça ne [l’]étonne pas du tout ».

Je lui explique que, quelque part, ça donne un peu plus de crédit à sa version à lui.

Notamment sur le début.

Peut-être qu’effectivement elle a été beaucoup plus offensive qu’elle ne me l’a dit, et qu’il s’est contenté de laisser faire.

Ce qui est tout aussi nul.

Mais moins volontaire.

La semaine à la montagne est aussi chouette que désespérante.

Nous savourons ces joyeux moments enneigés à sept… mais je chiale huit fois par jour, à table, dans la voiture, sur les pistes, et on passe des heures à bédave en discutant dans la cuisine, yeux aussi écarlates que noyés.

Je lâche des larmes à chaque fois que je repense à l’anéantissement de mon oasis amoureuse.

Je suis en deuil.

En triple deuil.

Deuil de l’image que j’avais de mon mec.
Deuil de l’image que j’avais de mon couple.
Deuil de l’image que j’avais de ma place dans la vie de mon mec.

Je pleure mon havre de paix.

Et même si mon homme me dit et me montre qu’il souhaite ardemment le rebâtir, absolument tout me ramène à ça.

Quand un truc me saoûle, m’énerve, me blesse – mes gosses, un nouveau problème à gérer, mon père ou que sais-je… –, je ne peux plus m’accrocher au fait que « rien n’est grave, je suis si heureuse avec l’homme de ma vie ».

Quand je passe un beau moment – par exemple dévaler à toute blinde notre piste préférée, les gars, mon mec et moi, puis me délecter du ciel bleu et des sublimes montagnes à perte de vue une fois sur le télésiège, blottie contre mon amoureux –, je fonds en larme en repensant à l’effondrement récent de ma confiance en moi et en l’homme que j’aime. Si fort.

Et nous continuons de discuter, encore et encore. Décortiquer, creuser, réaffirmer, confronter les référentiels.

J’ai toujours dit que l’immense majorité des embrouilles entre les gens était, selon moi, due à un simple (mais souvent compliqué à appréhender) choc de référentiels.

Et je sais que c’est le cas ici aussi.

Si j’ai effectivement passé cinq jours à craindre qu’il m’ait fait vivre dans une illusion morbide pendant dix ans, à craindre d’avoir été le gigantesque pigeon d’un putain d’arnaqueur, imaginant soudainement l’amour de ma vie sous les traits du pire des diaboliques, je suis à peu près convaincue à ce moment-là que mon mec ne m’a pas voulu du mal.

Il en a dit sur moi. Du mal.

Pas tant que ça mais bien trop quand même, et y repenser me tue.

Il m’en a fait.

Mais il ne m’en a pas souhaité.

Or dans mon référentiel éthique, l’intention prévaut.

Même si elle n’efface pas les blessures consécutives.

Ni la colère ni la déception.

Pendant la semaine à la montagne, je continue d’être hantée par la scène de l’escalier et la version donnée à mes beaux-fils…

Je finis par aborder le sujet avec le plus grand des deux, celui dont je suis la plus proche, celui aussi qui avait réagi si vivement selon le récit de mon mec.

En diagonale, bien sûr.

Je lui dis en substance que son père et moi avons eu des discussions compliquées récemment mais que nous nous aimons du feu de Dieu et que donc tout ira bien, promis juré. Mais que j’ai eu deux versions différentes concernant une scène dont je savais qu’elle l’avait perturbé.

Il voit tout de suite de quoi je parle, sourire penaud.

Que je ne lui demande surtout pas de me dire ce que lui a expliqué son père. Mais qu’une des deux versions est insultante à mon égard, et absolument fausse. Quand l’autre est plus sympathique.

Je n’ajoute pas qu’elle est vraie. Elle est fausse aussi puisqu’il a dit qu’il n’y avait absolument rien avec la voisine. Je marche sur des œufs.

Que donc, si d’aventure la version de son père lui semblait bizarre et outrageante, il pouvait la considérer fausse.

Il me répond que son père ne lui a jamais dit que du bien de moi. Qu’il avait dit comme moi sur l’amour immense et le fait que tout allait bien entre nous.

Que la nuit qui a suivi cet événement, il n’a pas pu fermer l’œil tellement il était bouleversé.

Je suis hyper touchée.

Je verse ma larme.

Je lui dis à quel point savoir ce qu’il avait dit sur moi à l’époque – qu’il m’adorait et me voulait dans sa vie – m’avait portée, ces dernières semaines.

Nous n’entrons pas plus dans les détails, mais un immense poids s’ôte de ma poitrine.

Pendant ces six jours à la montagne, et alors qu’on dort au milieu d’un appart pas bien grand avec cinq enfants noctambules, on baise presque tous les soirs, ambiance festival des positions.

Moi qui ai toujours défendu ardemment l’idée qu’il ne fallait pas faire l’amour tous les jours, au risque de transformer la merveille en automatisme, je me retrouve à baliser sévère si mon mec n’amorce pas un mouvement lubrique en ma direction.

Je lui dis mi-hilare mi-amère que je n’oserai plus jamais de ma vie refuser une demande de sa part.
Je lui souffle en larme que même si je crevais du cul j’accepterais de me faire enculer cinquante fois par jour s’il le fallait.

Ouais, je suis plusieurs personnes dans la même journée. Parfois dans la même heure.

La meuf qui hallucine.
La meuf qui pleure.
La meuf qui gère.
La meuf qui conquiert.
La meuf qui subit.
La meuf qui pue le cul.
La meuf qui mène.
La meuf qui sombre.
La meuf qui se relève.
La meuf bombesque.
La meuf serpillère.
La meuf qui y croit.
La meuf qui a peur de ne jamais s’en remettre complètement.
Ou qu’il recommence.
À tromper ou à mentir.
La meuf qui le voit honteux, contrit, s’excusant.
La meuf qui est toujours en colère.
La meuf qui l’aime si fort.
Et qui parfois le déteste.

La meuf qui a aussi très peur qu’il la quitte.

Totalement perdue…

De retour à Paris, nous continuons de parler, parler, parler. Profitant de nos après-midis partagés (grâce à ma fameuse « nouvelle vie compliquée pour lui », soit dit en passant), nous cherchons, ensemble, à comprendre.

Et je reviens sur l’histoire des mecs. Qui a un peu été occultée par la violence de l’histoire de la meuf.

Je recommence l’inquisition, torture partagée.

Pas tous les jours H24, hein !

Mais à chaque fois que ça me submerge à nouveau.

Et ça arrive souvent.

Entre deux discussions cruelles, nous sommes vissés l’un à l’autre, fou amoureux, amants devant l’Éternel.

Mais le démon revient.

Alors… combien de mecs ? Depuis quand ? Le début ??? Pourquoi ? Comment ? Où ? Qui ?

Et j’en passe…

Mon mec, qui décortique aussi de son côté, autant que possible, me dit un jour qu’il ne m’a pas trompée les premières années.

Malgré les messages sur les forums, qui, de toutes les façons, n’aboutissent quasiment jamais.

Il date le début de la chute quand il a eu des problèmes de thunes, environ quatre ans auparavant. Puis le covid, et la mort de sa grand-mère chérie dans la foulée.

Il pleure.

« C’est là que tu as commencé à allez voir des gars ? Pour noyer ton chagrin ? »

Il sanglote.

Il m’émeut.

Depuis toujours.

Énormément.

« Mais moi, j’étais là, pour toi, R. Pour t’aider à affronter ce deuil. Pourquoi tu t’es éloigné de moi quand tu avais besoin d’amour…? Je ne comprends pas… »

Lui non plus…

Et puis ça s’est emballé. Et puis il y a eu A.

Je lui demande combien, quand.

Tarée.

Au final j’estime le truc à une bonne trentaine de coups.

Sans compter A.

Je lui demande ce qu’il aurait pensé s’il avait appris que j’avais eu un amant love-to-love-pas-de-poteka pendant six mois et que je m’étais en plus fait tringler par trente gars ?

Il admet qu’il l’aurait mal vécu.

Je lui demande comment il va gérer son prochain coup dur, la perte d’un de ses parents par exemple ? Est-ce que là aussi il va plonger dans le sombre océan ? Ou est-ce qu’il m’aidera à l’aider comme la femme éperdument amoureuse que je suis ?

Nous pleurons.

Je lui reparle de ses candidatures sur le site candauliste. Il me répète qu’il s’agit de jeux virtuels, que l’immense majorité de ces échanges n’aboutissent pas.

« Oui mais si le gars te dit de venir, tu y vas, non ?
– Pas forcément. Non je ne pense pas. »

Je suis sceptique.

« Et tous ces gars, alors ? C’est sur les sites de bites, ça se complimente en numérique, mais si y’a moyen tu cours ? On parle de plusieurs dizaines de plans quand même…
– Non, enfin oui. Ça dépend… Je sais pas. »

Et A., c’est parce que c’était elle ou c’est l’occasion qui a fait le larron ?

« Je te le redis, c’est la seule et unique meuf qui m’a dragué en dix ans, et j’ai cédé. »

Je fulmine.

« Mais quoi ? T’es une tainp’ ??! »

Il me regarde horrifié.

Je prends conscience de la violence de ce que je viens de dire.

Je me modère et précise : « Pardon. C’est pas une insulte, tu sais le bien que je pense des putes. Mais j’essaye de comprendre : dès que quelqu’un de pas trop dégueu toque à ta porte, tu plonges, c’est ça ?? »

Il réfute, comme il peut.

« Je te le redemande : A., elle t’a tapé dans l’œil au premier regard ou… n’importe quelle meuf t’aurait sollicité tu y serais allé ?
– Non, bien sûr que non, je n’y serais pas allé !
– Donc c’est bien que A. t’a plu ?! »

Quoi qu’il dise, il est coincé.

Nous le savons tous les deux et je me maudis de sombrer dans ce jeu cruel.

Et puis son putain de téléphone… Mon cerveau bugge dès que je vois son écran s’allumer, annonçant une notification.

Je stresse.

Un jour je pète les plombs sur le sujet, je lui explique que c’est devenu un objet de malheur pour moi, et que je ne veux plus jamais le sentir inquiet parce que mes mains s’en approchent.

Que je n’ai aucune envie de le fouiller, et que du coup ces réactions spontanées me blessent, me cassent les couilles, en plus de m’effrayer, maintenant.

De mon côté, à chaque fois que je reçois un message instagram d’un profil inconnu, j’ai un moment d’effroi…

Je fume comme jamais. Merci le THC.

Et nous faisons toujours autant l’amour.

Délicieusement.

Mais je panique, régulièrement.

Déjà il y a encore ces satanées images parasites. Infernales.

Et encore quelques orgasmes qui se transforment en sanglots, de mon côté. Ou qui aboutissent à un long silence, parce que tout me revient dans la gueule, juste après, parce que mon cerveau reprojette le film en slow motion, mes yeux dans le vague, ma bouche agitée de tics.

Mais, surtout, parfois, mon mec stoppe mes amorces de sexe piquant pour nous ramener dans notre train-train d’antan.

Un train-train qui me convenait parfaitement jusqu’alors. Mais dont je sais désormais qu’il peut malheureusement être un vecteur de grand danger.

À suivre…

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Une nuit là-bas


Previously…

En vrai, il y a certains points cités dans mon précédent billet que nous avons éclaircis plus tard, mais c’était plus simple à raconter comme ça. Par exemple « fade » devenu « routinier », je ne l’ai su que deux semaines après. Il y avait tellement à défricher… Cette discussion intense et tremblante a été le début d’une enfilade d’autres discussions provoquées au gré de mes mouvements intérieurs, des réactions à effet retard de mon cerveau choqué, de la plus ou moins mauvaise qualité de mes nuits. Au gré aussi de notre planning familial pas plus simple qu’avant la stupéfaction de découvrir que l’homme de ma vie avait été capable de me faire ça.

Oui, cette simple phrase – « Il a été capable de me faire tout ça ! » – suffit encore, parfois, à déclencher des larmes, comme si je n’avais pas encore digéré l’information.

Écrire ici fait partie de mon processus de réparation, comme on dit. Par exemple j’appréhendais beaucoup ce billet-là, mais je me sens considérablement allégée depuis que je l’ai pondu.

Comme si mon cerveau pouvait arrêter de se raconter encore et encore ses tourments dans leurs moindres détails, ceux-ci étant enfin gravés quelque part.

Car je ne pourrai pas oublier. D’ailleurs je ne le souhaite pas.

Mais j’envisage assez sérieusement, une fois ce récit achevé, d’aller me faire hypnotiser en demandant à ce qu’on enferme le tout dans une boîte cérébrale la plus petite possible, boîte dont j’aurais la clé pour si jamais… en espérant que jamais jamais jamais je n’aurai besoin d’aller la rouvrir.

Après cette discussion hardcore de retrouvailles-mise à plat de tout le bordel, nous allons nous coucher, épuisés.

Peau à peau, nous nous embrassons noyés sous nos larmes et, malgré l’heure avancée de la nuit, nous finissons par faire l’amour accrochés l’un à l’autre comme si nos vies en dépendaient.

Le lendemain, nous discutons, faisons l’amour, encore et encore. Du sexe plus intense, plus trash.

Il doit repartir dans sa banlieue et je ne le retrouverai a priori que le vendredi soir suivant.

Chez lui.

Nous dormons souvent là-bas quand nous partons en vacances tous les sept vers le sud, pour gagner une heure de route. Aussi car ça m’offre de rares occasions d’aller là où il vit. C’est assez loin de chez moi, franchement pas sur mes chemins quotidiens, et je suis une grosse casanière qui adore son quartier.

Je sais que, ces dernières années, je n’ai pas été assez souvent dormir dans son lit. Je l’ai compris quand je lui ai reproché de ne m’avoir jamais donné ses clés, les circonstances ayant conféré à ce qui était auparavant un détail une valeur désormais hautement symbolique. Il m’a tout de suite répondu qu’il ne me les avait jamais données car il ne pensait même pas que je les voulais. Soit dit sans reproche, je n’avais pas l’air d’être demandeuse de me rendre là-bas. Mais qu’il était plus qu’heureux à l’idée de m’en donner un jeu. Que ça l’émouvait.

Pendant ces dix ans, il ne m’a pas dit non plus qu’il aimerait que je vienne plus…

Maintenant je sais.

Et j’ai les clés.

Nous devons donc partir en vacances tous ensemble. C’est moi qui l’ai voulu, en plus. Mon mec n’a plus un rond – l’inflation, la crise, le prix de l’essence… –, et donc plus les moyens de s’offrir autant de plaisirs qu’avant, une semaine au ski, par exemple.

Mais moi je voulais trop qu’on reparte tous les sept à la montagne. Ça faisait longtemps que ça n’était pas arrivé, c’est une des rares joies communes à chacun d’entre nous, nos enfants grandissent, l’aîné de mes beaux-fils ne sera plus au lycée l’année prochaine… je me disais que c’était potentiellement la dernière fois avant longtemps.

Alors à l’automne, j’avais insisté de ouf pour qu’il me laisse tous les inviter.

Après les événements, même si je suis toujours heureuse d’embarquer tout mon petit monde sur les pistes, ça prend une autre tonalité.

On parle d’un bon gros billet dépensé – le ski pour sept, quoi… – et mon plaisir est, disons… sacrément atténué.

Et puis j’appréhende. La semaine avant, sans lui, encore une fois. Et la semaine à la montagne, censée être géniale mais où j’arriverai le cœur en miette.

J’ai heureusement réussi à me débarrasser de la plupart de mes pensées me laissant imaginer qu’il n’a en fait aucun sentiment pour moi et que je suis juste un gros canard qui élève sa fille, lui offre des vacances et lui permet de vivre la moitié du temps dans un chouette appart barbessois avec mini-terrasse.

Ce sont des idées qui m’ont hantées lors de la semaine « The Truman Show ».

Durant ces jours où nous sommes encore séparés, nous échangeons des sms amoureux, quotidiennement, comme depuis toujours : il me rassure autant qu’il peut sur ses sentiments puissants à mon égard, me dit et me redit que je ne suis pas en cause dans cette histoire.

Que certes, il a dit au tout début qu’il n’aurait rien contre quelques pipes supplémentaires, mais que ça n’était ni ça, ni une erreur que j’aurais faite, ni quoi que ce soit venant de ma part qui l’avait poussé à faire ça.

Il ne comprend pas ce qui lui a pris, dit-il a posteriori, mais il sait, aujourd’hui, et sans aucun doute, que ça n’est pas de ma faute.

J’ai du mal à m’en convaincre…

Évidemment, je me suis remise à le sucer bien plus souvent. Et je me réjouis de ces retrouvailles entre sa queue et ma gorge.

D’ailleurs si je le faisais moins, ça n’était pas juste par flemme. Mais j’y reviendrai.

Et donc le vendredi suivant, le 9 février, je suis censée retourner sur les lieux.

Le jour J arrive, et, le matin, j’envoie un message à Madame Bis.

A.

Lui disant en substance que je serai le soir-même tout près de chez elle, et que j’adorerais fumer une clope avec elle. Si elle le veut bien.

L’après-midi, je vois ma meilleure amie, la seule avec qui j’ai échangé depuis le début de la tempête, la seule au courant de ce que je traverse. Je me terre encore dans mon coin, incapable d’affronter le monde extérieur. Encore en train de tout décortiquer.

Je lui raconte où nous en sommes avec R., et mon message à la voisine.

Je suis dans un état un peu bizarre : mi traumatisée, mi réjouie par la montagne à venir, les retrouvailles avec mon mec, les vacances en famille, mi excitée-inquiète par la soirée qui m’attend.

Même si je n’ai pas eu de réponse.

Et même si ça fait trop de « mi ».

Je sais je l’ai déjà faite, celle-là…

Je l’aime bien quand même.

Ma pote me demande si je suis sûre que j’ai envie de parler avec cette meuf.

J’en suis absolument convaincue.

Je lui dois énormément.

Alors ma pote me dit que je suis folle mais… « incroyable et forte ».

En fin d’après-midi, j’embarque mes trois gosses dans le RER pour rejoindre mister R. et ses gars.

Joyeusement fébrile.

En tous les cas au départ.

Car plus nous nous rapprochons de sa ville, plus je sens ma fébrilité s’accentuer mais ma joie s’échapper.

Il nous attend à la gare, et nous emmène en voiture jusqu’à sa cité.

Devant l’immeuble, j’observe les fenêtres pour capter où sont celles de la voisine. Il y a de la lumière. Ma yeux scannent les alentours, tête qui se dévisse à 360°. J’espère l’apercevoir, même si je n’ai vu qu’une photo d’elle.

Rien.

Dans l’escalier, quand je passe devant sa porte, mon palpitant s’emballe et se resserre.

Puis nous arrivons au 4e étage, chez mon mec, et je comprends que ça va être compliqué.

Tout me fait penser à ça.

La cuisine, le canapé, la salle de bains… Même le palier, puisque je sais ce qu’il s’y est passé.

Je reste debout, incapable de poser un cul où que ce soit.

Mal à l’aise, de plus en plus.

Il le voit.

M’enlace de ses bras.

« Tu sais qu’on va être obligés de baiser partout où tu as baisé avec elle dans cet appartement ? Je veux retrouver mon territoire… »

Il sourit, mi chaud bouillant, mi circonspect.

Non je ne refais pas la blague des trois « mi ».

Point trop n’en faut.

Mon malaise ne diminue pas, j’ai l’impression d’être de trop.

Mon mec part acheter des pizzas pour le dîner, puis nous nous installons tous les sept à table pour les déguster.

Mon téléphone vibre.

C’est elle.

« Salut. Je négocie avec mon mec et je te dis pour la clope. »

Cool.

Elle veut bien fumer une clope avec moi.

Et elle a un mec !

Même si l’expérience a montré qu’être engagé et amoureux n’empêchait pas les gens de faire de la grosse merde.

Ça me rassure un peu quand même.

Je me dis bêtement que ça diminue peut-être les risques qu’ils remettent le couvert.

Je ne suis toujours pas hyper sereine.

C’est le problème avec le mensonge : après on ne sait plus, même quand le menteur en question dit en fait la stricte vérité.

J’ai déjà menti moi aussi. Je sais qu’un mensonge n’annule pas la véracité de toutes les vérités. Mais l’accumulation de mensonges, c’est un niveau au-dessus, pour le cœur et le cerveau.

Ça plonge littéralement dans la confusion.

Je lui demande de m’accorder le temps de terminer le dîner avec les gosses.

Et nous convenons de nous retrouver dix minutes plus tard, dans l’escalier.

Le fameux.

Je termine ma pizza la première et, alors que tout le monde est encore en train de manger, je sors de table laissant tout en plan, enfile mes chaussures et mon blouson et ouvre la porte d’entrée. Mon mec me regarde interrogatif.

« Tu vas où…? »

« Faire un tour », que je réponds.

Et je claque la porte.

Je me sens effervescente et, surtout, je me marre intérieurement à l’idée d’aller chiller avec cette meuf pendant que mon mec gère les mômes… comme il l’a fait lui-même pendant six mois alors que je trimais.

On trouve de la drôlerie où on peut.

On se voit, on se fait la bise, et on décide finalement de descendre fumer en bas de la barre d’immeuble.

Elle ne ressemble pas beaucoup à la photo que j’avais vue, les filtres c’est vraiment de la grosse arnaque.

Mais je suis très heureuse de pouvoir lui parler.

Je la remercie, encore et encore. Lui dis qu’elle fait désormais partie de ma vie à jamais. Par la force des choses. Qu’il y aura un avant et un après Madame Bis.

Elle me rebalance quelques infos pénibles à entendre, mais ça n’est finalement qu’une goutte de merde supplémentaire dans l’océan de merde qui m’engloutit depuis un mois.

Je lui raconte où j’en suis, mes discussions avec R., mes craintes encore présentes. Que je vais devoir baiser avec mon mec partout où elle a baisé avec mon mec.

« T’inquiète on n’a fait ça que dans le salon [où il dort] et dans la chambre de M. [son fils cadet]. »

On rigole.

Je lui dis que je suis désolée que mon mec lui ait fait de la peine.

Elle me rassure en me disant qu’il n’a pas eu le temps de lui en faire, qu’elle l’a lourdé avant, quand elle a senti qu’elle commençait à s’accrocher à lui.

Ça vient contredire les sms que j’avais trouvé dans le téléphone de R., où elle parlait de l’homme qu’elle aimait si fort et qu’elle devait oublier, mais je ne relève pas.

J’imagine aussi dans quelle confusion elle a dû être pendant tout ce temps.

Elle complimente mon look, puis me raconte les tromperies du père de ses enfants et les réactions qu’elle a eu en face, hilare.

On rit beaucoup. On fume une deuxième puis une troisième clope. Au final on passe quasi 40 minutes ensemble.

Elle me pousse encore à me battre pour reconstruire mon couple et ma famille, me rappelle qu’il m’aime, même s’il a déconné. Me promet qu’elle n’a plus aucune envie de lui, qu’elle me préviendra si elle voit quelque chose de louche par ici quand il est là sans moi.

Je la serre fort dans mes bras avec la franche impression de niquer sa mère au destin en ne tombant pas dans la facilité, celle qui consisterait à honnir la maîtresse et à la considérer comme la coupable ultime.

Et je remonte, guillerette, chez mon mec.

Il est en train de terminer de débarrasser la table et me demande : « Ça va ?? T’étais où…? »

« En bonne compagnie. »

Il comprend tout de suite – je pense qu’il a compris à la seconde où j’ai franchi la porte pour rejoindre A.

Cette rencontre m’a plongée dans un état un peu euphorique, première fois que je sens des pulsations agréables en moi depuis plusieurs semaines.

Je me marre à nouveau en repensant à notre discussion. Mon mec n’a pas l’air très à l’aise, mais ne me reproche rien.

Il sait.

D’ailleurs il me le dit : « C’est du toi tout craché. Moi je n’aurais jamais eu envie de faire un truc pareil, mais toi, c’est tellement qui tu es ! Et même si ça me gratte un peu, si tu en as besoin pour te réparer du mal que je t’ai fait, ne t’en prive pas ! Tout est supportable tant que ça t’aide à guérir. »

Une fois les enfants entassés dans leurs chambres – ils sont trop grands, maintenant, pour que nous puissions attendre qu’ils s’endorment –, nous déplions le canapé-lit pour s’y faufiler, et on baise dur.

Pas trop longtemps, rapport que le salon n’est évidemment pas fermé à clé – ces gosses sont cependant tellement aspirés par leurs écrans respectifs que le risque n’est pas si grand.

Mais super efficacement.

C’est pénible à admettre, mais ce genre de merdier décuple les joies du sexe, si on s’aime et se désire fort.

Il décuple aussi les pensées parasites pendant le sexe, ce qui est bien moins joyeux et parfois même un sacré obstacle à franchir pour atteindre le graal, mais réjouissons-nous de cette folie retrouvée, à nouveau pimentée.

Après notre orgasme partagé, je vois un message d’A. sur mon téléphone.

« Tu dors ? »

Je réponds.

« Non pourquoi ?
– Je viens de baiser avec mon mec mais il m’a reprochée d’avoir l’air ailleurs. C’est vrai. Ça m’a perturbée de te voir.
– Oh mince… Pas en trop mal j’espère ?
– Non, au contraire…
– Ah cool ! Moi ça m’a fait du bien de te voir, tu sais. Je l’ai même dit à R.
– C’est normal que j’ai envie de te pécho ? »

J’éclate de rire.

Elle m’avait dit qu’elle était bi, mais celle-là, je ne m’y attendais pas !

R. me demande avec qui je discute, je reste vague.

Elle me dit qu’elle me trouve mille fois plus belle et sexy en vrai qu’en photo.

« Oh merci, A… Tu n’imagines pas comme je me suis trouvée vieille et cheum et pas désirable, ces derniers temps… »

C’est peu de le dire.

« N’importe quoi. Tu es à croquer de ouf. Je crois que je suis plus lesbienne que bi, en vrai… Si je te dis que j’ai envie de t’embrasser, tu le prends comment ? »

Je lui réponds que je reste sans voix devant cette ironie du destin.

J’ajoute un smiley qui rit avec une petite goutte de sueur sur le front.

« Tu n’es pas si joueuse que ça, en fait… »

Je rigole encore et lui réponds que je suis un ange, comme je lui ai dit. Que je ne consomme pas le sexe, que je communie.

« Tu ne veux pas communier avec moi ?
– Nan mais ça serait fou ! Tu imagines…??? Je suis touchée par ta proposition, néanmoins…
– Tu vas me laisser sur mon envie de t’embrasser ?
– Que faire d’autre, ma belle ??
– Je sais même pas pourquoi ce bâtard t’a trompée, t’es juste à croquer. Vient m’embrasser !
– Je ne vais pas le faire, A., tu le sais bien…
– Pourquoi ?
– Parce que je suis hétéro à 153%, déjà… Parce que je veux rester recta et reconstruire mon couple, comme tu me le conseilles toi-même.
– T’es hétéro parce que tu n’as jamais couché avec moi ! Ce fils de pute ne te mérite pas, tu peux t’amuser autant que lui.
– Pour l’instant je vais rester sur ma ligne, et j’espère profondément que tu ne m’en voudras pas.
– Pour le remercier, ce gros bâtard, tu devrais me faire un bisou rien qu’à moi.
– Ha ha, y’a du vrai. Alors promis, si un jour je veux embrasser une fille, ça sera toi ! »

Avec un smiley hilare.

« Pfff… T’es nulle.
– Moi aussi, je t’aime, A. »

Toujours avec mes smileys mort de rire.

« Non, tu ne m’aimes pas. Mais R., lui, m’aime ! »

Je ne réagis pas à ce message.

Elle poursuit : « Désolée c’était une pique pour te faire réagir…
– Ha ha, allez, il est l’heure, bonne nuit meuf.
– La meuf n’est pas satisfaite. J’ai encore l’image de ta tête en face de moi, j’aurais dû t’encaper direct. »

Elle insiste encore, je persiste à refuser tout en restant gentille.

Je finis par lui dire que je vais éteindre mon téléphone et aller dormir : nous nous réveillons tôt demain pour s’arracher vers les cimes enneigées.

Et je coupe, amusée mais encore plus troublée par ce nouveau revirement.

À suivre…

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… et jusqu’à la tempête

Previously…

Je suis sous le choc.

En pilotage automatique, je pars récupérer ma fille et m’occupe d’elle jusqu’au soir, sourire flou aux lèvres, tâchant tant bien que mal de camoufler mon état.

Puis, incapable de parler, je m’assois sur mon canapé, enchaîne les joints, yeux grands ouverts, immobile.

Une statue.

R. et moi ne nous appelons pas ce soir. Çe me tourmente mais m’arrange aussi : je m’en sens bien incapable.

Nous échangeons des mots d’amour par écrit, il s’excuse à nouveau du mal causé, honteux.

Dans la nuit, ma fille fait pipi au lit. Ça n’est pas arrivé depuis des années.

Elle me raconte son cauchemar : « Papa et moi on était sur une plage à New York, perdus. Il y avait d’immenses grues partout qui creusaient d’énormes trous dans la mer. J’ai grimpé à un arbre pour voir si je voyais la grue qui est à côté de chez toi à cause des travaux dans la rue et j’ai demandé à papa de t’appeler pour que tu viennes nous chercher. On paniquait et je criais à papa ‘Appelle maman, appelle maman !’ Et je me suis réveillée. »

… … … … … …

Elle se rendort dans mon lit, moi non. Puis se réveille en larmes, épuisée par sa nuit.

Je décide de la garder avec moi la matinée, annule mon cours de yoga.

Je ne sais même pas comment j’aurais été en mesure de le donner…

L’après-midi, j’ai un rdv chez le médecin prévu de longue date. Je lui demande une ordonnance pour des analyses sanguines, évidemment.

Toutes les putain de MST possibles.

Voyant mon état, il me prescrit deux types de cachetons. Je n’achète qu’une des deux boîtes, celle pour les crises d’angoisse diurnes… et je n’en prends aucun.

Les savoir là, à portée de main, me suffit. Je ne veux vraiment pas les avaler.

Autant que possible.

Le soir nous nous appelons et il me sent plus renfermée que nos derniers moments passés ensemble, durant lesquels je semblais commencer à aller mieux. Là, il voit ma petite mine, amère…

Je ne veux pas lui dire ce que je sais.

Je veux le cueillir à son retour et lui laisser une dernière chance de me dire toute la vérité.

J’ai fait promettre à Madame Bis, comme je l’ai appelée dans mon répertoire, de ne pas le prévenir de notre discussion.

Alors je me cache derrière sa lettre, qui m’a autant émue qu’elle m’a vénère. Je lui glisse qu’apparemment nous allons devoir encore discuter, lui et moi. Notamment de l’ex et des 95%.

Je reste vague.

Il accepte sans hésitation. « Nous rediscuterons de tout ce que tu veux. Tout ce qui est nécessaire pour te réparer et reconstruire notre trop chanmé histoire d’amour. Je t’aime. Je t’aime, R. Je t’aime. »

Incapable d’avaler quoi que ce soit, je me tape plusieurs crises de tremblements. J’ai l’impression d’avoir une poutre dans la gorge, et pas dans le bon sens du terme.

Je textote un ami, il s’arrange pour passer. Je prends soin de lui préciser que je ne serai pas en mesure de prononcer un seul mot sur le sujet qui me tourmente. Mais que je crois bien que j’ai besoin d’une épaule masculine pour pleurer.

Je suis saisie d’effroi à l’idée que mon mec en déduise que j’ai couché avec lui… Oui car c’est arrivé, parfois, il y a longtemps. Bien avant mon histoire avec R.

Et apparemment il pense que je passe ma vie à baiser avec d’autres.

Je panique.

La meuf est cocue jusqu’à la moelle mais s’inquiète de l’éventuelle jalousie infondée de son mec…

N’importe quoi…

C’est pourtant une peur tenace.

Peut-être ne sait-il pas à quel point je l’aime, à quel point je l’ai dans la peau, malgré mes innombrables déclarations ?

Je fume à en crever.

Et tout ce que j’ai envie de lui dire tourne en boucle dans ma tête.

Mon amour, ma colère, ma déception, ma haine, mon désir, mon incompréhension…

Et toutes ces questions… J’en ai tellement à lui poser !

Alors je commence à écrire une longue lettre.

Pendant quatre jours, les phrases jaillissent à toutes heures du jour et de la nuit, et je les note scrupuleusement sur mon téléphone pour mieux les ordonner ensuite.

Douze pages.

J’aurais aimé atteindre les eighteen pages, front and back, pour ceux qui ont la réf, mais douze pages c’est déjà long.

A. et moi continuons d’échanger parfois. Des nouvelles preuves crève-cœur, mais aussi des mots de soutien.

Je la remercie à chaque fois. De ne pas m’avoir fermé la porte, et de sa gentillesse dans ses messages : elle me tartine de compliments, me pousse à tout faire pour passer outre tout ça, à me battre pour mon homme, mon couple, ma famille.

Je lui dis que j’espère la voir un jour, la prendre dans mes bras.

« Pourquoi, tu veux qu’on se compare…?? Ma phobie ! »

Rien à voir ! On n’a pas le même âge, pas le même genre. On est trop différentes pour que j’ai même pensé à me comparer à elle.

« Ah je sais pourquoi tu veux me voir : pour me brûler vive ?!! »

J’éclate de rire… ça fait un peu de bien.

Je lui explique que la serrer dans mes bras serait pour moi une façon de tordre le cou au destin. Au même titre que mes cauchemars de bastons avec Da Cruz se terminaient majoritairement en explications saines et apaisées, pour finalement que nous tombions dans les bras l’une de l’autre, amies à jamais.

Encore une fois : pour survivre à ce monde de merde, j’ai besoin que les choses se terminent bien.

Les nuits sont courtes, toujours. Et je ne mange plus depuis quelques jours.

Lors d’un appel en visio, alors qu’il me dit être seul dans l’appart qu’il partage avec deux collègues – la troupe étant partie faire un karaoké –, j’entends, au moment où nous nous disons amoureusement au revoir après un échange plutôt positif et apaisé, une sonnerie de téléphone.

D’un autre téléphone.

Je me décompose mais raccroche l’air de rien.

Et je pars en vrille dans ma tête.

Il est avec une meuf, et il va la baiser.

For. Cé. Ment.

Après quelques minutes de panique, je lui renvoie un message.

Il me rappelle inquiet.

Me rassure en filmant ostensiblement ses deux collègues entre-temps revenus, qui me saluent.

Je meurs de honte…

Passer pour cette meuf maladivement jalouse…

Évidemment les collègues n’ont pas le contexte !

Je me déteste.

Je lui en veux terriblement.

Je lui envoie un dernier message : « Je ne veux PLUS JAMAIS être cette meuf-là. »

Il me demande pardon.

Je me torture.

Et du coup je le torture.

Sans lui vouloir du mal.

Mais en lui en faisant.

Il a réussi à transformer une nana détente, pas jalouse, à l’aise avec un mode de vie atypique et le jardin secret de son amoureux… en une psychopathe tarée qui surinterprète tous azimuts le moindre détail, traumatisée.

Ma fille a un nouvel accident nocturne. Deux fois en cinq nuits.

Et les jours s’écoulent lentement jusqu’au jeudi soir.

R. arrive vers 20h, et moi vers 21h après un cours à donner.

La veille je lui ai proposé une soirée de retrouvailles normale, comme si rien ne s’était passé.

Et de consacrer notre journée de vendredi à nous retrouver dans la vraie vie : celle où il s’est passé quelque chose. Un putain de cataclysme.

Je fume deux pétards avant de franchir le seuil de chez moi, tétanisée, fébrile à l’idée de le retrouver.

Je ne sais plus si je connais « le ».

Qui êtes-vous Monsieur R. ?

Nous nous embrassons, un peu gauches, puis je vais coucher ma fille qui me demande pourquoi je tremblote.

Le froid sur le scooter, bien sûr.

Je rejoins mon homme dans la cuisine. Il m’enlace, ressent mon chaos intérieur.

« Finalement je ne sais pas si je vais réussir à passer une soirée normale… », lui dis-je d’un filet de voix.

Il sourit, penaud.

« Tu veux faire l’amour puis parler ? Parler puis faire l’amour ? Parler ? Ou faire l’amour ? »

Je ne sais plus comment je dois me comporter.

« Je vois comment tu trembles, je pense que le mieux c’est de parler, non ? »

Je crois aussi…

Il sait que j’ai écrit ma longue lettre et qu’elle servira de support de discussion.

De ligne directrice.

Il y a teeellllllleeeeeeeemeeeeeent d’infos !

Nous nous asseyons sur le canapé, j’allume un joint.

J’aspire la fumée comme une condamnée.

La recrache.

Prends une inspiration la plus profonde possible.

Expire comme si je devais sauter en parachute, pour me donner du courage, de la consistance.

Je commence à lire.

Mes mains font des bonds, secouant les feuilles comme si j’avais parkinson.

Il pose sa main sur moi pour essayer de contenir mes tremblements.

Les trois premières pages sont une réponse à sa lettre.

Je lui fais part de tout ce qui m’a heurtée.

De tout ce qui m’a plu, aussi.

Je lui re-re-re-re-re…-re-explique l’histoire de l’ex, mes motivations, l’absence de conséquences négatives, bien au contraire. M’agace qu’il n’ait toujours rien compris alors qu’il m’a dit plusieurs fois, notamment ces derniers mois, que je lui avais ouvert les yeux sur le sujet et qu’il m’en remerciait. Que c’était grâce à mon point de vue sur les rapports possiblement courtois voire amicaux entre ex qu’il pouvait aujourd’hui avoir une relation apaisée avec la mère de ses fils… Je lui redis mon immense amour pour lui, mon désir ardent. Que je ne couche avec absolument personne d’autre que lui. Qu’il doit me croire sinon il recommencera en s’appuyant sur des faits fantasmés.

Puis la quatrième page. La seconde et dernière partie de la lettre. La plus longue.

« On rentre dans le dur », lui dis-je…

« Peux-tu, une fois pour toutes, me dire la vérité. Stricte. Sur tout. »

Et pour lui éviter de faire une connerie, je le préviens dans la foulée que j’ai la vraie version.

Je l’implore, pour notre couple.

J’ai besoin d’entendre la vérité sortir de sa bouche, pour redonner de la valeur à sa parole.

Pour t’éviter encore plus de détails (dont je ne suis peut-être pas assez avare, mais… le diable s’y niche, et pour appréhender la situation dans son ensemble, avec toutes ses nuances de gris, ils sont parfois importants), je vais seulement écrire sur ce qu’il réfute ou tempère. Le reste de la cartouche du siècle est vrai.

– Il ne l’a jamais draguée. Il a juste été courtois dans l’escalier, souriant, comme avec tous ses voisins. C’est elle qui a provoqué des prétextes de rencontre, colis à récupérer, besoin de sucre, puis proposé le café, chez lui. C’est aussi elle qui l’a embrassé. Mode offensif. Il admet la baise directe, et sans capote.

Ce point là me semble tellement dingue. Lui le gros routard du cul.

Et c’est tellement irrespectueux.

– Il m’assure qu’ils ont mis des capotes bien plus que deux fois.

Oui, mais bien moins qu’à chaque putain de fois, donc ça ne change rien.

Il le concède, contrit.

– Il a toujours dit, dès le début, qu’il m’aimait, qu’il ne me quitterait pas. Et il n’a jamais dit que le sexe était « fade » avec moi, car il ne l’a jamais pensé. C’est parce qu’elle le harcelait de questions qu’il a fini par dire « routinier ».

Ah !

Rien à voir.

Je le disais moi-même. On en parlait souvent, s’enorgueillissant (en tous les cas moi) d’avoir une sexualité certes routinière – les gosses, le taf, la fatigue, la vie séparée, toussa toussa – mais fantastique.

Ça m’ôte un poids.

– Il n’a pas été dormir chez elle deux nuits par semaine pendant six mois. Ça a pu arriver parfois, mais pas autant qu’elle ne le prétend.

Je lui demande si sa mère le couvrait, lors de ces moments. Il répond qu’elle n’est au courant de rien. Il prétendait que c’était plus simple pour le travail.

Il pense que son frère n’a pas capté que A. était sa maîtresse, quand ils se sont croisés au concert de septembre. Admet que son pote, par contre, oui, lors du deuxième concert, en décembre.

Il me réaffirme que de son côté il n’a jamais eu aucun sentiment amoureux pour cette meuf. Que l’histoire de cul pas claire – à cause de lui il en convient – s’est peut-être étalée sur six mois, mais avec des coupures, peu de régularité. Que ça n’était pas du tout aussi quotidien que ça en a l’air.

– Concernant la scène dans l’escalier, il n’a jamais, mais JAMAIS, donné à ses enfants la version qu’elle prétend. Il n’aurait jamais pu faire ça, ni à moi ni à eux. Il a donné la version qu’il m’a expliquée dès le début de notre crise : la voisine a voulu le pécho mais il ne s’est rien passé, je suis la femme de sa vie et nous nous aimons follement. Et il ne s’est jamais plaint de mes enfants auprès d’elle, en tous les cas pas comme ça sonne quand elle me le raconte.
– Elle ne l’a pas « quitté ». Il réfute fermement ce point. Elle est partie, comprenant qu’elle n’aurait rien de plus. Et il n’a pas été la rechercher, c’est elle qui est revenue d’elle-même. Et c’est elle, encore une fois, qui a attaqué au tout début, même s’il admet n’avoir pas cherché à résister.

Il concède avoir très mal agi en entretenant un simulacre d’amour avec elle.

Sans le point commun sur la perte d’un être cher dans un accident de voiture, il n’y aurait pas eu ce truc, probablement.

Enfin pas sûr. Au moment du premier-café-première-baise-sans-capote, ils n’avaient pas encore abordé le sujet… Or « que du cul », c’est avec capote, quand on est un grand garçon, responsable et respectueux.

Je pense quand même que cette douleur commune a fortement joué dans le rapprochement émotionnel entre les deux.

Quoi qu’il en dise…

Il ne sait pas pourquoi il a menti sur le sujet.

Il encaisse mes innombrables questions sur les captures d’écran que j’ai reçu.

Lucide.

– Les massages avec finitions manuelles en compagnie des collègues, c’était il y a longtemps, avant d’être avec moi. Il le promet.

Je ris jaune : c’est vraiment pas le pire. Même si je me réjouis que ça soit du passé.

Si c’est vrai.

– Il ne se souvient pas avoir prétendu que nous fréquentions des clubs échangistes… et promet qu’il n’a jamais laissé entendre que j’avais réclamé des plans à trois, encore moins qu’il s’y était forcé.

Il me redit que, sans vouloir la charger outre mesure, elle picole vraiment, qu’elle buvait à chaque rendez-vous avec lui et que donc elle a aussi entendu ce qu’elle a bien voulu entendre. Ça doit être bien flou dans sa tête car il ne comprend pas du tout certaines de ses affirmations.

Comment savoir…

Je lui demande s’il y a eu d’autres histoires, avec d’autres meufs.

Il m’assure que non, que personne ne l’a dragué pendant neuf ans jusqu’à elle. Il n’y a eu qu’elle et quelques mecs, parfois.

– Les griffures, il ne lui a pas demandé. C’est elle qui a pris l’initiative…

Je lui réponds que ça n’est pas cette partie-là de l’histoire qui m’a tuée, mais bien qu’il se soit foutu ouvertement de ma crédulité face à elle.

Il tente de m’expliquer que non, ça n’était pas de cet ordre-là…

Peut-être, mais l’humiliation est cruelle.

– Il m’appelait « la mère de sa fille » car il ne voulait pas mélanger. Il voulait préserver sa vie précieuse avec moi sans laisser ne serait-ce qu’un millimètre de porosité entre elle et… l’autre partie de ce bout de sa vie.

Raté.

Bien raté.

Tout le long de ma lettre je lui pose les trois questions fondamentales.

Est-ce que tu m’aimes fort ?
Est-ce que tu me désires fort ?
Est-ce que tu veux être avec moi encore pour longtemps ?

Il répond sans sourciller à chaque fois.

Oui. Plus que fort.
Oui, je n’ai jamais cessé de te désirer.
Oui, je veux mourir dans tes bras.

Nous pleurons.

Je suis toujours secouée de soubresauts intempestifs.

Repense à cette phrase de ma fille : « Je t’aime jusqu’au bleu du ciel et jusqu’à la tempête. »

Tellement appropriée…

Je lui demande quel contrat il souhaite, avec moi, à partir de maintenant ?

« Le même. Exactement le même.
– Oui mais en le respectant ? Absolument ?
– Oui, c’est ce que je veux, si tu en es d’accord… »

Je lui dis qu’il m’a condamnée au venin du doute permanent, que la confiance va être difficile à restaurer.

Il l’imagine bien. Ça le tétanise mais il est prêt à faire tout ce qui est son pouvoir pour me montrer que je peux dorénavant le croire sur tout. Plus jamais il ne souhaite me faire tant de mal.

Alors je lui propose d’ajouter une clause et demie à notre contrat.

La première : je ne supporterai plus aucun mensonge prononcé ou écrit. Ça n’est pas une menace, c’est une certitude.

Même si j’arrive à retrouver foi en mon amoureux, je ne me remettrai pas d’un reviens-y.

Il promet.

Je précise que ça veut dire que si je lui pose une question, il doit me dire la vérité même si c’est pour avouer un truc pas reluisant.

Il jure.

Et la demie clause…

« J’aimerais que tu évites plutôt les meufs. L’expérience a montré qu’à la première qui se présente, ça se transforme en une histoire de six mois, avec mots d’amour et gros mytho. Alors si tu peux te cantonner aux mecs, c’est ptet plus sûr… »

Écrasé par la culpabilité, il me dit qu’il accepte ces deux clauses sans hésiter.

À suivre…

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The Truman Show

… ou les bombes atomik.

Previously…

Je marche sur des œufs…

« Merci pour ta réponse… J’aimerais que nous discutions de façon bienveillante , sans attaque. À bien des égards, il me semble que R. n’a pas été correct avec toi comme il ne l’a pas été avec moi. »

En tous les cas c’est ce que j’ai compris de ce qu’il m’a dit.

« Je ne suis pas d’accord avec toi. Il a été correct vu que tu m’as confirmé qu’il avait le droit. Et tu m’as dit l’autre fois que si je te disais les choses, ça allait tout arranger entre vous. Donc pourquoi vouloir parler de ça ? Ça va juste te faire du mal… Jure-moi que si je te parle de vive voix tu ne le quitteras pas et tu continueras à vivre votre belle histoire d’amour.
– Il a largement outrepassé le contrat que nous avions, et pas en couchant avec toi : effectivement, sur ce point précis, il avait le droit. Je veux en parler avec toi car ta version me manque. J’aime ce mec profondément et je suis bouleversée par la situation qu’il me fait vivre. Nous discutons depuis deux semaines, beaucoup, et je n’ai toujours aucune envie de le quitter. Mais j’ai besoin d’avoir ta version des faits. Pour justement repartir sur des bases saines. Il reste des zones floues et elles me rendent littéralement folle, parfois. Elles me font souffrir. Je voudrais les dissiper. Je préfère tout savoir qu’imaginer. Et je te jure que ça augmente considérablement nos chances que la plaie se referme, et donc que nous vivions heureux ensemble. Une part de moi te remercie d’ailleurs chaleureusement : même si ces quinze jours ont été hardcore, je te dois d’avoir forcé R. à se montrer tel qu’il est.
– Il est avec toi, là ?
– Non, justement…
– OK, j’accepte de parler mais uniquement tous les trois. Comme ça personne ne pourra mentir, et ça me permettra de voir son vrai visage, aussi. Vous m’appelez en haut-parleur et on classera l’affaire une bonne fois pour toute.
– J’ai aussi pensé à cette option. Je t’en propose une autre, qui ne l’exclût pas : on se parle d’abord toi et moi, on compare les versions, et si elles diffèrent, on fait l’appel à trois.
– Nos versions seront différentes, je le sais déjà. Après si tu es prête à tout savoir, je te dirai tout, preuves à l’appui – photos, messages, vidéos…
– Il m’a dit pas mal de trucs, potentiellement les deux versions concordent… ou pas. Mais je suis prête et je te le demande humblement : s’il te plait, dis-moi tout.
– OK, appelez-moi quand vous êtes ensemble. »

Je lui explique qu’il ne revient pas avant jeudi soir, et que j’aimerais qu’on parle elle et moi avant.

Elle refuse, elle n’a pas envie qu’il pense qu’elle « essaie de foutre la merde ». Promet qu’elle sera transparente et dira tout lors de la confrontation.

« Arf, je vais passer cinq jours hardcore… C’est bien sûr ton droit de refuser, mais sache que mon idée n’est pas du tout de te mettre dans la sauce. C’est lui qui a foutu la merde à tous les niveaux. Et moi, depuis ton message, je meurs de l’intérieur à me triturer le cerveau pour savoir si sa dernière version est la vraie. C’est le gros mytho, qui me tue. Plus que votre histoire. Et pour espérer repartir du bon pied, je dois être convaincue. Alors je te le redemande. S’il te plait. »

Elle finit par accepter qu’on se téléphone. Je dois déposer ma fille au cirque à 14h15, rendez-vous pris à 14h20.

Je grelotte autant que j’ai l’impression de flotter, comme si je n’avais plus de consistance.

Deux heures plus tard, je compose son numéro, fébrile.

Et alors que nous discutons pendant pas moins de 78 minutes, le sol se dérobe sous mes pieds…

Je suis comme pétrifiée sous une pluie de minuscules éclats de verre qui viennent se loger un à un dans ma peau. Qui, à chaque impact, m’enfoncent un peu plus dans le désespoir.

Je suis littéralement choquée.

Quand je raccroche, je ne peux plus parler, je ne peux même plus réfléchir.

Le cerveau BLANC.

Il m’a encore menti…

On arrive maintenant à la partie la plus douloureuse à écrire. J’en tremble à nouveau.

Voilà la version de A. Elle me plonge dans un abîme de tristesse et de confusion, mais elle est limpide. Et donc crédible.

Elle éclaire tellement de choses de ces huit derniers mois…

En vrac :

– C’est lui qui l’a draguée dans l’escalier, à base de gros sourires et de petits clins d’œil.
– Il y a eu services entre voisins, échange de 06, puis un premier café.
– Qui a basculé en première baise.
– Sans capote.

Premier café, première baise, sans capote !

Une phrase qui résonne depuis quotidiennement dans ma tête.

– « T’inquiète, j’ai eu une vasectomie, je ne peux plus faire d’enfants », lui a-t-il dit.
– Du coup six mois de baises sans capote, sauf deux fois. Une fois car elle avait ses règles, il est donc passé par ailleurs. Une autre fois après le mariage où nous sommes allés tous les deux en septembre car « il lui a dit que nous avions couché ensemble dans le week-end ».

… … … … !!!

– Il lui a dit que nous étions dans une relation ouverte et que je passais ma vie à baiser avec mon fameux ex. Et que donc ils ne faisaient rien de mal, j’étais pire. Une grosse folle du cul. Sauf avec lui. Un jour où elle était tombée sur des photos de moi en train de faire des postures d’équilibre et de souplesse, elle lui avait dit que ça devait être génial, le sexe, avec moi. Il avait répondu que non, c’était plutôt… fade.

Fade.

FADE.

Ça me pulvérise.

– A. est très croyante et donc n’arrêtait pas de parler de ses peurs de finir en enfer. Il la rassurait en disant que je ne me privais pas, qu’en ce moment même, peut-être, j’étais en train de me faire déglinguer par un autre.
– Il descendait la voir, enfin t’as compris, chez elle quand ses fils étaient couchés, contrairement à ce qu’il m’a prétendu. Il faisait même régulièrement garder ses gosses – y compris ma fille quand elle y passait le week-end – par sa mère pour dormir avec elle, deux fois par semaine minimum.

Et moi qui culpabilisais de le laisser quelques jours seul pour aller surfer ou randonner avec des amis. Week-end où, bien qu’à chaque fois convié, il préférait ne pas venir, peu intéressé.

Tu m’étonnes…

– Il y a évidemment eu des grasses mat’, il lui a même promis un week-end… qui n’est jamais arrivé. Il lui laissait ses T-shirts sales en doudou…

Ça a l’air tellement quotidien…

– Et puis cette scène dans l’escalier, où ils se font griller par mes beaux-fils. C’était en juillet, pas en décembre. Elle était sur le point de le sucer.
– Après coup, R. lui a raconté avoir expliqué à ses enfants que lui et moi étions dans une relation libre, que moi-même je couchais avec plein d’autres hommes, qu’il n’y avait aucun problème et qu’il leur souhaitait de vivre ce qu’il était en train de vivre avec A.

J’ai carrément le souffle coupé.

Comment a-t-il pu dire ça à ses enfants !!!

Mon monde s’effondre.

En parlant d’enfants, ça faisait quelques mois que je lui exprimais régulièrement mon impression que les miens le saoulaient. À chaque fois il me répondait que pas du tout, enfin pas plus que ses propres mômes, ce sont juste tous des ados aussi pénibles que peuvent l’être des ados, mais j’aime tes fils et il n’y a aucun doute là-dessus.

Sauf que…

– Un week-end de novembre où j’étais partie seule faire du surf, pour me reposer – si j’avais su ! –, et où il devait me rejoindre avec nos quatre garçons et des potes à nous, elle me raconte qu’il s’était fortement agacé de devoir sacrifier une nuit avec elle à cause de ses beaux-fils qui avaient oublié leurs clés.

Coup de poignard…

– Il lui a donc offert une soirée massage à l’huile nus, pour se faire pardonner.

Comme les massages qu’il me prodigue régulièrement… qui prennent une toute autre teinte, d’un coup.

– C’était juste après qu’elle l’a quitté une première fois. Après nos vacances en Corse, elle s’était plaint d’avoir reçu trop peu de nouvelles, avait dit qu’elle ne croyait pas à cette histoire de couple libre. Elle avait trouvé un autre mec, mais R. était venu la rechercher : œillades de balcon, petits messages. Du coup elle était revenue vers lui, ils avaient pleuré ensemble, il lui avait même écrit une lettre d’amour.

Chaud…

Je comprends mieux pourquoi on n’a baisé que trois fois en trois semaines de vacances, l’été dernier, ce qui était absolument inédit. Il avait brandi l’argument des enfants-qui-pourraient-nous-griller…

La blague.

– Après ça, il a accepté d’être plus présent : les semaines qu’il partageait avec moi, il lui envoyait des messages de bonjour, bisous, bonne nuit, je t’aime, j’ai envie de te dévorer, atomik A.

Tout pareil qu’à moi…

Jusqu’à « Atomik R. »

Je reçois des dizaines de captures d’écran des messages de R. Les petits surnoms – qu’il me donne aussi – , les photos de lui, d’eux, tellement filtrées que je ne reconnais pas mon mec (son visage à elle est flouté). Même une de lui dans mon lit, mon chat dans les bras, assortie d’un message promettant qu’hormis ce petit tigre il ne fait de câlin à personne en l’absence de A.

Une photo que j’avais aussi reçue de mon côté.

Avec un message différent, of course.

Une vidéo de lui, sexy, sous la douche.

Jamais eu droit à ça…

– Ils ont été à deux concerts ensemble : un début septembre, juste après notre retour, où était aussi le frère de R. – « c’est la meuf d’un pote », avait-il dit… j’imagine un petit sourire en coin aux lèvres – ; un autre début décembre, à un moment où je bossais comme un chien, sans aucun jour off pendant des semaines… Avec un pote de R. Devant lequel il ne s’est pas caché. Au point que le pote l’a taquiné en prononçant mon prénom devant eux. R. a rigolé puis a tiré A. un peu plus loin pour aller danser collé-serré.
– Ils se sont promis de rester ensemble jusqu’à leurs 153 ans, qu’ils iraient au bout du monde si elle devenait millionnaire… Elle a carrément écrit un petit livre, sur lui. Tellement elle pensait que c’était, je cite, « sa flamme jumelle ». Vu qu’ils avaient tous les deux perdu leur frère dans un accident de voiture…

Je bugge…

« Euuuuh… désolée, A. Mais… C’est pas son frère qui est mort… Ça reste le drame de sa vie, mais… c’est pas son frère. C’est son meilleur ami. »

Elle crie.

Et moi je n’en reviens pas.

Il a menti sur la plus grosse blessure de son existence. Alors que ça n’était pas nécessaire : perdre son meilleur ami est tout aussi poignant…

Le mec est totalement FISSURÉ.

Bêtement, une part de moi s’agrippe à cette idée que s’il a été capable de lui mentir là-dessus, alors les mots d’amour qu’il lui a envoyés sont peut-être effectivement du gros mytho…

Ça reste nazissime, mais la blessure narcissique pourrait en être un tout petit peu atténuée…

Même si c’est complètement débile.

En vrai, je n’arrive même plus à faire le tri dans toutes les informations que je reçois…

Je n’arrive pas à savoir si je viens de passer dix ans avec un mec aussi fou amoureux de moi qu’il l’a toujours prétendu mais complètement perdu et qui a vrillé les dernières années… ou si cette décennie n’était qu’une vaste fumisterie, une mascarade faisant de moi la grosse bouffonne d’un petit malin.

– Il n’a jamais débandé avec elle – il m’avait assuré le contraire, mais on n’en est plus là ! –, bien au contraire. Full sex, elle savait tout de son histoire, les mecs, les trans, les massages avec finitions manuelles en compagnie des collègues.

Ah… j’ignorais ce dernier point. Lui qui me disait, en sanglots, que j’étais son « unique confidente ».

Quel con.

– Il lui a dit que nous fréquentions les clubs échangistes… ce que nous n’avons jamais fait ensemble et ce que je n’ai moi-même fait qu’une seule fois, sans vouloir jamais y retourner. Que j’avais réclamé nos plans à trois et qu’il avait fini par céder…

C’est tellement faux…

– Il lui a dit que je fumais des oinj du matin au soir, grosse foncedé H24, et que lui… ne fumait pas du tout ! Elle me prenait donc pour une toxico qui baisait avec la terre entière… pensait que j’étais vraiment une sale meuf qui faisait du mal à une âme si pure…

C’est presque drôle tellement c’est sordide.

D’ailleurs, parfois, on rigole, elle et moi.

On se dit beaucoup de choses gentilles. On hallucine ensemble, on se serre les coudes.

Quelque part, ça me rassure un peu, encore, sur l’humanité.

Même si ça m’assassine, même si ça complique très fortement les chances de réparation de mon couple avec R.

Comment on se remet de ça, sérieux…?

– C’est le 8 décembre qu’elle l’a finalement quitté pour de bon. Alors qu’elle l’avait griffé quelques jours auparavant, à sa demande, il s’était vanté auprès d’elle de m’avoir fait croire que c’était l’un de mes chats.

Je me souviens très bien de cette scène…

Quel putain d’enculé.

Il se fout de ma crédulité, devant elle.

J’ai la haine.

Moi qui n’ai jamais dit que tout l’immense bien que je pensais de lui, à tout le monde : mon entourage, son entourage, et même l’ex-dont-on-a-rien-à-foutre. Moi qui racontais notre rencontre et notre histoire comme un truc extraordinaire…

– Entendant cela, elle lui avait demandé pourquoi il n’avait pas simplement dit la vérité, puisque lui et moi étions dans une relation libre. Il avait répondu : « Il y a des choses qu’il vaut mieux ne pas dire. » Ayant trouvé peu de temps auparavant ma trace sur internet – des articles que j’avais écrits (sous mon vrai nom), mes vidéos de pole dance, de yoga… –, elle lui avait dit qu’elle ne comprenait pas comment il pouvait me tromper. Que j’avais l’air d’être « une meuf incroyable », alors pourquoi ?

« C’est le contrat que j’ai avec la mère de ma fille ».

Oui, c’est comme ça qu’il m’appelait.

Alors elle l’a quitté pour de bon.

Et il lui a demandé si « ils pouvaient recraquer parfois »…

Le mec est lamentable…

Et je ne cesse de remercier A. d’accepter de m’envoyer tout ça, de ne pas me laisser dans l’obscurité, en proie à l’imagination morbide.

Elle me redit, plusieurs fois, qu’il a cependant toujours affirmé qu’il m’aimait et qu’il ne me quitterait jamais…

Je me raccroche difficilement à cette phrase.

Mais j’ai l’ignoble impression de vivre dans The Truman Show.

À suivre…

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Jusqu’au bleu du ciel…

Previously…

La nuit est ce qu’elle est. Elle n’a jamais été ma grande alliée, là encore moins.

Le réveil sonne, mister se prépare puis me fait un dernier câlin avant de filer rejoindre ses collègues et les montagnes enneigées.

« Je t’aime à la folie. Et je te demande encore mille fois pardon pour le mal que je t’ai fait. J’ai honte. Tu es l’amour de ma vie. N’oublie pas de lire ce que je te laisse dans la boîte aux lettres. »

Moi aussi je l’aime. Comme dit notre fille : « Jusqu’au bleu du ciel et jusqu’à la tempête. »

Cette formule que j’aime tant et qui sonne aujourd’hui comme une triste prophétie.

Je dois de mon côté aller donner un cours de yoga matinal à 13 personnes, et j’opte pour une lecture à mon retour.

Depuis le début de la tornade, il y a deux grosses semaines, j’ai annulé tous mes rendez-vous annulables. Copines, daron, déj de taf, cours particuliers d’équilibre… Je ne suis pas en capacité de voir qui que ce soit qui pourrait constater que je suis KO. Et j’assure mes autres obligations comme je peux : cours de yoga contractualisés, bouclage du magazine pour lequel j’ai bossé à temps plein tout janvier. Heureusement, mon CDD est terminé. Et si j’ai lâché plusieurs fois des larmes en enseignant, j’ai réussi globalement à choisir les moments où mes élèves avaient les yeux fermés et à simuler un visage de joie et d’harmonie intérieure quand ils les rouvraient.

À mon retour, je découvre les mots de R…

Cinq pages manuscrites où il réaffirme son amour, présente ses plates excuses, pleure mon chagrin, clame sa honte profonde, me remercie de « toujours le tirer vers le haut ». Il n’a jamais voulu « provoquer un tel raz-de-marée ». Prend l’entière responsabilité de n’avoir pas su dire ce qu’il aurait dû avoir le courage de dire.

Il parle encore du fait que cette histoire n’aurait jamais dû sortir car elle était terminée.

Cet argument de merde, sérieux…!

De la difficulté qu’il a ressenti face à ma nouvelle vie

Ce truc qu’il me dit depuis trois ans sans jamais être capable d’être plus précis malgré mes éternelles questions.

En quoi ma nouvelle vie vient parasiter notre vie amoureuse et sexuelle…??? Au contraire, je suis plus souvent chez moi, nous en bénéficions. Et même si parfois la charge de travail me tabasse, d’autre fois le planning est plus doux…

Encore aujourd’hui, je ne saisis pas ce qu’il entend par là… et il ne sait pas mieux me l’expliquer.

Il évoque la mort de sa grand-mère adorée, début 2021. Qui l’a atomisé, je le sais.

Et je repense, amère, à la mort de ma mère. Qui ne m’a pas sortie du droit chemin malgré les circonstances pour le moins pénibles.

Il comprend qu’il n’est « plus crédible sur aucun sujet, du plus petit jusqu’au plus gros ».

Explique qu’il a toujours voulu paraître plus fort qu’il ne l’est réellement, sur tous les sujets. Même le cul. Même sur la capacité d’en parler vraiment sans retenue…

Il considère avoir été « faible et minable » avec cette meuf.

Martèle qu’il n’y a jamais rien eu de sérieux ni de régulier avec elle, aucun love, que c’est elle qui est venue le chercher offensivement et qu’elle savait dès le premier jour qu’il m’aimait et ne me quitterait jamais.

Car il n’aime qu’une seule personne, moi, depuis toujours.

Qu’il a pris une grosse barre derrière la tête en entendant mon aveu.

Il avait tant espéré être le mec qui m’ôterait l’envie de recoucher avec cet ex qui m’avait fait du mal… et qui ne pouvait que m’en faire à nouveau puisqu’il n’était pas « une bonne personne ».

Il y avait cru.

Il s’était trompé.

En fait c’est « à 100%, qu’il avait raison, pas à 95%… »

Il admet qu’il m’aurait effectivement quittée, il y a sept ans, s’il l’avait appris…

Qu’il a toujours pensé que si on se séparait, je retournerais illico dans ses bras. Que ce mec était sa bête noire.

Il ajoute qu’il me remercie d’avoir fait mûrir ses réflexions sur le couple, les ruptures, les rapports humains, de lui avoir appris qu’on pouvait effectivement rester amis avec ses ex… surtout, qu’au regard de ce qu’il a lui-même fait, il ne souhaite pas du tout se placer en victime. Il m’explique, juste.

Il me crie son désir ardent pour moi, à quel point il souhaite me faire vibrer, être mon amant, mon amour, mon roc. Souhaite faire tout ce qui est en son pouvoir pour m’aider à évacuer mes légitimes tourments.

Conclut en clamant son envie d’effacer le 1% négatif restant, de retrouver notre bonheur, de mourir dans mes bras.

Je suis bousculée.

Si la première partie de la lettre me fait chialer, m’émeut et me rassure un peu… la seconde me met hors de moi.

Le mec n’a toujours rien compris.

Je lui ai pourtant expliqué au moins cinquante fois, sans exagérer, les raisons du pourquoi du comment.

À ce niveau c’est du déni.

Comment pouvait-il croire que j’allais retourner avec cet ex ? Prétendre qu’il avait raison à 100% alors que ce qu’il imaginait, lui, c’est que je grimpais aux rideaux tous les quatre matins avec ce mec. Sauf que je n’avais couché avec lui qu’une. seule. fois. il. y. a. sept. putain. d’années !

Pour chasser mon dernier fantôme.

Et que, encore une fois, R. en avait bénéficié par ricochet.

Je tremble de colère.

Alors mon idée trace sa route dans les circonvolutions de mon cortex…

Si ma petite musique intérieure dissone encore si souvent, c’est qu’il reste des zones d’ombre, et je suis trop cassée pour rassembler suffisamment de cerveau disponible et les éclaircir seule…

Je dois recontacter A.

J’imagine lui envoyer un message auquel elle ne répondrait pas.

Ça fait d’ailleurs plusieurs jours que j’étudie régulièrement le trajet en transports en commun jusqu’à chez lui.

Chez elle.

Je veux profiter de ces cinq jours d’absence de R. pour en savoir plus.

Et ça m’excite autant que ça me terrifie.

Mais c’est indispensable.

La semaine à venir est ponctuée de mille cours à donner et il me faut quasi deux heures pour me rendre là-bas, et deux de plus pour en revenir. Je suis seule avec ma fille. Coincée.

Je réfléchis à qui pourrait me la garder le temps de mon excursion soumise aux horaires relou des RER. Je suis prête à dormir dans un hôtel pas loin de chez elle-chez lui s’il le faut.

Je m’imagine toquer à la porte de A.

En boucle.

Je tente quand même le SMS, autrement plus simple niveau logistique.

C’est le moment idéal : R. est en train de conduire vers les cimes, entouré de ses collègues… il ne peut pas échanger avec elle.

Ce que je veux à tout prix éviter. : j’ai eu mon compte de captures d’écran entre eux pour « tenir la même version ».

« Bonjour A. Désolée de te déranger, j’ai une faveur à te demander… R. »

Mon cœur est prêt à exploser…

Une minute passe…

Message lu.

Elle me répond.

« Bonjour, quelle R. ?
– Celle que tu as contactée il y a deux semaines…
– Je t’écoute. »

À suivre…

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Entracte

Previously…

Mardi et mercredi filent et j’arrive plutôt à rester sur cette bonne voie. Celle de l’espoir et de l’à-peu-près-confiance.

En sa dernière version.

Pas en moi.

Non, moi, je me prends dans la gueule que mon mec avait à ce point besoin d’ailleurs niveau cul.

Ça abîme une bonne partie de l’image que j’ai de moi depuis toujours.

Celle de cette petite-fille multi-abusée entre ses 4 et ses 15 ans, qui avait réussi à transformer cela en force, devenant une femme à la sexualité solaire, désirée, sûre d’elle à ce propos, généreuse, attachée à son rapport singulier au sexe – pas de consommation mais de la communion… qui peut être aussi naughty que le plus hardcore des plans Q, mais avec le respect, l’intensité et la connexion en plus.

D’un coup, je ne suis plus qu’une serpillère qui ne sait même plus si elle suce aussi bien qu’on lui a toujours dit.

Ma puissance s’est tue.

Je ne rayonne plus.

Et j’ai soif de sexe, autant qu’un condamné à mort : une urgence douloureuse à me cogner contre sa peau, à le laisser cogner au plus profond de moi, à m’échapper des discussions si tristes et des montées d’angoisse pour réaffirmer encore et encore notre indéniable compatibilité horizontale… du moins l’avais-je cru.

À lâcher le cerveau pour revenir aux tripes.

Le cerveau ne me laisse pas franchement tranquille, cependant, puisqu’une foule d’images pénibles s’y invitent.

Images imaginées où je ne tiens évidemment aucun rôle, cédant ma place à une inconnue d’Instagram.

Et j’ai en plus l’impression de devoir déployer toute mon énergie pour être belle – malgré ma vieille gueule de meuf amochée –, sentir bon, baiser ultra technique et sale, l’éblouir à nouveau, dire bonjour-merci-au-revoir à la dame, être détendue, irréprochable, mettre des culottes désagréables mais plus bandantes que mes pourtant délicieuses petites culottes noires, simples et sexy du quotidien. Je suis dans une sentiment d’urgence à le re-séduire…

Au lieu d’exiger de lui qu’il me conquiert à nouveau.

Le cerveau qui panique, ça donne du grand portenaouak.

Je lui balance qu’il n’y a rien de plus facile que de vivre du super sexe quand on est dans l’interdit. C’est d’une banalité sans nom. Que la véritable prouesse, c’est de garder une sexualité géniale même au bout de dix ans, même sans artifice, même dans la routine.

Que bien évidemment une maîtresse se pare d’atours et se pimpe de la tête aux pieds avant chaque rendez-vous. Des faux ongles aux faux cheveux en passant par les faux cils, en ce qui la concerne.

Oui, on n’a pas l’air franchement du même genre.

Malgré tout, je garde mon tout nouveau cap de meuf qui croit encore suffisamment en elle, en lui, en eux pour se persuader qu’elle arrivera à surmonter tout ça.

Même si je n’arrête pas de penser que je ne méritais pas ça. Que j’avais tout fait pour justement éviter ce genre de merdier. Que notre couple ne le méritait pas non plus.

Que j’en ai marre d’être en colère depuis six ans, la mort de ma mère et les saloperies de son enculé de mari, plus encore depuis trois ans et une trahison de haut vol dans la boîte où je donnais ma vie pour défendre les salariés.

Que, sans prétendre avoir la vie la plus dure du monde, bien sûr, je suis quand même lasse d’affronter l’adversité et d’enchaîner les galères. Le procès de mon fils ne s’était pas si mal terminé en novembre, je respirais à nouveau après neuf mois d’apnée… et bim.

La claque dans la gueule.

Jeudi se déroule, et c’est la veille du retour de mon homme dans sa banlieue.

C’est-à-dire juste au-dessus de sa voisine du dessous.

Infernal.

Mon cœur se resserre à mesure que les heures passent. Je sens que la prochaine semaine séparés va être très très très longue.

Je lui dis. Il le comprend évidemment.

« Quand tu vas mal, si tu sens l’angoisse monter, appelle-moi. Je répondrai toujours. Vraiment. »

Il fait tout ce qu’il peut pour réparer les dégâts…

Indéniablement.

Et si je suis touchée qu’il me dise ça, une part de moi a déjà envie de tout le contraire.

Me replier loin de lui.

Difficile d’être consolée, rassurée par l’objet de ses tourments.

Il part, et je gère les jours comme je peux.

Les petits matins sont les plus difficiles. Car si me buter au THC me permet assurément de sombrer dans un trou noir le soir, ça ne m’évite pas d’ouvrir les yeux comme un coucou hystérique bien avant le lever du jour.

Every fuckin’ day.

J’essaie de ne rien imaginer.

J’essaie.

Sans grand succès.

Sa voisine du dessous, faut dire… et moi je vis à presque deux heures de là.

J’ai autant furieusement envie de fusionner avec lui, de coudre ma peau à la sienne pour que plus rien jamais ne nous sépare, que de ne pas lui parler pendant toute sa semaine d’absence, comme pour reprendre de l’air, comme pour lui offrir le champ libre, absolument libre, et le laisser y faire ses choix en son âme et conscience.

Même si ça me tétanise…

Recréer de l’absence pour voir si, comme le vent, elle attise le feu ou si, au contraire, elle l’éteint en égarant R. sur de sombres chemins.

Ça n’était pourtant pas l’absence qui manquait à notre vie : je rappelle que nous ne vivons ensemble qu’une semaine sur deux, et que nous n’avons pas les mêmes horaires de travail.

Que nous passons notre vie à nous croiser, ce qui est très frustrant.

Mais nous avons toujours fait notre possible pour maximiser nos moments partagés.

J’oscille entre mille états tous plus compliqués les uns que les autres. Et les fois où j’ai envie de courir chez lui pour le voir, parce qu’il me manque trop, parce que j’angoisse sur ce qu’il fait de l’autre côté du périph’… je me souviens que je n’ai jamais eu les clés de chez lui.

Je lui avais déjà fait remarquer suite à un épisode relou concernant ses réactions quand mes mains approchaient sans malice de son téléphone : « Mec, je t’ai donné mes clés quand je t’ai annoncé ma grossesse, le jour de nos 6 mois. Ça fait presque dix ans qu’on est ensemble aujourd’hui. Ça n’est pas bien grave que je n’ai pas accès à chez toi car effectivement, ça n’est pas nécessaire dans mon quotidien. Mais dans ce cas détends-toi sur ton putain de smartphone que je ne cherche même pas à explorer. »

Ce qui n’était pas bien grave quelques mois auparavant devient bien plus problématique.

La confiance, c’est un langage binaire, en fait.

1 = tout va bien et rien ne m’inquiète, même ce qui aurait dû être des putain de red flags.
0 = rien ne va plus et tout m’inquiète, même les détails les plus menus.

Je me sens littéralement coincée à Paris, coincée loin de lui, coincée et même maintenue hors de son antre, dont une autre a apparemment bénéficié bien plus que je n’aurais pu l’imaginer.

Les crises d’angoisse, souvent à l’aube, ponctuent ma semaine…

Mais je parviens à garder espoir.

Par message, il me dit qu’il est tétanisé à l’idée de me perdre. Je le rassure en lui disant que je considère la crise réglée à 99%. Que je suis convaincue que nous guérirons de tout ça à 100%. Qu’il me faut pour le moment apprendre à vivre avec ce 1% de confusion, d’inquiétude et de tristesse. Que je dois probablement laisser ce 1% s’exprimer sans chercher à l’étouffer. Que j’espère tarir sa source par la force de ma volonté, de ses marques d’amour et du temps qui passe.

Oui, on kiffe les pourcentages, faut croire…

Je lui dis plusieurs fois que « moi aussi, je suis une folle tourmentée, tu sais ? » À l’écrit et de vive voix, puisqu’il arrive à s’organiser pour passer deux nuits avec moi dans la semaine.

Cette phrase tourne dans ma tête.

C’est vrai, je suis une meuf hyper carrée. Mais il ne faudrait pas en déduire que je suis une meuf saine et équilibrée.

Non.

Pas du tout.

Je suis même devenue Dr Jekyll & Mrs Hyde : parfois j’ai l’impression que tout va bien, que rien n’est arrivé, que rien n’a foutu le bordel dans ma si précieuse oasis amoureuse. Et d’autres je sombre, les tourments s’insèrent en moi comme des lames longues et bien aiguisées venant triturer toutes mes plaies qui semblaient pourtant refermées depuis le début de mon histoire avec R.

Il m’avait si bien réparée…

Et je me sens devenir cette folle tourmentée qui n’a plus aucun contrôle sur rien, qui ne sait plus à quel saint se vouer, qui ne sait plus où sont ses contours, ce qu’elle peut, doit ou ne doit surtout plus faire.

Pétrifiée.

Ma petite musique intérieure continue de dissoner, souvent, quand mon cerveau s’égare dans les zones de flou qui demeurent.

Et une petite idée germe en moi. Sans que je sache si elle éclora.

Cette semaine il ne revient que le samedi soir pour des raisons d’organisation familiale.

Et il repart le lendemain matin tôt : cinq jours au ski prévus de longue date avec ses collègues.

J’avais posé, inquiète, la question de la véracité de cette information, et il me l’avait assurée.

Je passe la soirée fébrile, tâchant de le montrer le moins possible. Je veux qu’elle lui donne follement envie de revenir se lover dans mes bras jeudi prochain.

Nous fumons comme des toxicos et baisons comme des enragés – moi animal blessé, lui conquérant à terre –, mêlant larmes, orgasmes et mots d’amour.

Il m’annonce qu’il m’a écrit une longue lettre et qu’il la laissera dans ma boîte aux lettres en partant le lendemain.

Nous sommes le samedi 27 janvier au soir, et j’ai hâte de la lire.

À suivre…

(Commentaires gentils bienvenus…)

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Le début de la fin… ou l’inverse ?

Previously…

Il fait froid, nuit. Nous nous faisons face sur le balcon, emmitouflés, chacun une clope aux lèvres.

Je le toise, yeux grands ouverts.

« Je t’écoute. »

Il me redit exactement la même chose que dans son texto : il n’y a eu que reniflage superficiel, aucun love, il a tout fait pour qu’elle comprenne qu’il n’y aurait rien de plus, il m’aime, il est désolé de m’avoir menti, il a honte.

« C’est ta dernière version ?
– Oui. »

Je reste silencieuse encore quelques secondes, lui laissant une dernière chance de dire les choses de lui-même.

Il hoche la tête pour confirmer son propos.

J’accuse le coup.

« OK. Alors laisse-moi te lire un extrait d’un grand auteur. Mister R., en français dans le texte. »

Et je lui lis le sms « tombé-amoureux-reconnexion-à-Jésus ».

Il accuse le coup à son tour…

« Encore une fois : je t’écoute. »

Il admet. Les coucheries. Sur plusieurs mois. Mais « c’était pas du tout régulier, c’est pas arrivé si souvent, je te le jure ». Avec capotes, promis. Toujours. Les mots de love ? Juste parce que quand elle a compris qu’il n’y aurait rien de plus, il a voulu être gentil, qu’elle ne soit pas mal, alors il lui a dit ce qu’elle souhaitait entendre. S’il n’y avait pas eu l’histoire de la date anniversaire, tout ça serait du passé…

Comme si ce dernier argument changeait quelque chose…

« Je ne comprends pas : tu ne l’aimes pas, mais pour être sympa, tu prétends que si, sachant qu’elle est amoureuse de toi ? T’as rien compris à la psyché humaine ou quoi ?
– …
– Si tu dis à quelqu’un qui t’aime que tu l’aimes… il le croit ! A fortiori elle.
– J’ai fait de la merde, j’ai voulu faire le bogosse, j’ai mal agi, je suis désolée. »

Et Jésus ???

« Elle est hyper croyante, et là encore j’ai dit ce qu’elle voulait entendre…
– Mais Jésus est important pour toi ? Tu as le droit, aucun souci, mais pourquoi en secret ?
– Non, mais non. Enfin tu sais pour la médaille que m’a offert ma grand-mère après mon accident, comme j’y tiens, mais là c’était pour faire le beau parleur. C’est nul. »

Je lui explique, vénère, que je n’attends pas de lui qu’il ne soit pas un connard avec moi uniquement. J’attends de lui qu’il ne soit pas un connard tout court, avec quiconque, notamment une meuf qu’il baise pendant six mois.

« Tu lui dois des excuses à elle aussi, mec. »

D’ailleurs, il se serait cantonné à la version initiale de A., rien n’aurait explosé. Mais il a voulu ici aussi faire le bogosse… le mec dragué qui fait tout pour repousser la tentation.

Je suis sous le choc…

Écartelée entre la colère, la panique, la honte, la déception… et une immense tristesse.

Il m’explique que ça n’est arrivé qu’avec elle, qu’aucune autre meuf ne l’a dragué les neuf premières années.

Il aura suffit d’une… Solide le gars.

Je lui parle du mec sous PrEP, mais il me jure que ça s’est limité à du sexe oral safe. Je lui demande s’il y en a eu d’autres, ou des couples, des trans, des orgies, que sais-je ?

Pas de couple ni de trans ni d’orgies. Quelques mecs, rares.

J’encaisse.

Je me souviens des fois où je lui disais mi-amusée mi-sérieuse que j’imaginais bien que la rareté de mes pipes devait lui donner envie d’un homme. Il me répondait inéluctablement que rien ne lui manquait et que s’il devait recoucher avec un gars, il me voulait dans les parages…

« C’est pas arrivé souvent, je te le jure. Et aussi que mes mots d’amour à cette meuf ne sont absolument rien. Tu es celle que j’aime, ma moitié, ma confidente, mon roc, mon amante, celle que je désire et que j’aime, encore une fois. J’ai honte et je te demande de m’excuser. »

Il pleure. Autant que moi.

Je lui parle des émois que j’ai ressentis, de mon côté, pendant ces dix ans. Auxquels j’ai résisté assez facilement.

Par choix.

Comblée, amoureuse, heureuse et fière d’être avec cet homme qui m’avait ôté toute envie d’aller voir ailleurs.

Et qui craignait teeeeeeeeellement que je le fasse !

Quand moi je faisais mon possible pour tempérer ses angoisses… tout en étant persuadée qu’il était sage comme un image – puisque littéralement tout ce qu’il disait allait dans ce sens.

Je lui explique qu’à mon prochain émoi, je ne pourrais plus me raccrocher à ça. Que le risque est plus grand, du coup. Et que je lui en veux terriblement pour ça.

Je suis déchirée intérieurement, et le démon me monte à la tête. Je me dis que pour faire face à cette histoire de cul et surtout ces bien trop nombreux mensonges, je vais devoir vivre ma parenthèse. Aller me faire déglinguer.

Pas pour me venger. Jamais.

Pour me racheter à mes propres yeux.

Je suis morte de honte.

D’avoir perroré pendant dix putain d’années sur mon mec en or massif et mon couple presque parfait. « On est les champions de la communication, on résout toujours tout en discutant », que je clamais haut et fort.

J’ai l’impression d’avoir menti à la terre entière à mon insu.

Je lui demande s’il y a d’autres choses que je pourrais découvrir, du même ordre.

Dis qu’il doit mettre carte sur table maintenant, que c’est la seule solution pour que nous puissions reconstruire quelque chose sur des bases saines.

Il me promet que non.

Moi… je n’ai aucune envie de le quitter.

Je suis en panique. Et en colère.

Mais je ressens toujours ce putain d’amour profond pour lui… même si j’ai l’infernale impression de le découvrir.

Je lui demande de tout me raconter, tout ce qu’il a fait avec elle, le sexe, le « faux » love, tout. Je veux les détails.

Il minimise, oui il y a eu des nuits mais parce que c’était plus simple, pour le taf le lendemain…

Mec, c’est littéralement ta VOISINE DU DESSOUS. Y’a pas plus près de chez toi.

Jamais eu de grasses mat’ ou de week-ends, rien. Du cul, pas de love.

« J’exige que tu me baises exactement comme tu l’as baisée. Mais en mieux. Beaucoup mieux. Parce que moi je suis ta femme. Celle que tu prétends désirer plus que tout au monde, aujourd’hui encore. »

J’ai un regard de tarée.

Il m’observe, inquiet.

La discussion est longue et douloureuse. On passe des heures sur ce balcon, à fumer, les yeux rougis par la tornade.

La nuit, je dors peu. Mon cerveau ne s’arrête plus, tâchant de décortiquer, comprendre, encaisser.

Mon cœur… laisse tomber.

Le dimanche matin, c’est dans la salle de bains que la discussion reprend.

Je reparle des bases saines dont nous avons absolument besoin pour renaître de nos cendres.

Nous devons solder nos dettes.

Je vais donc solder la mienne.

J’ai, il y a sept ans, couché une fois avec un ex, mon dernier chagrin d’amour irrésolu.

Je lui avais parlé de lui au bout d’un mois de relation, et ce mec était devenu sa hantise.

J’avais mal jaugé les conséquences de mon récit.

Le gars en question m’avait mis la misère à l’époque, ça s’était bien mal terminé, et il m’avait rayée de sa vie. J’en souffrais malheureusement encore, cœur fragile et cerveau obsessionnel que je suis.

Ça n’est pas que j’étais encore amoureuse de lui !

Bien au contraire, et il me semble que je suis très claire sur le sujet depuis le premier jour : j’ai eu un coup de foudre pour R., l’homme de ma vie, et je n’ai pas une seconde cessé de l’aimer depuis.

Mais j’ai besoin que les choses se finissent joliment, même entre des gens qui ont souffert après s’être aimés.

Ça me rassure viscéralement sur l’humanité…

Cinq ans de gueule plus tard, j’ai appris qu’il voulait me revoir. Il était toujours avec la meuf avec qui il s’était mis juste après notre histoire, très heureux d’après mes infos, je savais donc que c’était amical.

J’étais si contente !

Nous avons déjeuné ensemble, et avons discuté longuement, nous excusant l’un l’autre pour le mal causé, expliquant les pourquoi des comment, confrontant nos référentiels.

Exactement ce que j’espérais.

Ce mec, bien que folle amoureuse du mien, je rêvais encore de lui régulièrement.

Cauchemardais serait plus juste. Il était le fantôme cruel de mes nuits.

J’allais enfin pouvoir me délivrer, comme après mon histoire brésilienne.

Nous avons convenu d’un second déjeuner pour poursuivre la discussion.

Beaucoup de choses à se dire.

Et, c’est vrai, émus de nous retrouver sur un mode de relation plus doux que lors de la rupture, nous avons fini par coucher ensemble.

Une fois.

Il y a sept ans.

Une baise chouette mais sans plus, animée par le désir de boucler une boucle plus que par une soif de sexe ou d’amour autre.

Qui m’avait confortée dans mon amour et mon ardent désir pour R.

Depuis ce jour, lui et moi avons re-déjeuné ensemble de temps à autres, comme deux vieux potes, absolument chastement, chacun heureux en ménage.

Depuis ce jour, aussi, je n’ai plus jamais rêvé de lui.

Par contre j’ai rêvé de pouvoir le dire à mon mec : « C’est bon, j’ai libéré mon dernier placard encombré, je suis tienne depuis le premier jour, mais je suis dorénavant absolument toute tienne. »

Mes quelques amies au courant pourront en attester.

Je n’ai jamais pu car il n’avait de cesse de me dire à quel point ça serait un drame pour lui.

Alors que c’était, quelque part, un mini-événement qui n’avait non seulement rien chamboulé dans mon histoire avec R., mais qui avait été bénéfique.

Je ne prétends pas que je l’ai fait pour lui.

Je l’ai fait pour moi.

Mais en me libérant, notre couple en récoltait les fruits, et donc lui aussi.

Il accuse le coup.

Me remercie de lui avoir dit.

Il le savait, dit-il… Il voyait bien, sur mon agenda, sans fouiller mais quand je le laissais ouvert sur le comptoir, que je déjeunais avec lui de temps en temps.

Je lui réponds que non, il ne « savait » rien : lui pensait que je baisais avec lui régulièrement ! Rien à voir.

Et rien à voir avec ce qu’il a fait.

Je lui balance que dans la situation inverse, il m’aurait quittée pour moins que ça.

Il réfute.

On pleure.

On en bave.

La suite du week-end se passe bizarrement, entre grands silences, pleurs, explications, colère, folie, sexe…

Qui d’un coup, sauf la première tentative inéluctablement trop chargée en émotions, redevient évident, une queue bien dure et bien dressée, des baises aussi intenses que noyées de désespoir.

On va pas cracher sur un petit bénéfice secondaire…

Le dimanche et le lundi, atterrée mais convaincue d’avoir finalement capté les contours de la partie « meuf » du désastre, je bascule sur les mecs.

Je ne refouille pas le téléphone.

Je ne dis pas que ça ne m’a pas retentée, même si évidemment il devait être désormais dépouillé de quoi que ce soit d’incriminant. Mais je refuse – autant que possible – d’être cette meuf-là.

Par contre j’ai siphonné internet en tapant compulsivement son pseudo de rencontre avec des gars doublé de mots clé tous plus goûtus les uns que les autres.

Et j’ai trouvé. Des commentaires sur des forums.

Datant de 2015, juste au moment où je suis tombée enceinte de ma fille. Après avoir avorté de nos jumeaux arrivés trop tôt dans une famille qui ne pouvait malheureusement pas les accueillir décemment.

De 2023.

On imagine aisément l’entre-deux.

Des messages enthousiastes le portant candidat pour baiser la meuf, vraisemblablement sublime, d’un mec candauliste.

Il m’assure que ça n’est que du jeu virtuel, comme sur le site jemontremabite.com – où il a un profil, ce qui ne me dérangeait pas plus que ça –, de l’allumage numérique qui ne se concrétise pas…

Comment le croire après tout ça…?

À chaque trouvaille, je le soumets à de nouvelles questions.

Pas par cruauté.

Par désespoir.

Cruel désespoir.

Folle.

Je ne contrôle plus rien, ni mon cerveau ni mon palpitant, ni même ma respiration, saccadée depuis deux jours.

Au détour d’une n-ième discussion, il me dit, contrit, qu’il sait que tout est de sa faute et qu’il mérite tout ça. Mais qu’à chaque fois que je lui sors une nouvelle information sur son jardin secret, il le ressent comme si je le violais avec des clous.

La phrase fait tilt.

Je ne peux pas exiger de lui des bases saines si je deviens, moi, une hystérique qui écluse le net pour trouver des preuves d’un truc qu’il avait, finalement, le droit de faire.

Peut-être pas autant, mais quand même.

Je me calme.

« Bon. Voilà ce que je te propose. On repart sur le même contrat. Mais on le respecte scrupuleusement. De mon côté, j’arrête à partir de maintenant de chercher quoi que ce soit. Sauf si tu redeviens louche. Qu’en penses-tu ? »

Il acquiesce illico, souriant, penaud. Me dit qu’il est pour et qu’il s’engage à ne déroger à aucune règle.

« À commencer par la principale : ne plus mentir.
– T’inquiète, je l’ai bien compris, douloureusement quand je vois le mal que je te cause. Ça me tue. Plus jamais. Je te le promets. »

La soirée est plus douce.

Le lendemain, ma fille me réveille en racontant son cauchemar : « Papa il avait de tout petits yeux, et maman elle avait de très gros yeux. »

Moi je me sens moins chancelante. En réponse à un sms de mon amie, j’écris : « C’est bon, affaire réglée. »

Carrément.

Il faut dire que je déteste les situations de transitions, qui m’angoissent hautement.

J’ai besoin d’en sortir vite. Et là, je m’en sens capable.

Finalement, nous avons eu une lune de miel de neuf ans, suivie d’une année un peu foireuse mais somme toute plus bizarre que malheureuse.

Je me suis posée souvent des questions, ces derniers mois, mais j’étais toujours aussi bien avec lui. Et il me dit sensiblement la même chose le concernant…

Alors peut-être basculons nous simplement dans la deuxième partie de notre histoire ? Dans la douleur, certes…

Peut-être sommes nous plus à la fin du début qu’au début de la fin ?

À suivre…

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Débandade

Previously…

Je tombe effectivement sur les captures d’écran de ma conversation avec A.

Et ses messages. Elle explique à mon mec qu’elle n’a pas supporté qu’il ne lui envoie pas une attention le jour anniversaire de la mort de son frère alors qu’elle-même avait laissé une fleur sur son palier deux semaines avant, le jour « souvenir triste » de R. Que du coup elle a bu, beaucoup trop, et qu’elle a envoyé un message à sa meuf. Moi. Qu’elle est désolée d’avoir merdé, d’avoir douté de lui, mais qu’elle va rattraper le coup, promis. Qu’elle lui envoie les captures d’écran pour qu’il tienne la même version. Qu’elle s’excuse, encore une fois.

Ok ok ok… Ça se complique.

Je trouve d’autres messages, de fin 2023, consécutifs à la fleur laissée sur le palier. Mon mec la remercie chaleureusement, lui dit à quel point elle est adorable, touchante, à quel point il la respecte et la kiffe. Il parle de son statut de « mec à oublier », lui dit qu’il n’a jamais voulu lui faire de mal.

Je trouve aussi des échanges avec un numéro de mec pour une rencontre mi-décembre, et ça parle de grosse baise, de résultats HIV, de PrEP…

Mes tremblements s’accentuent.

Mi-décembre, nous avions justement eu une discussion sans heurt mais où j’avais eu l’impression qu’il avait des choses à dire.

En effet, ça a toujours été une période difficile pour lui, à cause de ce foutu accident de voiture deux décennies auparavant, mais ça faisait environ trois ans que je trouvais qu’il n’avait globalement pas trop le moral, impression qui prenait plus de place dans ma tête depuis une petite année. Je lui demandais souvent si tout allait bien, lui, lui envers moi, moi envers lui, notre couple… Il me répondait toujours par l’affirmative, sourire aux lèvres.

Je lui disais régulièrement qu’une part de moi craignait qu’un jour il m’explose en pleine gueule, m’expliquant qu’il n’en pouvait plus de moi, de mes contraintes, de ma vie surchargée… Que j’avais peur qu’il encaisse des trucs qui lui déplaisaient sans oser le dire, et que ça crée une cocotte minute.

Il me disait juste qu’il avait un peu de mal à se caler sur ma nouvelle vie de SR free-lance / prof de yoga / verbicruciste, mais que tout allait bien, aucune inquiétude à avoir.

Il a même ajouté un jour : « Tu sais, je suis un encaisseur, je sais faire. »

Ce qui finalement m’avait inquiétée encore plus.

Donc après cette discussion de mi-décembre, il m’avait promis une lettre où il tâcherait de mettre des mots sur ses pensées… Je l’y avais encouragé, en lui demandant de, cette fois, vraiment s’y plier, et de ne pas faire comme les autres fois où il laissait entendre qu’il avait des choses à dire pour finalement, au moment M, résumer en trois mots que tout allait bien et que tout irait bien, no worries.

La lettre était arrivée, pas aussi explicative que je l’avais espérée. Du coup on avait rediscuté, et il m’avait encore affirmé son immense bonheur avec moi, que c’était juste lui et son cerveau, que vraiment tout allait bien entre nous.

En vrai, au même moment il allait apparement baiser un mec sous PrEP, et il baisait apparemment sa voisine du dessous.

Et au même moment, aussi… il bandait de moins en moins pour moi.

Alors qu’en neuf ans de relation chouette, il n’avait vraiment pas eu trop de soucis de ce côté là, ça faisait depuis le début de l’automne qu’il débandait régulièrement, de plus en plus souvent. On arrivait quand même à nos fins, joyeusement, et donc j’avais décidé de ne pas trop m’inquiéter sur le sujet, espérant juste que ça n’était pas la fin de ses belles érections, puisque le coït est indéniablement ce que je préfère dans le sexe. Surtout le coït avec lui. Il m’envoyait souvent un message pour s’excuser le lendemain, plein d’amour et réaffirmant sa faim de moi, je le rassurais toujours – « on s’en fout, on a joui, c’était chouette, on s’aime, tout va bien » – et une seule fois je lui ai dit que s’il voulait qu’on en parle pour essayer de trouver la cause, il n’y avait aucun souci pour moi. Ni aucune demande. Je m’en remettais à lui. Il avait répondu qu’il ne le souhaitait pas. Je m’étais demandé de mon côté s’il ne fallait pas qu’on essaye de baiser moins souvent que nos tous-les-deux-ou-trois-jours-quand-on-est-ensemble, pour augmenter nos chances de corps caverneux gorgés de son désir, pour faire moins mais mieux. Créer du manque pour retrouver la vigueur perpétuelle…

La bonne blague… Son érection ne m’était tout simplement plus destinée.

Je retourne au lit le cerveau en surchauffe, le cœur comprimé.

Ce qui me tue, là, c’est qu’il m’a largement menti la veille, avec un aplomb extraordinaire, alors même que je lui ai dit plusieurs fois que je préférais savoir la vérité, aussi blessante soit-elle, que d’être prise pour une grosse bouffonne crédule.

Il dort.

Je me connecte à Instagram et renvoie un message à A. Le précédent étant resté sans réponse.

« Tout bien considéré, je crois que je viens de comprendre tes raisons. Bien joué. Tu pourras lui envoyer les captures d’écran si tu veux. »

Assorti d’un petit smiley qui fait un clin d’œil.

Et alors qu’il fait encore nuit noire, elle me répond.

« C’est pas du tout ce que tu crois, tu te trompes.
– Ah bon ? Raconte-moi, alors… Je suis toute ouïe.
– Je t’ai déjà tout dit.
– Donc tu es son ex du lycée, vraiment ? Ou sa voisine ? »

Message lu, pas de réponse. Puis…

« Ok, je vois que monsieur a tout dit. Alors je vais tout dire aussi, preuves à l’appui.
– Oui je veux bien, merci.
– OK, mais promets-moi de ne pas le quitter, de tout faire pour que vous restiez ensemble, pour ne pas casser votre famille. Car hier tu m’as dit un truc important : que ce qui t’importait surtout c’était qu’il t’aime et te désire. Il t’aime. C’est pour ça que je n’ai rien dit d’autre.
– C’est vrai mais j’ai ajouté que si l’info arrivait à mes oreilles, je voulais savoir de quoi il retournait pour me positionner en conséquence. J’aime profondément ce mec, que je considère comme l’homme de ma vie depuis dix ans, et je n’ai aucune envie de me séparer de lui, crois moi. Vu notre contrat, dont j’ai pensé jusqu’à hier qu’il n’en usait pas ou en tous les cas n’en abusait pas, a priori je pensais que tout était résoluble. Et si j’ai cru au début que vous n’aviez pas baisé, autant te dire que ça n’est plus du tout le cas…
– Il t’a dit que ça n’était que du sexe ?
– Non, il m’a dit qu’il n’y avait rien eu et que tu avais juste essayé de le pécho tandis qu’il t’avait repoussée. Gros bullshit.
– Mdr…
– Donc voilà, ce que j’imagine maintenant, c’est que vous avez baisé quelques fois, peut-être même plus que baisé vu ta réaction.
– Meuf, on s’est fréquenté à partir de mai dernier, et je l’ai téj en décembre… parce que je ne croyais plus à son histoire de relation libre avec toi. »

Elle m’envoie une capture d’écran d’un message de mon mec. Il lui dit en substance qu’il est désolé pour le mal qu’il lui a fait. Qu’il a toujours été honnête avec elle sur sa vie et sa situation. Que la rencontrer lui avait fait péter le cerveau, dans le bon sens du terme. « Tomber amoureux, à mon âge, dans ma situation, c’était fou. Je te dois ma reconnexion à Jésus… ».

Mon corps se désagrège.

« Tomber amoureux » ?? « Jésus » ???

What. The. Fuck.

Elle me renvoie un message en m’invitant encore à me battre pour rester avec lui et pour ne pas casser notre famille. Je lui explique que ce qui me broie le cœur à l’instant T, c’est plus son mensonge que leur histoire. Certes, elle ne me réjouit pas, mais il avait le droit de baiser ailleurs – sous certaines conditions. Pas de me mentir si frontalement. Je promets de tout faire pour, même si…

Je n’arrive plus à réfléchir.

J’envoie un message à ma meilleure amie, sur deux canaux pour m’assurer qu’elle le lise vite. Genre « si tu as un créneau dans le week-end, je crois que ça m’arrangerait qu’on se voit »…

Il dort toujours et moi je ne peux plus rester dans ce lit maudit.

Je me lève, vénère, triste, perdue.

Je vaque à mes occupations comme je peux, larmes aux yeux.

Il se lève à son tour, inquiet.

Ma fille me demande pourquoi j’ai l’air d’avoir pleuré.

Son père la rassure.

Il me demande s’il peut faire quelque chose pour « décrisper la situation ».

Des fusils dans les yeux et la lèvre tressautante, je lui réponds : « Ben… je crois qu’on va devoir discuter à nouveau, non ? »

Il me répond : « Oui, bien sûr. Quand tu veux. Discutons. »

Ce week-end, une copine de ma fille vient passer l’après-midi et dormir à la maison pour son anniversaire. Génial. Et avant je dois aller donner un cours de yoga à 17 personnes. Encore plus génial.

Je me casse, en vrac. Ma pote m’a répondu, elle s’est démerdée entre ses deux boulots et ses trois gosses, on se voit à 14 heures.

Et je donne mon cours de yoga… je ne sais pas trop comment.

Dans un état second, si ce n’est plus…

En sortant, je lis le long message que mon mec m’a envoyé.

En substance : « Voilà venu l’heure des explications. Tout ce que je t’ai dit sur la rencontre, les événements avec mes enfants, tout ça n’est que la vérité. Mais oui, j’ai menti hier et j’ai honte, j’étais perdu. Oui il y a eu reniflage, fricotage. C’est là où j’ai dû lui expliquer ma situation : que j’étais amoureux, comblé et heureux avec toi. Elle en voulait plus mais non, et ça a été compliqué de lui faire comprendre. Elle a mal pris mon absence d’attention le jour de la mort de son frère, et du coup voilà. J’ai mal de te faire du mal, tu es mon grand amour, mon roc, ma moitié. J’ai peut-être tout cassé et j’ai honte de t’avoir menti de la sorte. Ça n’est pas ma nature, encore moins avec les gens que j’aime. Avec tout ce que je t’ai fait vivre, en plus, ma jalousie, tes ex, les 95%… Je t’aime, R… Et je te demande pardon. »

Je me liquéfie…

Il s’excuse de me mentir… en me mentant encore.

Je le laisse en « vu ».

Rejoins mon amie.

Lui raconte tout en tremblant comme une feuille…

Il m’envoie des messages : « Où es-tu ? Je peux te rejoindre ? Qu’on discute avant l’arrivée de la copine de la petite… »

« Non, on discutera après. »

Je rentre, vaporeuse.

On fait le gâteau, chante la chanson, souffle les bougies, ouvre les cadeaux. On mime la joie et la décontraction.

Puis quand les filles se mettent à jouer, on file sur le balcon.

À suivre…

(Tu te demandes peut-être pourquoi j’écris tout ça… Ça peut sembler impudique, voire vengeur. Moi-même je me pose la question. Le problème c’est que tant que je ne l’écris pas, ça s’écrit tout seul dans ma tête, H24. Pénible, d’être une grosse obsessionnelle. Et la chute est raide, aussi forte que mon amour pour mister R. Je sens que je dois tarir la source de mes tourments, et cela passe par la transformation de mon naufrage intérieur en un récit truculent, avec son suspens et ses rebondissements. Sans aucun désir de vengeance – surtout pas en écrivant. Je précise d’ailleurs que l’homme est au courant, je lui en ai parlé avant de commencer, et qu’il m’y encourage, bien que je ne l’épargne pas (ce qui lui fait un peu mal, mais moins que de voir le mal qu’il a causé), si ça peut contribuer à me réparer… ce qui est le cas car, quelque part, ça me met à distance. Reprendre le contrôle de la narration. Décortiquer. Figer ici pour libérer l’esprit. Pouvoir ne plus y penser tout le temps. En rire pour arrêter d’en pleurer…)

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Comme un petit grain de sable

Previously…

Un premier tilt résonne dans mon crâne…

Je commence à rédiger mon message à A., et je prends mon temps. Pour ciseler mon propos, mais pas que. Lui est en train de rouler sa clope, observateur…

« J’aurai le droit de savoir ce que tu lui écris…? »

« Bien sûr ! »

J’appuie sur envoyer en souriant, et je lui lis : « Chère A., pourquoi inventer un tel mytho ? Si tu m’avais dit les choses telles qu’elles sont, j’aurais répondu exactement la même chose, aussi gentiment. Je suis perplexe… Peut-être un jour comprendrais-je tes raisons. »

« OK »

Un ange passe…

Et mon cerveau s’enclenche.

« Mais du coup, tu as reçu des captures d’écran… c’est-à-dire ? »

« Ben elle m’a envoyé des captures de votre conversation… »

« Comme ça, sans rien de plus ?? Juste des captures…? C’est trop chelou… Et tu as répondu un truc ? »

« Oui, juste des captures, et non j’ai rien répondu, je m’en fous. »

Je roule une clope à mon tour…

Et mon cerveau continue son chemin.

Je lui dis en riant mi-figue mi-raisin qu’une part de moi a très envie d’aller voir ces captures d’écran, de regarder ces messages, même si je sais que c’est pas bien glorieux.

Il rit : « Ah ouais…? »

Sans me donner son téléphone.

Que je ne lui ai pas demandé, cependant.

Plutôt crever.

Je ris aussi. Un peu nerveusement.

J’ajoute : « Je sais pas, j’étais convaincue et d’un coup je doute… D’où cette envie de renifler ton téléphone, alors que c’est pas mon genre ! Je ne comprends pas le coup d’envoyer juste des captures d’écran… »

Il me dit, un peu bègue, « Enfin non, en plus des captures d’écrans y’a quelques messages, mais rien de fou… » en faisant défiler très très vite son écran sous mes yeux, téléphone bien en mains.

« Et si je te demandais à les lire, tu serais à l’aise ? »

« Ben pas de soucis, mais il n’y en a aucun avant, et bon… »

« Tu veux dire que tu aurais… supprimé des messages précédents…? »

J’ai un petit ton qui se fout bien de sa gueule, sourire en coin, sourcil relevé. Mais le cœur qui s’accélère un chouïa.

« Oui, j’ai supprimé parce que justement je ne veux pas d’ennuis alors qu’il ne se passe absolument rien, crois-moi… »

Dans son attitude, dans son regard, dans la mélodie de sa voix, il est très crédible. Malgré les infos qui me collent le doute.

« Tu sais que je préfère que tu me dises que tu as baisé avec elle plutôt que tu me mentes. Mais genre VRAIMENT. »

« Je sais, et je te dis la vérité. »

Je répète ma phrase.

Il répète la sienne.

Tranquille, souriant. Son aplomb est tel que je me dis que lorsque j’ai écrit, ici, sur notre contrat de couple, il y a une situation à laquelle je n’ai pas pensé. Elle ne m’a même pas effleuré l’esprit…

C’est celle où j’ai des doutes, mais où il n’a rien fait.

J’en ris intérieurement et me dis qu’il faudra que j’écrive dessus, du coup. Et aussi sur le fait que j’avais carrément occulté cette possibilité.

Je ressens néanmoins comme un léger flou à l’intérieur de moi, une dissonance dans ma petite musique intérieure. Je remise donc au placard mes envies de baise de retrouvailles, et on se cale devant la télé. Que je regarde sans la regarder, enchaînant les oinj moi qui avais réussi à diminuer depuis l’été et une pénible bronchite, mon cortex continuant tout seul sa plongée dans les méandres de l’incompréhension : quelque chose n’est pas clair.

23h45, on va se coucher. J’arrive à m’endormir, dans un état proche de l’Ohio.

5 heures. Mes yeux s’ouvrent d’un coup, cerveau sur ON direct.

Déjà il y a 7 ans, une de ses ex, « défoncée aux cachetons », avait « essayé de le pécho ». C’est fou toutes ces meufs alcoolos ou dépressives qui font rien qu’à vouloir le détourner, non ?

Je me lève pour aller aux toilettes et je passe devant le comptoir… où son téléphone charge.

J’hésite.

Me ravise.

C’est nul.

C’est nul mais quand même, ya un brouillard que j’aimerais dissiper.

Au retour je flanche : mon cerveau est farci de points d’interrogation.

Même si je sais que c’est naze…

Avant de poursuivre, laisse-moi te rappeler les termes de notre contrat de couple, et sache que nous avons remis ce contrat sur la table mille fois en dix ans, toujours à mon initiative, pour le faire évoluer si besoin ou envie. Et la réponse a toujours été sans appel : « On garde le contrat tel quel. »

0. On s’aime fort et on se désire fort, c’est ce qui nous permet d’envisager ce contrat entre deux individus distincts, qui ont un vécu.
1. La base : si tu vas voir ailleurs, tu te protèges… pour me protéger.
2. Pas de système parallèle où l’un de nous baise à tire-larigot enchaînant les conquêtes sans saveur. L’ouverture vaut pour des désirs qui seraient impérieux, et donc rares.
3. Je veux être préservée du secret, charge t’incombe de ne pas laisser une once d’angoisse naître en moi sur le sujet de l’exclusivité sexuelle. Fais-le si tu en as vraiment besoin, mais fais-le très discrètement.
4. Par contre, si je te pose une question, signe que l’angoisse, en tous les cas le doute a germé dans mon esprit, réponds-moi la vérité. Ou alors mens suffisamment bien pour me convaincre et reléguer ainsi la bicyclette de mon cerveau au garage à vélo… mais sache que c’est un boulot d’expert, d’équilibriste.
5. Ça ne doit rien enlever à notre relation, à aucun niveau que ce soit. Ni amoureux, ni familial, ni sexuel, ni rien. Au mieux, ça la nourrit.
6. Si ça ternit ton amour, ton désir pour moi ou ton envie de rester avec moi pour les bonnes raisons, on en discute et on avise.

J’ai toujours été assez à l’aise avec le jardin secret de mon amoureux. Mais là j’ai le cerveau qui bout.

Je déverrouille l’écran tremblante, en apnée, et commence ma plongée, le palpitant au bord de l’explosion tellement j’ai peur.

Tellement j’ai honte, aussi.

Pas grand chose de prime abord…

Puis je trouve le dossier SMS supprimés.

Et je lis…

À suivre…

(Oui ça va être en plein d’épisodes, sorry…)

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Et surtout bonne année !

« Mon ex R. m’a dit que vous étiez dans une relation libre. »

Jeudi 11 janvier 2024, 23h16. Pépouze sur mon canap’, last clope au bec, je viens d’envoyer des mots amoureux de bonne nuit à l’homme de ma vie censé revenir chez moi demain après sa semaine d’absence sur deux. Téléphone en mains, je vois une notification Instagram, une inconnue.

A.

Et je lis ce message…

« Mon ex R. m’a dit que vous étiez dans une relation libre. »

Haussement de sourcils. Doublé d’un petit sourire étonné. Tiens tiens tiens… Un message pour le moins abrupte, mais qui semble potentiellement instructif. Alors je réponds.

« Bonsoir, mais encore ? Que vous a t-il dit d’autre ? »

Mon cerveau cogite un peu, et si une part de moi conclut assez vite que mon mec a probablement baisé ailleurs, je décide de prendre mes suppositions avec humour et décontraction. D’une, de fait, il avait le droit, et même le gauche – mais en s’assurant que je ne l’apprenne pas – ; de deux, si c’est avéré, ça m’ouvrirait, quelque part, un crédit. Dont je n’avais pas besoin, puisque moi aussi, j’ai le droit. Mais que je ne m’autorisais pas, restant à l’orée du vague fantasme, décidant sans peine que le petit cœur de mon grand amour palpitant entre mes mains valait plus que tous les émois.

Car, oui, il m’a toujours dit que j’étais la première femme dont il était vraiment tombé follement amoureux, ce qui m’a toujours beaucoup émue… et aussi qu’il pensait à 95% que je le trompais, ce qui m’a toujours semblé injuste et démesuré, puisqu’en plus d’être faux, je n’ai jamais rien fait ni dit quoi que ce soit qui puisse corroborer cette hypothèse-quasi-certitude. J’ai toujours eu à cœur d’être transparente avec lui, et je n’ai eu de cesse de crier haut et fort, à quiconque, ici et ailleurs, à quel point j’aimais mon homme et le couple atypique que nous formons, à quel point j’avais trouvé mon oasis au creux de ses bras. Précisant qu’en ce qui me concernait, je ne céderai qu’aux désirs impérieux, ceux qui assassinent l’âme si on cherche trop à les enterrer.

Et la bonne nouvelle c’est que je n’en ressentais pas, de désirs impérieux, absolument comblée par mon histoire d’amour et la sexualité qui en découlait. Même les quelques élans que j’avais pu ressentir, parfois, rarement, j’avais aisément réussi à les contenir et à éviter toute situation qui aurait pu faire lâcher les digues.

Sans réponse de A., je pars me coucher parvenant sans trop de mal à soumettre mon cerveau à mon exigence de nuit paisible : je verrouille les portes que je ne veux pas emprunter et attends de voir….

Vendredi, 6h27, va savoir pourquoi, je me réveille avant la sonnerie du téléphone… Que j’allume direct, sait-on jamais.

« Désolée pour la réponse tardive, je me suis endormie. Je voulais juste savoir si c’était vrai. Je suis sorti avec lui au lycée, ça date. Mais vu l’information que j’ai eu, j’étais obligée de vous poser la question. Bonne journée. »

Cool, une réponse…

Je lui demande dans quel contexte elle a reçu cette information, dont je précise qu’elle est en partie vraie mais assortie de conditions qui ne sont peut-être plus respectées à partir du moment où je reçois ce message. Elle me parle d’une soirée dans un bar où son mari a discuté avec mon mec, ajoutant que quand elle était avec mister R., trente ans plus tôt, il avait dit à tout le monde qu’ils étaient dans une relation libre – ce qui était faux – et l’avait trompée, ce qu’elle n’avait jamais digéré. D’où son message. Constatant que cette fois c’était vrai, elle me souhaite une bonne journée.

Plutôt rassurée, je lui détaille un peu plus notre contrat, pour qu’elle sache que mon mec n’a pas menti, cette fois, et lui glisse que son message pour le moins frontal m’a évidemment laissé croire qu’elle était sa maîtresse. Ce à quoi elle répond tout en « mdr », précisant qu’au contraire, R. a littéralement passé la soirée à m’encenser, me présentant comme sa star, son héroïne.

Bien rassurée.

Je conclus l’échange en riant à mon tour sur le fait que je me réjouis de ne finalement pas devoir me coltiner une discussion relou avec lui dès son retour chez moi, ce soir.

Et la journée se passe plutôt sans encombre, même si j’y repense parfois, m’interrogeant sur les raisons qui ont poussé cette fille à envoyer ce message… La solidarité féminine ? L’envie de m’alerter ? Mais de quoi ? Ou un désir de vengeance ? En prenant le risque de foutre le bordel dans un couple et une famille qui fonctionnent…?

19 heures, je retrouve avec joie mon amoureux après sept jours sans se voir.

La petite vie familiale se déroule comme une veille de week-end et, après avoir couché la petite, je lui balance, hilare : « Tu sais qu’on a failli passer une mauvaise soirée, toi et moi…? »

Il me regarde, interrogatif.

« Je te raconte… Hier soir j’ai reçu un message et… »

Il ne me laisse pas terminer, rigole et enchaîne : « Je te coupe, je sais de quoi tu vas me parler. Figure-toi que moi aussi, j’ai reçu des captures d’écran. »

À mon tour de le regarder perplexe.

« Je t’explique ! Cette nana, c’est pas du tout une ex, elle a quinze ans de moins que moi. C’est ma voisine du 3e étage, une meuf qui picole. »

Dingue…!

Il poursuit : « Il y a quelques semaines elle a réceptionné un de mes colis, ou l’inverse je ne sais plus, et puis après elle est venu me demander du sel, on s’est rendu quelques services. Elle m’a relancé donc on a bu un café une fois ou deux, en mode bon voisinage. Il se trouve qu’il y a des années elle a perdu son frère le jour de son anniversaire, en janvier, et comme moi, tu le sais, j’ai perdu mon meilleur ami aussi, mais en décembre, on a pas mal discuté de ça… C’était la période souvenir un peu difficile pour nous deux. Et puis un soir de novembre ou de décembre, elle a toqué à ma porte. Je suis sorti sur le palier, et elle a essayé de me pécho. Je l’ai repoussée, enfin peut-être que nos lèvres se sont touchées mais je ne suis même pas sûr. Mes fils ont dû regarder par l’œil de Judas parce que quand je suis revenu chez moi, les deux étaient en larmes, surtout J., le grand. J’ai été le voir et, en sanglots, il m’a demandé ce que je faisais, ce qu’il se passait, et dit qu’il adorait sa sœur, qu’il t’adorait, qu’il ne voulait pas qu’elle ou toi vous disparaissiez de sa vie… Il était tout chamboulé. Alors je lui ai expliqué qu’il n’y avait rien, je l’ai rassuré. Il pourra te le confirmer ! »

Je le regarde, très touchée par la réaction de mes beaux-fils, 17 ans et 14 ans. Et aussi hallucinée. Pourquoi cette meuf tricote une telle histoire…?

R., lui, est tout sourire, bien d’aplomb : « Ah je suis content, heureusement que mes fils ont assisté à cette scène, du coup. Y’a pas d’histoire, voilà l’histoire. »

Je ris à mon tour, soulagée. Étonnée, interloquée.

Mais convaincue.

Et je précise : « Tu sais que je vais être obligée de renvoyer un message à A ? C’est trop fou ce truc, pourquoi inventer tout ça ?! »

Petit silence.

« Ah ouais ? Euuh… si tu veux », me répond-il, un petit malaise dans la voix…

À suivre…

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Trois ans plus tard

Blue boat la nuit, en revenant de Corse.
Prise par moi-même et full filtrée pour rendre grâce à la beauté de la réalité.

Rhoooooo, ça vaaaaaaaa. C’est quoi, trois ans, dans une vie ? Le temps de l’amour disent certains. La durée du lycée si on n’est pas trop occupé à relever des challenges tiktok toujours très intelligents. Un clignement de paupières si on a dépassé les 40 ans.

Rien, donc.

Alors si, bien sûr, il s’est passé un demi-milliard de trucs dans ma vie pendant les trois années qui séparent mon dernier billet de celui-ci. Mais d’abord c’était pas fifou. En plus c’est pas comme si j’avais croulé sous le temps libre.

Je te raconte ?

La vérité je ne sais même pas par quoi commencer.

Ah si, par être honnête ! Je n’ai pas gagné le concours de la nouvelle érotique 2020. Et tant mieux parce que ça n’aurait pas été mérité. La prose lauréate était super chouette, bien mieux que la mienne.

Vive le talent.

Celui-qui-fut-le-mari-de-ma-mère est toujours de ce monde, il s’est remarié avec une meuf richissime six mois après le décès mais m’a quand même transféré sans commentaire ni bonjour ni merde l’appel de fonds de travaux à 50 000 boules de l’appart dont il a pris une partie en pleine propriété contrairement à tout ce qu’il avait promis à ma petite maman.

La honte est née après 1938, on dirait.

Manque de bol, le notaire, tellement choqué par son comportement, avait ajouté un paragraphe indiquant que c’était pour sa pomme quelle que soit la nature des travaux.

Cheh.

Bon, moi je suis toujours bien vénère sur le sujet, mais je travaille à trouver la paix intérieure – et on dirait bien que j’ai paumé mes lunettes sur ce coup-là.

D’autant qu’on m’a remise très très très en colère il y a deux ans, et laisse-moi te dire que j’ai encore les dents du fond qui pataugent dedans.

Non c’est pas mon amoureux qui est toujours un homme formidable, celui de ma vie. Même si récemment il m’a dit qu’il était persuadé que je le trompais à… 95 % !!!

Mesuré, le mec.

Alors que je ne bouge pas d’une oreille…

Bon, il ne me l’a pas dit en m’attaquant, plutôt en mode rigolo-mais-je-le-pense-vraiment-faut-dire-que-t’es-tellement-sexy-que-c’est-normal-and-I-deal-with-it.

Sauf que je l’ai pas très bien pris, rapport qu’à 95 % on est quand même sur une petite accusation alors que je ne fais absolument rien qui puisse le rendre jaloux à part être moi-même et transparente sur qui-je-suis (c’est-à-dire la même que quand j’ai commencé ce blog, avec plus de bras et aussi plus de cheveux blancs).

Oui j’aime toujours l’ambiguïté avec les garçons que je côtoie, et je ne suis pas la dernière à faire des blagues, parfois douteuses, sur le sujet.

Il faut rendre la vie pétillante et profiter de chaque bulle rapport qu’on en a qu’une, tavu, et parfois elle est plus courte qu’on ne l’avait prévu.

Mais aucun échange de fluides ni de soupirs n’est à déplorer, ou alors j’ai rien senti.

Alors c’est vrai, un jour ma fille a balancé à mon mec que « maman elle a envoyé une photo d’aubergine à un copain », mais c’était vraiment une blague (et vraiment une aubergine), que j’ai pu expliquer, hilare, à Monsieur pour le rassurer.

Et puis j’ai trouvé ça fort de café vu qu’en parallèle, mon mistalovalova bégaie dès que ma main approche de son téléphone.

La blague.

Alors je lui ai dit qu’il avait le droit d’être jaloux gratos OU de se greffer son portable à l’aisselle, mais que la somme des deux, bof.

La bonne nouvelle c’est qu’encore une fois, nous avons pu discuter de tout ça gentiment, sans attaque, en mettant tout à plat et en réaffirmant une fois de plus notre amour l’un pour l’autre.

Et que certes il agit parfois chelou avec son téléphone, mais en vrai il le laisse à dispo sur le comptoir toute la nuit, donc si j’étais une fouineuse, et surtout si j’étais assez en forme pour ne pas dormir entre minuit et 6 du après quinze ans de nuits interrompues, je pourrais aller vérifier aisément.

Je ne le ferai pas.

Enfin a priori.

Et si je le fais un jour, ça sera à mes risques et périls et pas bien glorieux.

Et puis en vrai je le redis, ce qui m’importe c’est à quel point je suis heureuse avec lui. Pas de chercher des raisons d’être triste à cause de moi qui m’écartèle entre ce que je clame et ce que je pourrais ressentir si je me laissais aller à mes pulsions débiles.

Bref, c’est pas lui qui m’a mise en colère, bien au contraire, il est la partie stable de ma vie tourneboulée.

Merci chéri, et comme dirait ta fille : « Je t’aime jusqu’au bleu du ciel et jusqu’à la tempête. »

C’est beau n’est-il-pas ? Je pourrais me faire graver cette phrase dans la peau.

Ma vie tourneboulée, donc, parce que je ne te l’ai pas encore dit mais après trois ans de combat social en tant que secrétaire du CSE dans la boîte où je suis restée neuf ans, dont deux plans sociaux hardcore, j’ai pris la poudre d’escampette. Avec la thune, le congé de reclassement et les enveloppes de formations.

Moi qui avais accepté de me présenter à la demande de mes bro’ du boulot, pensant que ça consisterait à distribuer des chèques vacances et à organiser un week-end rigolo par an (visionnaire, la meuf), je dois dire que j’ai été assez redoutable dans ce rôle : je me suis découvert une combativité et un sens de la joute verbale encore plus développés que je ne l’imaginais. Même quand je n’étais pas désignée comme possible licenciée.

Le sens du devoir et le sale gauchisme, ça peut faire des miracles.

Ça m’a laissée sur les genoux, en revanche. Trois ans à sacrifier ma sérénité familiale et mes soirées, à porter à bout de bras 250 salariés… Chaud !

Sur les genoux de fatigue, mais terrassée aussi par la déception. Si je me doutais bien que la direction allait être berk berk berk, rapport qu’apparemment plus on est riche plus on est radin (poke le gros bâtard qui épousa ma reum), je n’avais pas imaginé une seule seconde que certains salariés allaient nous poignarder dans le dos.

Oui oui, parmi ceux pour lesquels on s’est battu comme des chiens, parfois vingt heures par semaines, en plus du taf, des gosses et du reste.

Oh bien sûr, la majorité des collègues nous ont chaleureusement remerciés, hein. Mais une poignée d’ingrats salopards a suffi pour tout gâcher et me faire clairement douter, une fois de plus, de l’humanité cette biatch.

Je te la fais courte, mais le pire a été une meuf, noire (oui parce que dans cette histoire je suis obligée de préciser la couleur de peau des gens)(petit smiley qui a le cerveau en ébullition)(suivi du petit smiley qui reproduit Le Cri d’Edvard Munch), qu’on avait repêchée in extremis, le couteau entre les dents, lors du premier plan social, qui a choisi lors du second plan social de surfer sur la vague de l’obvious black washing à tous les étages de ce grand groupe de presse qui depuis toujours refusait de refléter la diversité de la société sur ses couv et dans ses hauts gradés et qui d’un coup, en panique, se mettait à recruter n’importe qui tant qu’il était doté d’un haut niveau de mélanine (par exemple en mettant à la tête de magazine des gens… qui ne savaient pas comment faire un magazine)(le nombre de followers n’étant pas une compétence en soi, s’il était nécessaire de le rappeler).

La loose pour les Asiatiques, du coup. Toujours pas représentés, mais pas assez foncés.

Entendons-nous bien : mes camarades du CSE et moi-même combattions ce plafond de verre bien avant que l’état major ne le pulvérise sans se soucier d’où iraient se loger les éclats – parfois même en plein dans l’œil des supposés bénéficiaires.

Mais là ça a carrément rédigé un témoignage auprès de la toute nouvelle DRH – « racisée », comme on dit – accusant le secrétaire adjoint du CSE de « propos racistes », ce qui était faux.

On n’est pas dans un cas de blagues de mauvais goût, hein. On est dans un cas de mensonge total.

D’ailleurs, la meuf, qui était un peu ma pote avant l’affaire et avec qui j’en ai discuté pendant quatre heures (littéralement) a admis sans sourciller :
– que son coupable désigné n’était pas raciste,
– qu’elle savait qu’il était celui qui s’était le plus battu pour qu’elle puisse rejoindre son équipe au lieu d’être virée à la première charrette,
– qu’il « prenait pour tous les autres ».

Je le redis en gros parce que je n’en reviens toujours pas : QU’IL PRENAIT POUR TOUS LES AUTRES.

Le mec a été mis à pied dans la seconde sans pouvoir donner sa version des faits et convoqué à un entretien préalable de licenciement une semaine après. Mais la dame dit que c’est pas de sa faute et qu’elle ne l’a pas du tout livré en pâture aux décideurs vénères qu’on ait gagné quelques combats sociaux, décideurs qui pouvaient enfin dégommer l’instance sur fond de « lutte contre le racisme ».

J’ai bataillé dans tous les sens pour rétablir la vérité pendant qu’elle était littéralement propulsée vers les cieux, passant de petite community manager à numéro deux du magazine, invitée à toutes les festivités du luxe et du star system – le graal des influenceurs de mes deux.

Moi qui avais finalement réussi à me recaser à un poste vachement mieux payé qu’avant, j’ai perdu pied… et décidé de me casser avant de tout casser tellement j’étais fâchée.

Du coup new life. En machouillant ma colère mais que veux-tu…

Je me suis mise à mon compte en tant que relectrice-correctrice (on dit secrétaire de rédaction dans le jargon mais les profanes en déduisent que je vais leur apporter un café ou réserver leur billet de train)(ce qui n’est pas un sot métier, mais plus le mien).

Dans le même temps, d’une façon un peu chelou impliquant la mort de mon mentor et grand ami (de maladie, je précise, sinon tu pourrais croire que j’y suis pour quelque chose), j’ai récupéré une place dans un magazine super intéressant (dont je ne peux te dire le nom sinon tu vas savoir comment je m’appelle)(si tant est qu’il reste encore des lecteurs qui ne soient pas de mes amis par ici)(ma passion pour les guirlandes de parenthèses n’a pas faibli comme tu vois) : du coup un mois par trimestre, je pige pour eux. Pour d’autres mag, aussi, parfois.

Et puis j’ai utilisé la totalité de mon enveloppe de formation pour ne pas leur laisser un centime auquel j’aurais droit, mais surtout pour devenir… professeure de yoga.

Comme les deux tiers de l’humanité, exactement.

Avec une spécialisation en mobilité fonctionnelle, ma passion, et en flow créatif, sinon je me fais chier.

Si tu veux venir te marrer et transpirer à un de mes cours parisien, DM comme on dit dans le milieu.

Je prends mon pied, au sens propre comme au figuré, même si ça me fait des bonnes semaines quand je cumule temps plein + freelance + cours de yoga matin ou soir ou week-end + les gosses et mon mec toujours pas là la moitié du mois, et en horaires décalés.

Moi qui rêve de glander le cul vissé sur un canap’.

Évidemment, pour éviter d’avoir la fâcheuse impression de ne vivre que pour les autres (mes gosses, mon père qui a besoin de plus en plus d’aide, mes clients, mes employeurs…), je me colle des objectifs personnels en plus, donc je me suis mise à courir, à coudre, à bosser les équi, et j’ai même repris le piano puisque c’est maintenant ou jamais.

Et comme j’en avais pas assez de me noyer sous les contraintes, j’ai adopté deux chats.

Quelque chose me dit que cette histoire de fesses sur le sofa est une vaste fumisterie à moi-même.

Last but not least, j’essaye de développer une activité de verbicruciste : ça me fait graaaaaaave pétiller le cerveau de créer des grilles de mots croisés (garanties sans IA, juste à la force du cortex).

Je te l’accorde, c’est pas très compatible avec ces temps coincés entre ChatGPT et TPMP.

On a le droit d’aller à rebours de la marche du monde vers la connerie, hein !

J’ai déjà été un peu publiée, et j’espère faire ma place dans ce game.

Donc si tu cherches des fancy grilles – aussi punk que moi –, DM itou.

Oui ce billet de 58 km est en fait un CV.

Je crois d’ailleurs que je vais m’arrêter là, parce qu’on peut pas vraiment dire qu’on soit sur un billet de génie. Ni sur un billet qui respecte la ligne éditoriale de ce blog…

En plus je l’ai commencé fin septembre, mais les journées ne faisant toujours pas 28 heures ni les semaines 8 jours, je risque de le publier en 2032 si je veux tout te dire.

Alors si j’ai le modjo, je te raconterai :
– mes ambitions d’équilibriste (mises à mal par ma colère détaillée ci-dessus),
– ma ménopause (le confinement et mes cycles pressés depuis toujours ont eu raison de mes menstrues)(je le vis très bien, merci)(enfin sauf les bouffées de chaleur et la dépression),
– ce que je pense de cette époque pénible où certains sont convaincus, d’une part, d’avoir inventé l’ouverture d’esprit alors qu’ils ne font rien qu’à mettre des gens dans des cases… tout en s’autoproclamant fluides et en clamant qu’être hétéro c’est vraiment réac (au secours), et qui, d’autre part, cherchent à gagner le concours de la plus victime de l’histoire des victimes (je les appelle la génération ouin-ouin)(et je précise que je ne juge pas la sensibilité des gens – ça serait un comble venant de moi – mais que faut pas déconner non plus à se sentir offensé H24, esprit revanchard en bandoulière, au lieu de chercher à faire avancer le monde dans le bon sens)(oui je deviens un vieux con, mais promis je développe mon propos bientôt)(ou pas parce que flemme d’avance),
– et aussi peut-être l’histoire de ce jeune homme de 15 ans qui enchaîne les GAV et passe en procès bientôt.

L’adolescence, vraiment, c’est un chemin pavé de pétales de rose. Surtout additionné à la ménopause.

Ça en fait des trucs à lire bientôt, hein !

Bon enfin bientôt…

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Pendant ce temps à Vera Cruz…

Ouaahhhh, record battu.

421 jours sans billet sur ce blog, je voudrais pas dire mais ça sent la fin par ici.

Rhoooo, ça va, je suis pas en train de t’annoncer solennellement la mort de mes écrits, hein. No drama. Si ça se trouve je vais avoir des trucs de ouf à te raconter bientôt.

Ou pas.

Ptet même que je vais perdre mon taf (crise économique bonjoooooour) qui assouvit ma soif de mots et que j’aurais à nouveau besoin de transformer mon bouillonnement cérébral en succession de 1 et de 0 pour que ça s’affiche sur ton écran entre deux stations de métro (s’il y a encore des gens qui prennent le métro… et qui me lisent). En plus je retrouverais ainsi du temps (et moins d’argent, mais tu connais l’histoire du beurre et du cul de la crémière), et donc le mou qui permet l’élasticité de la pensée.

Mais là, j’avoue, trop de contraintes, trop de course, trop de confinement, trop de monde-qui-part-en-couille et surtout vraiment pas assez de trucs intéressants à développer.

Déjà, le fameux plan à trois avec le monsieur gay, bien que pourvoyeur d’orgasme, n’a, encore une fois, pas été à la hauteur de mes espérances.

Le lendemain matin, j’ai même dit en rigolant à mon amoureux que puisque les hommes que nous rencontrions avaient la rigueur toute relative (et c’est un euphémisme), nous allions désormais écrire dans nos annonces respectives que nous cherchions juste « deux mains supplémentaires ».

Oui, les paluches ont l’avantage indéniable d’être moins sujettes à la pression globale qui augmente et donc à la pression locale qui diminue. Certes, elles peuvent trembler, mais ça a ses avantages.

Je précise que je ne conspue pas du tout les débandants. Messieurs, vous avez toute ma tendresse et ma compréhension. Mais c’est bien le problème des contacts basés sur le corps plus que sur les sentiments : on a du coup envie qu’il fonctionne, et surtout ses parties caverneuses. D’autant plus quand tu t’es mis en tête, enfin « en tête », façon de parler, de jouer la multiprise.

Donc le jeune homme en question, plutôt sympathique au demeurant, n’a je pense pas suffisamment été charmé par ma plastique féminine (totalement d’origine cependant) pour regarder droit devant quand il s’agissait de faire autre chose que d’être sucé.

Une bouche reste une bouche, et, apparemment je suce comme un pédé.

Life goal.

Enfin je dis ça mais je suce plus trop, en vrai.

Chéri, si tu me lis, j’en suis d’ailleurs désolée. J’ai comme une sorte de flemme (la fatigue + la mâchoire douloureuse + aussi un peu la fume on va pas se mentir), je me dis souvent « la prochaine fois je le fais », et puis finalement on se lance dans une de nos baises super efficaces et chouettes et satisfaisantes et amoureuses, ambiance straight-to-the-point, et ça passe à l’as… sans nous priver d’orgasme.

Bon, l’avantage, c’est que quand je re-suce, c’est carnaval.

La rareté et la frustration ont de grandes vertus, c’est ce que je me tue à expliquer à mes gosses.

En prenant d’autres exemples que la turlute rarissime, relaaax.

Après ce rendez-vous, on a continué notre recherche molle d’un sexe plus dur, mais ça m’est vite apparu comme sans aucun intérêt, et vachement contraire à ma façon d’appréhender les rapports humains.

Je ne suis décidément pas faite pour les plans Q, surtout ceux à la queue incertaine.

Alors j’allais de moins en moins sur le supermarché des mecs, à chaque fois ça me gavait un peu plus, les gars étaient mi-chiants mi-prévisibles, ça ne m’amusait plus, bref… cet été, j’ai viré l’appli de mon téléphone.

Parce qu’entre une baise à trois incertaine et potentiellement malaisante avec toute la prod que ça exige (nos enfants ne grandissant pas plus vite que la musique… même si certains ont du poil au kiki désormais)(oui j’ai eu un choc récemment, mon fils aîné étant carrément pubère avec tout ce que ça implique en matière de proportion)(et je te rappelle que son père voyait les choses en grand de ce côté là), donc disais-je entre une baise à trois, probablement partiellement décevante bien que rigolote et sortant de l’ordinaire, et une baise avec mon amoureux à base de pas loin de 100 % de réussite quelque soit la façon d’y parvenir, le tout dans une connexion parfaite alliant poilade et roucoulade, mon choix est rapidement fait.

Ouais… je sens comme une grosse envie de repli en ce moment. Dans la suite logique du confinement.

Envie de voir beaucoup moins de gens sauf les très chers à mon cœur, de rester chéoim (l’enfer du masque dans la rue quelque soit sa fréquentation)(une logique qui m’échappe)(non je ne suis pas antimasque)(mais je trouve le raisonnement foireux)(bref vivement le retour à la bouche libre), d’être gentille avec moi…

En fait je suis bord en train de virer chiante, en tous les cas austère.

Si je m’écoutais, je passerais mes journées à faire du yoga, du yoga et encore du yoga. Je sais que je me répète, mais ça a changé ma vie. Sans rancune après les trois décennies où je me suis bien foutu de sa gueule.

Je me suis en plus lancée dans les équilibres, et ça me passionne. Ouais, sur la tête, les avant-bras, les mains, avec plein de shapes et de vibes différentes. Sorry my trainings sont in english, du coup I speak as if j’étais Jean-Claude Van Damme. Bon, je manque évidemment de temps pour m’entraîner autant que je le voudrais, du coup je ne progresse pas assez vite, ce qui me frustre beaucoup mais hop, va lire mon point de vue sur la frustration quelques lignes plus haut et tu verras que je prends ça bien.

Presque à chaque fois.

En tous les cas au moins une sur trois.

Les jours pairs.

Si je suis de bonne humeur.

Non la vérité parfois ça m’abat, mais assez vite je me rappelle que c’est une discipline qui apprend la putain de sa mère de patience.

(j’adore les putes, j’adore ma feue mère, j’adore celles des putes, et même les fils de putes mais que au sens littéral du terme)

Ouais donc les équilibres, que j’ai pratiqués autant que possible pendant le confinement jusqu’à ce que je comprenne qu’on ne pouvait pas progresser tous les jours et que du coup je tirais une balle dans le pied de ma motivation. Cette discipline (un rêve d’enfant) m’a amenée à repenser les capacités de mon corps, alors j’ai lu plein de trucs, notamment sur la douleur, et j’ai capté qu’en fait c’était pas tant ma carcasse qui bloquait sur la souplesse du dos et du facial, mais… mon cerveau.

Oui, entre mes cours de danse classique d’il y a trente ans et maintenant, la science a évolué, et en vrai, s’asseoir sur le dos d’une petite fille pas spécialement souple et mise dans la position de la grenouille traumatise plus ses adducteurs que ça ne les détend, et paye ton réflexe de Pavlov derrière. Sans parler des discours expliquant à une gamine à scoliose qu’avec son dos, elle ne pourra pas faire grand chose et qu’il convient d’y faire très attention.

Portenaouak.

Bon, la bonne nouvelle, c’est que je n’ai QUE 42 ans et que donc il est encore temps de bosser le bordel. Du coup j’ai commencé à prendre des cours particuliers de souplesse, c’est intense mais trop chouette.

Et je bosse les équi avec évidemment l’envie tenace que ça vienne le plus vite possible, mais en sachant que je commence un chemin qui pourra durer une vie, tout du moins une demi-vie, vu l’infinité de figures à bosser.

Du coup plus de pole, plus de hoop.

Plus de temps, plus d’envie. Même si c’est grâce à la pole que j’ai eu des bras et que je suis passée au yoga, donc je ne suis que gratitude.

Mais plus d’élan, quoi.

J’aime trop cette nouvelle façon d’être sympa avec mon corps, que j’ai pris pendant 4 décennies comme un outil à ma disposition, alors qu’en fait c’est mon unique maison.

Ouais, je suis devenue chiante, je te dis.

Et encore, je te parle pas de ma nouvelle passion pour un truc que j’ai trooooooop envie d’essayer mais que j’ai pas encore vraiment réussi à organiser alors du coup en attendant je lis tout ce que je peux sur le sujet et c’est un monde entier qui s’ouvre à moi, et non ça n’a rien à voir avec la face nord, quoique…

Ladies and gentlemen, let me introduce…

Le jeûne !

Dans 2 minutes je bouffe de la fiente d’oiseau saupoudrée de graines de chia dans une caverne ardéchoise tout poils-de-sous-les-bras dehors.

Ah merde je peux plus, j’ai fait épilation définitive…

Bon mais t’inquiète, je suis encore une punk dans l’âme, hein. Mais une punk plus sympa avec elle-même, rapport qu’on rajeunit pas, tavu.

Aussi une punk qui a perdu son modjo question discutaille, et qui, même si ses convictions sont encore bien là, n’a plus du tout envie d’en débattre à part avec des gens déjà d’accord ou au moins perméables à son propos.

Le repliiiiiii, je te dis.

Je suis trop sensible et fatiguée pour continuer de lutter autrement qu’en m’astreignant à être une bonne personne et en inculquant ces bonnes valeurs à ma progéniture.

Surtout, tout ça me semble vain.

La petite déprime, si ça se trouve, même… Comme tout le monde dans cette année de merde qui n’augure pas vraiment de meilleures années ensuite.

Bref, tu vois à quel point j’ai pas grand chose de dingue à te raconter.

J’avais prévu de fanfaronner si d’aventures je gagnais un concours auquel une amie m’a fortement incitée à participer, le Prix de la nouvelle érotique, parce que j’étais jouasse d’être parmi les 25 finalistes sur 260 candidatures. Mais le verdict était attendu fin mars, et toi-même tu sais à quel point le monde s’est arrêté.

Donc ça a été repoussé à octobre, mais je sais pas toi, moi j’ai l’impression que ça va encore être repoussé.

Et puis t’façons je suis sûre de ne pas gagner.

Oui, c’est une demi-conviction et surtout une posture pour éviter la déception.

Bon enfin promis, si l’avenir me donne tort, je reviendrai ici faire ma crâneuse.

Et après je me retire du monde-qui-part-en-vrille et j’entre dans les ordres.

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Les juilletistes

Non, non…

Malheureusement non.

Tu as ptet cru que j’allais annoncer mon quatrième marmot, mais remember, mon mistalovalova a fermé le robinet, et je n’ai pas prévu de choisir un troisième père de mes enfants. Mon deuxième me convient parfaitement, et je ne renie rien chez le premier, même si l’amour a fini par foirer.

Tu as ptet cru que j’avais faté et c’est pas totalement faux. Mais d’une part j’ai rien contre un peu plus de gras (même si c’est pas encore très clair dans ma tête, bien que totalement bodypositive : j’admets que, me concernant, j’oscille entre « avoir un cul c’est cool mais ça fait plus de poids à porter sur la barre » et « peser tout léger, c’est pratique, mais ça creuse les joues – et c’est pas comme si j’avais pas DÉJÀ un visage anguleux ! »), et d’autre part, si la vie était juste, ce gras irait direct dans mes nénés, mais toi-même tu sais.

Bref, non, ce ne sont pas mes seins mais le haut de mon cul, avec deux petits bleus sympas de mon dernier cours de hoop.

Oui je me suis mise au hoop et c’est trop cool.

Non c’est pas du hula hoop, mais du cerceau aérien, un autre agrès sportivo-aéro-difficulto-gracieux, que quand t’as fait de la pole avant t’es content parce que tu y arrives plus vite que si t’avais jamais tracté ton boule avec tes petits biscotos.

Je me suis aussi mise au yoga, qui a changé ma vie et me laisse vachement moins de stigmates que tous les autres sports de bâtard que je me cogne. Et ça me fait bien marrer de constater qu’après avoir daubé sur cette pratique – un truc de hippie mou du genou – pendant quarante ans, il a fallu que ma mère, adepte du genre, passe l’arme à gauche pour que je m’y colle.

Big up mama !

Même si tu es en cendres au bord d’une rivière, et pas là-haut dans les nuages à kiffer de me voir faire des chaturangas.

Prochaine discipline à tester : les sangles aériennes. Paraît que c’est dur et que ça fait mal, encore plus que la pole. Mais ça a l’air putain de chouette.

Et puis je vais ptet prendre goût, du coup, non pas à la douleur, parce que ça continue de m’extraire du plaisir même si je me pavane et arbore mes blessures de guerre avec fierté, mais au ficelage en règle, puisque y’a un peu de ça dans cet art aérien (même si pas que, y’a aussi vachement de force centrifuge).

Oui parce qu’on est en juillet, et le mois de juillet, c’est LE MOIS DES PAREEEEEENTS !

SANS ENFAAAAANTS !

Tu la sens ma joie, là ?

Je te jure, le dernier mois d’école m’a tuer, l’enfer administrativo-logistique x le nombre d’enfants = la mère sur les rotules (comment veux-tu comment veux-tu…)

Je te la fais courte, mais entre les inscriptions à l’école, aux activités, les répétitions, les spectacles, les remises de livret, les kermesses… t’es bord à regretter d’avoir incité tes gosses à faire des activités extra-scolaires. Deux chacun…

Par contre, quand le 6 juillet tu les accompagnes à leurs colos respectives (oui, la petite a 3 ans et elle part en colo, pour la troisième fois, n’en déplaise à ceux qui n’ont toujours pas compris que l’immense majorité des abus sexuels sont commis… dans la famille), tu te sens renaître de tes cendres.

La première semaine, tu t’écroules et tu glandes, parce que c’est précisément ce qui te manque le plus quand tu t’es multi-reproduit. Bon, aussi de manger chaud et de faire caca tranquille, c’est vrai.

Mais le farniente…! Vivre à son rythme…!

Même Calvin le dit à Hobbes.

La deuxième semaine, tu t’actives un peu – resto, cours de pole avec ton mec, apéro avec les potes eux aussi libérés de leurs progénitures… –, et tu te souviens que si tu veux faire des trucs rigolos à l’horizontale, voire en diagonale, c’est un peu now or never. En tous les cas now or l’été prochain.

De là est donc venue à mon mec l’idée saugrenue de ressortir ses cordes et de jouer au marin, comme une fois il y a quatre ans quand j’étais à mon deuxième trimestre de grossesse, celui où t’as les hormones qui te réchauffent. Ça a donné ça :

Oui, ptet que l’embarcation aurait coulé, rapport que c’est pas exactement réglementaire, mais on s’en fout, on est des profanes et punk is not dead.

Et puis on n’a pas prévu de faire carrière dans le shibari, d’autant moins que je le redis, j’ai une passion pour les baises simples et efficaces. Une passion assez compatible avec la maternité, je dois dire. Parce que même pour faire ces quelques nœuds, il faut compter un quart d’heure, et un quart d’heure, c’est treize minutes de trop si on doit en plus atteindre l’orgasme avant que l’épisode de Paw Patrouille se termine.

De rien, la musique dans la tête, c’est cadeau.

C’était chouette, et joli. Oui, c’est pour ça que je te montre deux fois mes fesses, d’ailleurs.

J’aime bien cette photo.

Et en parlant de fesses, devine qui vient dîner ce soir ?

Un nouvel invité !

Après un an sans se frotter à un autre, mon homme et moi avons trouvé un nouveau candidat.

Et, petite nouveauté, celui-ci est… gay.

Disons plutôt qu’il est gay fraîchement devenu bi, puisqu’il s’est ouvert aux femmes, si j’ose dire, il y a quelques mois.

J’ai émis quelques réserves, rapport à notre petite déconvenue de l’été dernier.

Mais mon amoureux m’a dit qu’il le sentait plus à même de me satisfaire.

Et puis je me demande si je ne réalise pas un genre de fantasme inconscient, en faisant cela.

Reste à voir si l’essai, cette fois, sera transformé.

Sainte-Rita, si tu m’entends !

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Paul & Mike

Forcément, tu te dis qu’avec un titre pareil, je vais te raconter le threesome de ma life avec deux charmants Britons… Mais non, déception, de ce côté je n’ai rien de nouveau à narrer, et j’ai même pas traversé la Manche. Et puis dans l’idée, je n’ai prévu aucun plan à trois sans mon amoureux. Du coup ça ferait un plan à quatre – c’est à partir de combien, un gang-bang ?? –, et ça me semble un peu ambitieux pour une meuf qui n’a toujours pas réussi à se payer une double avec deux humains.

Ce titre, en fait, c’est une blague que je pique au père de mes fils parce qu’elle me fait hurler de rire. Ne va pas croire qu’on est devenu copain. Non… J’ai appris à ne plus l’espérer et à me contenter de rapports mi-cordiaux mi-secs mi-nimums (il n’y a jamais trop de moitiés quand on veut faire un jeu de mots), c’est de toutes les façons mieux que juste après notre séparation.

Il n’empêche que malgré les trucs qui me saoulent parfois, je continue à lui trouver de nombreuses merveilleuses qualités et à louer son indubitable singularité.

Paul & Mike, donc, c’est comme ça qu’il appelle nos garçons, qui ont, disons, le sens de la joute verbale, de la négociation, de la… polémique.

Tu l’avais ?

Bref, je t’arnaque complètement, parce qu’en plus je ne vais pas te parler d’eux (qui vont bien, merci… le grand passe en cinquième, et l’entrée au collège est une nouvelle ère, disons… intéressante pour les parents), et même pas de sexe. L’année, bien que totalement satisfaisante sur le plan horizontal, ne m’a rien apporté de fou à te raconter. J’ai baisé régulièrement avec mon chéri, souvent de la même façon parce qu’on ne change pas une équipe qui gagne à tous les coups (doggystyle for evaaaaa), autant que possible au regard de notre rythme et de notre fatigue (coucou petite fille de 3 ans et demi qui n’a toujours pas parfaitement compris le principe de l’expression « faire ses nuits »)(même si c’est mieux qu’avant), stadire entre deux et quatre fois par semaine les semaines où on est ensemble.

Pas de nouvelles expériences, pas de découvertes particulières, pas de nouvelles personnes… « juste » un amour et une complicité physiquo-intellectuelle grandissante.

Clairement, le seul truc qui me titille (rarement, et un tout petit peu) sexuellement, mon mistalovalova ne pourra jamais me l’apporter, qui soit-il, mister R ou un autre si d’aventure je souhaitais changer (ça n’est pas du tout le cas). En plus, le truc n’existe presque pas dans la vraie vie… Ça serait la connexion instantanée avec un inconnu qui se transformerait en baise torride digne des premiers émois et s’achèverait aussitôt pour ne laisser que de super souvenirs qui alimenteraient ma libido, pourtant déjà bien repue.

Y’a que le hasard et les astres auxquelles je ne crois pas qui pourraient provoquer le bordel ; autant, donc, ne pas trop s’y attarder.

Bon meuf, tu la craches, ta valda ? C’est quoi ce sujet de ouf dont tu veux nous parler ???

J’ai jamais dit que c’était un sujet de ouf. D’ailleurs c’est un sujet totalement égocentré, une réflexion vague, une décision qui présente peu d’intérêt pour les quelques lecteurs qui me restent mais c’est la première fois depuis longtemps que j’ai à nouveau envie de taper sur mon clavier, alors…

Et puis qui sait, ça va ptet me redonner le mojo de l’écriture (passer d’un taf mathématique à un boulot littéraire a clairement atténué ma soif de mots).

En plus, j’ai presque zéro gosse en juillet et mon mec pour moi toute seule, mec qui n’arrête pas de m’envoyer des tofs de meufs ficelées ces derniers temps. Hasard ou complot ? Je ne sais pas… mais quelque chose me dit qu’il y a un message subliminal. Qui pourrait me donner des choses à raconter !

Bref, voilà cette décision que j’ai prise et qu’il est fort possible que je n’arrive pas à tenir, parce qu’on ne se refait pas ma bonne dame, et que j’aurai beau tenter de me couler dans un moule, mon naturel reviendra certainement, au moins au petit trot.

J’aurai prévenu !

Je crois qu’on n’a jamais vu plus longue introduction pour dire un truc de merde.

Je passe la seconde, t’inquiète.

Ces derniers temps, même si ma vie va, globalement, je me suis souvent sentie déprimée par le monde. J’ai vu des documentaires, lu des livres ou regardé des séries qui m’ont fait souffrir. Je n’ai pas arrêté de me dire que tout était pourri depuis trop longtemps, des siècles, des millénaires ! Qu’aucune avancée, malgré tout l’espoir et toute la joie qu’elle apporte au moment M, n’était pérenne. Que la société ne serait jamais totalement juste puisque chacun voit midi à sa porte. Que l’immense majorité des gens pensaient – selon moi – à l’envers, même si, évidemment, c’est surement moi qui roule à contresens…

Petite dépression ou bien ?

J’essaye d’avoir une pensée subtile et fine, je fais donc souvent l’avocat du diable.

Bien sûr, quand je suis très énervée ou déprimée, il m’arrive de dire des trucs radicaux complètement cons sans tenter de trouver la queue d’une circonstance atténuante à ceux qui m’ont blessée.

Mais souvent, la plupart du temps, je m’attelle à ne pas déambuler dans ce que j’appelle « les boulevards de la pensée majoritaire » – même si je n’adhère à aucune thèse complotiste –, et je crois que je défends des points de vue singuliers et courageux.

Pas pour le plaisir de me démarquer. Juste parce que ça me semble être ce qu’il faut pour faire avancer le monde dans le bon sens.

J’ai pas dit que je ne trouvais aucun plaisir à me démarquer pour autant. Mais sache que ça apporte plus de tension que de joie.

Car évidemment, j’ai plus de contradicteurs que de partisans.

Et je crois que je n’ai plus le courage…

Parce que malgré la force de mes convictions, j’ai un handicap qui flingue tout : je suis trop sensible.

Je suis trop sensible dans les débats, notamment.

Je pense savoir d’où ça me vient, olaaaa cher papa qui depuis que je suis toute petite (vraiment toute petite) me rend chèvre à la moindre discussion.

Probablement à cause de mon paternel, donc, qui n’a jamais hésité à 1) me couper la parole, 2) me hurler dessus, 3) écraser mes points de vue avec dédain, 4) user de son immense culture pour me coincer, 5) prétendre qu’il sait tout mieux que moi, même sur des expériences qu’il n’a jamais vécues alors que moi si et 6) être de totale mauvaise foi quitte à se contredire pour mieux me contredire, à cause de lui, donc… je ne sais débattre que dans certaines conditions qui sont rarement réunies.

Soit je perds mes moyens, soit je perds ma répartie, soit je perds mes arguments qui s’embrouillent dans ma tête assourdie par le vacarme de mon cerveau en alerte… Je n’arrive pas à synthétiser ce que je veux dire, c’est forcément long puisque complexe, et comme l’autre ne me laisse pas ce temps – légitimement –, ça devient un propos idiot, car pas exposé sous toutes les facettes.

Je suis bien plus à l’aise à l’écrit.

À l’écrit, personne ne hausse le ton sur moi. À l’oral, je me sens vite acculée dès que le débit se fait plus sec, mon sentiment d’agression remonte des tréfonds, la petite R. terrorisée prend toute la place dans mes tripes et la grande gigue de 41 ans fait comme elle peut pour se défendre.

Même quand, en vrai, personne ne m’attaque.

C’est comme un réflexe, comme si je n’arrivais pas à m’extraire du trauma, à trouver la réaction intérieure proportionnée.

Avec mon père, comme j’ai de la rancoeur, je ne me laisse plus faire et je le renvoie dans ses 15 mètres s’il me cherche trop. Ça me laisse ruminante pendant des jours, mais au moins j’ai la satisfaction de ne plus le laisser abuser de son pouvoir.

C’est plus compliqué quand je parle avec d’autres.

Avec ceux que je ne connais pas bien, et surtout qui ne connaissent pas la meuf chelou que je suis, je me sens tout de suite beaucoup trop décalée et donc jugée, mal résumée.

Genre à mon travail. Ma N+2, par exemple, est convaincue que je suis une traîtresse à la cause féministe (les #MeToo, #BalanceTonPorc et autres Manifeste des 100 n’y sont pas pour rien) doublée d’une crétine absolue, même si elle ne se l’avoue pas encore aussi clairement.

Mais même avec ceux que je connais, que j’aime et qui m’aiment sans aucun doute, je n’y arrive finalement pas.

Ça s’est encore produit tout récemment, et je n’ai aucun doute sur l’absence totale de malveillance. C’était une discussion sur les mots « gros » et « grosse ».

Non seulement je n’ai pas réussi à exprimer ce que je voulais dire dans toute sa complexité – je ne te parle même pas d’avoir convaincu –, mais en plus ça m’a tendue sur le coup, et fait des nœuds au cerveau ensuite.

Pourtant je continue à penser ce que je pense.

Mais je me suis encore demandé pourquoi je m’étais mise dans cette situation de fragilité (pendant et après) au lieu de me contenter de parler de sujets moins clivants. Nous étions entre amis, que des gens qui s’aiment, et nous passions un très bon moment.

Ne va pas croire que nous nous sommes engueulés ! Non, nous avons su arrêter la discussion à temps et profiter de la belle journée dans la joie et la bonne humeur.

On s’aime tous beaucoup.

C’est bien pour ça que ça m’a éclairée, d’un coup. Et que j’ai compris que je suis trop abîmée pour continuer à défendre mes convictions oralement, même avec mes proches.

Je crois que je n’ai plus envie de polémiquer.

Je ne veux plus que discuter avec des gens qui sont déjà d’accord avec moi ou que je ne sens pas totalement hermétique à mes points de vue. Et rester agréable et neutre toutes les autres fois.

Facile et lâche, me diras-tu…

Je suis d’accord.

Mais ça fait trop longtemps que j’ai mal (peut-être à tort, assurément de façon démesurée) de lutter pour la bonne cause malgré l’adversité, que je m’expose, avouant mes secrets les plus honteux ou dévoilant mon intimité à des gens pas forcément bienveillants ni précautionneux ou tout simplement aussi convaincus de la justesse de leurs propos que je le suis des miens, ce qui rend la discussion stérile… et je prends sur moi la moitié de la responsabilité : quand je pense avoir raison, je pense avoir VRAIMENT raison.

Ce qui ne veut pas dire que je pense avoir TOUJOURS raison, mais c’est un autre débat.

Un de ceux que je m’abstiendrai sûrement de mener… Même si j’entends déjà les tagada tagada tagada de mon naturel au galop.

 

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Les promesses

Doigts croisésWow, 311 jours se sont écoulés depuis cette veille de plan à trois, longue digestion pour juste deux bonnes heures de calculs.

Dans les deux sens du terme.

Je veux dire : elles ont duré plus de deux heures ET elles étaient fort agréables.

Je t’explique parce que t’es plus habitué à mon humour trop génial, possiblement. Rapport aux 311 jours. Toi et moi, il faut qu’on se réapprivoise, après une si longue défection…

Alors oui, deux bonnes heures pendant lesquelles sept orgasmes ont été soupirés. Un pour notre invité, trois pour mon amoureux, trois pour moi, dont un triplement partagé et deux doublement savourés.

J’aime toujours autant les maths, comme tu peux voir.

C’est pas pour autant que j’ai pu jouer à la double, malheureusement.

L’homme était pourtant fort courtois et maître en la matière du sexe triangulaire (probablement octogonal aussi), donc très à l’aise dans notre joyeuse configuration. Mais l’enthousiasme et l’expertise ne suffisent décidément pas pour une invasion nord sud en simultané.

Non.

Il faut aussi… deux belles et solides érections.

Et je constate que sur mon humble et maigre parcours sexogéométrique, on trouve souvent des hommes qui bandent un peu mou.

Tu me connais, je ne juge pas, et je me doute que même des libertins avertis peuvent être émus, et donc décontenancés, quand ils se retrouvent toute intimité dehors face à un couple très amoureux dans une chambre d’hôtel un après-midi de semaine.

D’ailleurs, ça ne nous a pas empêché d’explorer moult figures trigonométriques toutes en exquises montées et haletantes descentes, sinus et cosinus obligent.

Mais la promesse n’a pas pu être tenue, sans qu’aucun ne soit à blâmer, à part, peut-être, les corps caverneux (et le cerveau qui colle la pression).

Nous avons réitéré en août, avec un très chouette garçon toujours rencontré sur le supermarché d’Internet. Celui-là me plaisait beaucoup à plusieurs niveaux – et tu sais comme j’ai besoin d’émotions et de sentiments pour savourer pleinement la baise –, un mec mignon, ouvert, sympa, singulier, touchant.

Il m’avait laissé entendre qu’il aimait beaucoup être soumis à des hommes, je lui avais répondu que ma recherche s’orientait plutôt vers un invité bisexuel et capable de seconder mon amour dans son statut (un peu) dominant. Il m’avait alors promis qu’il savait aussi tenir ce rôle avec une femme. Eaaaaasy, même.

J’étais pas loin de penser que nous avions trouvé la perle rare, d’autant que le début de soirée avait été fendard, saupoudré de rosé pour ces messieurs et de taga pour tous les trois.

Puis vint le passage dans la chambre, et même si le moment fut intéressant, j’ai vite compris que la promesse, encore une fois, ne serait pas tenue.

Intéressant car j’ai vécu deux nouvelles choses.

D’abord, j’ai fait jouir notre invité juste en le pénétrant avec un jouet. Je ne m’en pensais pas capable pour plusieurs raisons, à commencer par mon absence d’élan pour la chose, doublée d’une certaine crainte de mal faire et de faire mal, et j’ai finalement trouvé ça assez beau. Et un peu excitant.

Ensuite, j’ai vu pour la première fois mon homme en sodomiser un autre, et c’était moins perturbant que je ne l’avais craint.

C’était même assez poignant. J’étais en face d’eux, armée de deux jouets, m’occupant de moi-même, mes yeux plantés dans ceux de mon amoureux tout sourire. Bien que ne nous touchant pas l’un l’autre, nous étions hyper connectés.

Mais je me suis bien rendue compte que ce charmant jeune homme appréciait surtout d’être au cœur du sujet, passif et offert, et vraiment vraiment vraiment pas dans une posture de mâle alpha, ni même bêta.

Jacques Chirac le disait : les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

D’ailleurs y’en a un qui a bien bien bien concrétisé cette maxime dans ma vie, cette dernière année.

J’ai nommé… roulements de tambours… suspens atroce…

MON BEAU-PÈRE.

Qui n’a décidément rien de beau ni d’un père, et que nous appellerons dorénavant « celui qui fut l’époux de ma mère », voire « l’autre enculé », même si c’est vraiment pas sympa pour les nordistes.

Je te la fais courte, mais en gros le gars a saccagé trente-cinq ans de rapports plutôt simples et courtois en trois rendez-vous chez le notaire.

Youpi.

Parait que c’est banal, ce qui est vraiment très rassurant pour l’humanité.

Je m’étais bêtement dit qu’au regard de ces trois décennies et demi pendant lesquels nos quelques querelles n’avaient jamais pris trop de place, la succession devrait se passer facilement. Nous n’étions que deux concernés, il y avait un peu de thunes et un seul bien, et, surtout, ce monsieur m’avait toujours dit (alors que je ne lui avais jamais rien demandé) que je serai son héritière ainsi que mes marmots, lui-même étant dépourvu de descendance, tout à fait volontairement.

Tu te doutes bien qu’il avait dit la même chose à ma mère à l’époque où il l’avait convaincue de l’épouser alors qu’elle se foutait de cet acte formel comme de l’an un, mais surtout de lui concéder une donation au dernier vivant alors que rien ne rendait celle-ci nécessaire dans leur situation.

Il l’a exigé comme une preuve d’amour.

Les détails importent peu, disons juste que moins de cinq jours après la crémation de ma petite maman, l’homme montrait son vrai visage en m’expliquant qu’il prendrait tout ce que la loi l’autorisait à prendre sans aucune considération de ses réels besoins (ni des miens, by ze way). L’idée était bien de me faire payer l’amour que ma mère m’avait porté, amour dont il m’a avoué une quarantaine d’heures avant qu’elle meure qu’il en avait toujours été jaloux.

Ouais…

Je m’en étais souvent douté, ça ne m’a pas empêchée d’en être estomaquée et de lui rappeler que quand même, quand nous nous étions connus, il avait 45 ans et moi… autour de 5.

Après, ça a été la valse des vacheries pendant sept mois, lui heureux comme un pape avec sa gonzesse richissime qu’il côtoie depuis le placement de ma mère en Ehpad il y a six ans, comptant tel Picsou sa propre fortune – au-delà de sa retraite bien supérieure à mon salaire sans aucun enfant à charge, le mec est assis sur un pactole qui a en grande partie été acquis par ma génitrice AVANT leur rencontre – et surtout me balançant que j’avais été suffisamment aidée dans ma vie alors que je n’avais pas été à la hauteur avec ma mère.

Ça je l’ai encore en travers de la gorge. Il n’a décidément pas supporté que je lui dise un jour que je ferai tout mon possible pour elle, mais que je ne sacrifierai pas mes enfants pour autant.

Même le notaire, qui n’était pas « de mon côté » mais de celui de la logique s’est agacé de ces choix qui n’avaient aucun sens au regard des propos que l’autre connard tenait.

En aparté, il m’a demandé si je ne pensais pas que monsieur était atteint d’une maladie dégénérative cérébrale. J’ai ri, ça m’avait bien évidemment traversé l’esprit, un tel retournement de veste ne se voit pas tous les jours – il faut dire que c’est la première fois de ma vie que j’hérite de quelque chose. Mais je lui ai expliqué que je ne pouvais pas partir sur ce terrain là dans une telle situation.

J’ai une dignité, quoi.

D’ailleurs, mister blaireau m’a dit un jour où, essayant, agacée, de décoder sa position, je lui avais balancé de bien faire comme il le voulait mais de ne pas me demander ma bénédiction rapport que faut pas pousser mémé dans les orties, kômême, qu’il m’admirait encore plus qu’avant car je n’avais pas l’air « si attachée à l’argent ».

Genre il croyait que j’allais me rouler par terre en chouinant ?? Ou alors, peut-être, lui sucer la bite ???

Je ne dis pas que j’aurais pas préféré avoir plus de caillasses, hein. Je dis juste que ce qui m’a vraiment cassé la tête et brisé le cœur, c’est la partie émotionnelle du bordel.

Pas la financière.

J’avais sincèrement l’impression d’assister à la trahison éhontée de ma petite mère qui reposait toute en poussière sur ma bibliothèque.

Je te rassure, entre-temps elle a été rendue à la Corse et la Corse lui a été rendue sur les bords de ma rivière paradis.

J’ai passé des nuits à tout décortiquer pour tenter de comprendre pourquoi. Que souhaitait-il me faire payer ? Qu’est-ce que ma mère foutait avec lui ? M’avait-il seulement appréciée un jour ? Ce qu’il disait de ce qu’elle disait sur moi était-il vrai ? Connaissais-je vraiment ma petite maman ? L’avait-elle aimé ? Pourquoi ? Comment ?

J’ai abandonné, me rappelant que la vie était courte et que je n’allais pas en consacrer une minute de plus à ce sombre minable.

Me promettant, aussi, de NE SURTOUT PAS MOURIR AVANT LUI.

Ça serait tropinzuste.

Successoralement parlant, déjà – j’ai payé une blinde de frais de succession sur un appartement inhabité dont je ne verrai une partie de la couleur qu’à l’extinction de l’usufruit, ça ferait chier d’en être privée.

Mais aussi parce qu’alors que j’avais imaginé des rapports sympathiques avec ce vieux monsieur jusqu’à la fin de nos vies, j’ai finalement décidé de faire péter le champagne le jour où on m’annoncera son trépas.

Alors que j’aime pas le champagne.

Rien que pour le symbole.

J’espère que je tiendrai cette promesse à moi-même.

Car il y en a une autre que je m’étais faite et que la vie-cette-chienne-que-j’aime-quand-même ne me permet pas de tenir pour le moment : enfant de familles multi-dysfonctionnelles, je m’étais juré que celle que je créerais, même en formule recomposée, serait différente et roulerait du feu de Dieu.

Mais si les choses étaient simples, ça se saurait.

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