Clair de lune

Nous sommes en vacances dans les Cévennes, ce petit coin de France que j’aime d’amour et qui se loge juste après Paris et la Corse dans mon cœur.

Un joli mas au nom ensoleillé, fait de dalles et de pierres, de voutes et d’escaliers biscornus, assez grand pour accueillir la trentaine que nous sommes, toutes générations confondues. Le propre des mariages célébrés.

Un peu plus bas, la Cèze, l’équivalent du paradis sur Terre. Eau limpide, rochers gris clair lissés par le courant, chauffés par les rayons, bassines, cascades, bains à remous naturels…

J’aime être ici.

J’aime être ici en nombre, croiser les uns et les autres au détour d’un plat à préparer dans l’immense cuisine, d’une lessive à étendre, culottes et caleçons main dans la main, d’une descente à la Cèze à l’heure où les parents remontent pour coucher leurs bambins, d’un bain de minuit nue entre les moins fatigués…

A l’époque, je faisais partie de ces derniers.

Aujourd’hui, je pique du nez à 22h12.

Lui et moi, on se cherche tacitement depuis longtemps, mais les circonstances ont fait que rien n’est jamais arrivé. Alors on se renifle, un peu, l’air de rien.
Toujours sur le ton de l’humour, on se parle finalement assez peu, même si certains regards laissent parfois transparaître le désir.

Et puis arrive ce soir, où les uns et les autres partent se coucher petit à petit.
Je roule mon dernier joint au clair de lune, sous un arbre, à ses côtés. Nous ne sommes plus que nous deux. On papote de tout et de rien, voire de sujets plus précis, plus orientés… la tension est palpable.

Je clique le briquet, la flamme se déploie, grésillement familier… la volute de fumée grasse et onctueuse se déverse dans ma gorge.

Vague.

De mon front à mes orteils, une onde douce et apaisante se répand.

Petite luciole de braise, nous partageons ce dernier bédo dans un silence lourd de sens.

Dernière bouffée.
Je toussote.
Ecrase le joint.
Un ange passe…
Il me dit qu’il va se coucher.
Je réponds que moi aussi.
On se suit, direction l’éternel dortoir des vacances en nombre.
Noir complet.

Il attrape ma main pour me guider dans l’obscurité.

Flottement.

Doucement, nos cous se rapprochent, nos joues se touchent, nos pores frémissent.
Nous inspirons de concert.

Puis nos lèvres s’agrippent. Aimantation instantanée. Fulgurante.

A pas de loup, nous ressortons sans un bruit du dortoir, le silence règne en cette heure tardive et le mas est baigné de lune.
Nous nous regardons…
Sans dire un mot, nous roulons l’un dans l’autre jusqu’à une terrasse un peu en retrait.
Il me colle au mur. Plonge sa langue dans ma bouche, jambe fermement coincée entre les miennes.

Long baiser prometteur…

J’attrape son tee-shirt et dévoile son torse lentement, ventre contre ventre, bras emmêlés, cheveux confus. Il soulève ma robe jusqu’à mon nombril, baisse ma culotte, tombe à genoux et engouffre sa tête entre mes cuisses.
Me déguste avec gourmandise… mais je veux l’avoir en moi.

Je veux le coït.

Alors je saisis ses épaules et l’amène tout près de ma bouche, plonge mes yeux dans les siens, empoigne son sexe dressé sous son bermuda, lui chuchote de me prendre…

Il rit. Se met à nu, m’embrasse, fougueusement.

Met ses doigts dans sa bouche puis en moi.
Un, puis deux, puis trois…

Me retourne, pour mon plus grand plaisir, m’appuie sur la balustrade.

Une jambe à terre, l’autre en danseuse, lui derrière moi, en moi. Mes doigts agiles, libres de rythmer l’ébat à leur guise. Ses deux mains posées sur mes hanches, son bassin qui bat la mesure. Soupirs contenus, délice de son contact dans mes profondeurs…
Il est bon, et ainsi écartée, je peux le savourer à mon aise.

Il me susurre des phrases belles et crues, jonglant avec la cadence, mêlant douceur, talent et bestialité. Triptyque bienvenu en ces eaux troubles.

Je chuchote putain, c’est trop bon, et sa main claque ma peau au parfait moment. Je ris, il gémit, moi aussi. Ses doigts agrippent ma nuque, mes cheveux, une fois, deux fois, trois fois, j’explose, il se cabre, le temps est suspendu…

Décharge électrique ondulante. Qui dure.

Nos muscles se détendent. Baiser langoureux.
Je pose ma jambe marquée de bleus au sol, tremblante.
Il me serre dans ses bras.

Longue étreinte.

Après un sourire complice, dans le silence et l’obscurité, nous décidons d’aller dormir. D’un sommeil de plomb.

Les vertus de l’orgasme et du clair de lune.

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22 commentaires pour Clair de lune

  1. Zoulmi dit :

    Joli texte. J’aime ta prose tout autant que tes ébats (ou tout du moins ce que tu en conte.)

    • R. dit :

      Je dis (presque) la-vérité-toute-la-vérité-rien-que-la-vérité votre honneur…
      Et le « presque » ne concerne jamais la qualité des ébats. 😉

  2. usclade dit :

    Est-ce la pleine lune en ce moment qui te fait publier ce récit?
    Hier soir elle était vraiment belle. Dommage, j’étais loin des Cévennes…

    Comme je fais partie du club des chanceux qui ont eu le privilège de passer les étés de leur jeunesse (et quelques bons moments encore après) là bas dans les Cévennes, je peux te dire que ton billet me rend particulièrement nostalgique.
    Ma famille a vendu cette grande bâtisse à flanc de montagne. C’est triste, mais vouloir la garder était irréaliste…
    Tu m’invitera dans la tienne? 🙂

    • R. dit :

      Oh, c’était pas la mienne, même si j’aurais adoré !
      Plus aucune maison familiale par chez moi, malheureusement. Et si un jour je suis riche, j’investirai en Corse. En même temps je vois pas trop comment je pourrais être riche un jour. 😉

      • zoumpapa dit :

        Je vois qu’on a les mêmes rêves d’investissement…ainsi que les mêmes contraintes.
        Je ne vois plus que l’association afin d’y accéder, kekten penses ? 🙂

  3. R. dit :

    Je constate que je suis très prompte à la négociation quand je suis pump it up… 😀

    • Gawel dit :

      Et avec moi, c’est possible ?
      0:-)

      (je sais, je sais, t’es pas portée fille. Sauf la jolie caissière du magasin)

      • R. dit :

        Tout est négociable, poulette, faut juste savoir me brancher et tomber au bon moment… Et négocier avec Zé qui revendique son antériorité, rapport à quelques rêves équivoques que nous avons fait l’une et l’autre de l’autre et l’une. 😉

  4. Gawel dit :

    Moi aussi ça me rappelle des choses… mais nous étions trop jeunes pour être aussi raccords.
    Ce que je me demande c’est « et le lendemain, vous vous comportez comment ? » Regards en douce, décontraction totale, retour à la case départ, roulage de pelle assumé ?
    c’est mon grand problème, parfois, l’après.

    • R. dit :

      Le lendemain, c’est décontraction totale, agrémentée de sourires complices, de regards gourmands, de mains baladeuses et secrètes, et d’échafaudage de plans pour se retrouver ne serait-ce que le temps d’un baiser volé, et plus si affinités… Fort plaisant.
      Et au retour de vacances, une nuit complète pour enfin se savourer en ayant tout le temps et l’espace pour nous.
      Que du bon… 🙂

      • Gawel dit :

        Aaaah, ça c’est parfait, exactement ce dont je rêvais.
        Et ce que je vis en ce moment au boulot mais bien trop peu à mon goût.

  5. Je suis un peu déçu. Une Cèze sans 69, c’est de la petite bière…
    (Bon, je fais le pitre, mais j’ai les yeux qui brillent comme la lune, devant ton récit.)

  6. Judie K dit :

    Quel joli texte !

  7. Léa dit :

    De très beaux moments qui me font toujours autant planer, enfin je me comprends ;-).

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